Les 28 et 29 août, le Comité de l'Internationale Socialiste pour l'Amérique latine et les Caraïbes s'est réuni à Cartagena de Indias, en Colombie, accueilli par le Partido Liberal Colombiano (Parti libéral colombien, PLC). Les thèmes à débattre étaient « La paix en Colombie - un objectif commun pour les peuples de la région et une nécessité pour le progrès de tous » et « Les processus électoraux actuels en Amérique latine et aux Caraïbes : perspectives et évaluations ». Les partis membres de la région ont également présenté au Comité des rapports sur la situation dans leurs pays et sur le travail qu'ils y réalisent.
À l'inauguration de la réunion, le Comité a pu entendre l'hymne national colombien et d'autres chants interprétés par une chorale d'enfants de familles déplacées des zones touchées par le conflit armé qui sévit en Colombie depuis plus d'un demi-siècle. Avec le slogan « La réconciliation par la musique » imprimé sur leurs t-shirts, les membres de la chorale ont exprimé les espoirs et les désirs investis par la société colombienne dans le processus de paix actuellement en cours.
Ensuite, une vidéo a été diffusée. Elle avait été réalisée en mars 1990 lorsque le mouvement de guérilla du 19 avril et le gouvernement de Colombie avaient signé l'accord qui a permis de démobiliser le M19 et de réintégrer ses membres à la vie sociale et politique du pays. Cet exemple, qui a presque 25 ans, montre que l'Internationale Socialiste a déjà démontré son engagement envers la paix en Colombie, instaurant la confiance entre les parties, facilitant le dialogue politique et mettant sur pied une Commission pour superviser le transfert et la destruction des armes du mouvement M19.
Pendant la session inaugurale de la réunion, Luis Ayala, Secrétaire Général de l'IS, Horacio Serpa, dirigeant du PLC et Miguel Vargas Maldonado (PRD, République Dominicaine), Président du Comité de l'IS pour l'Amérique latine et les Caraïbes, se sont exprimés.
Luis Ayala commence par remercier le Parti Libéral colombien (PLC). Faisant référence à la vidéo, il a réitéré que les idéaux et valeurs qui inspiraient l'IS il y a 25 ans sont les mêmes que ceux qui motivent l'organisation et ses membres aujourd'hui. Il rappelle que la paix est une condition pour pouvoir incarner et réaliser ces valeurs, en déposant les armes grâce à des actions politiques. Il souligne aussi que cette réunion du Comité à Cartagena de Indias a une signification particulière car elle se tient au moment où le processus de paix entre le gouvernement colombien et le FARC progresse à La Havane, et réaffirme l'engagement de l'IS pour la paix en Colombie. L'IS est venue apporter le même message à propos de la construction de la paix dans d'autres régions du monde souffrant de conflits ouverts ou non résolus, y compris la lutte contre le terrorisme, telles que la Syrie, le nord de l'Irak et d'autres, ou encore dans son travail pour apporter une résolution paisible des conflits au Moyen-Orient, entre la Russie et l'Ukraine, au Sahara occidental, entre la Turquie et l'Arménie. Dans tous ces cas, l'IS et ses partis membres œuvrent pour l'action et le dialogue politique, inspirée par nos idéaux et nos valeurs, a-t-il ajouté. Il mentionne également la crise à la frontière entre la Colombie et le Venezuela, en plein essor au cours de la réunion du Comité, exprimant la consternation de l'IS face à la situation et la solidarité de l'organisation avec les familles colombiennes habitant à la frontière entre les deux pays, dont la dignité et les droits ont été touchés.
Se référant à la situation économique qui touche les pays de la région, Luis Ayala a vu cela comme un défi pour les partis membres en Amérique latine et aux Caraïbes, et il les a exhortés à faire face aux défis électoraux et le déclin de la popularité des gouvernements et des collectivités politiques tout en maintenant leurs objectifs ambitieux pour le peuple et en restant fidèles aux idéaux et aux principes du mouvement social-démocrate. Il a également souligné l'importance actuelle de la transparence et de proximité avec le peuple et a appelé à maintenir la continuation d'une position claire sur la lutte contre la corruption et le rejet des relations impropres qui peuvent survenir entre la politique et l'argent. Enfin, il a exprimé sa conviction comme quoi l'IS a été, et reste, une présence dans les grands défis auxquels le monde est aujourd'hui confronté, qui sont aussi des défis pour la région. Il a rappelé le long travail de l'IS sur le changement climatique, entre autres, en notant que l'organisation sera présente à la Conférence COP21 de Paris. Luis Ayala a déclaré en conclusion qu'un problème central pour l'Amérique latine et les Caraïbes est de progresser dans la lutte contre l'inégalité et dans cette optique l'IS commencera le travail au cours du second semestre de cette année de la Commission sur ce sujet, avec des personnalités de ce parti du monde et de chaque région.
Horacio Serpa accueille le Comité au nom du PLC et exprime ses remerciements pour la présence de l'IS en Colombie à un moment particulièrement important pour la progression du processus de paix. Il explique qu'actuellement le PLC est le second parti politique colombien, avec 17 sénateurs et 42 députés, et occupant des postes politiques de premier ordre tels que la présidence du Sénat, le ministère de l'Intérieur et le poste de maire de la ville de Cartagena elle-même. Aux élections d'octobre prochain, poursuit-il, le PLC espère se positionner comme la principale force politique en Colombie, souhaitant qu'un membre du parti soit élu Président de la République en 2018. Il indique également à l'auditoire que dans la situation actuelle à la frontière avec le Venezuela, le pays est uni dans son rejet indigné des décisions prises par Nicolás Maduro.
Faisant référence au processus de paix, Horacio Serpa rappelle qu'après son indépendance de l'Espagne, la Colombie a connu deux siècles de conflit. Il décrit les diverses confrontations du XXe siècle comme une vraie tragédie humanitaire. Depuis 1954 le pays a assisté à la montée de différents groupes subversifs. Après la signature de l'accord de paix avec M19, quatre sur sept candidats présidentiels ont été assassinés en 1990, dont Carlos Pizarro León-Gómez et le candidat libéral Luis Carlos Galán, une situation de violence qui a créé un puissant mouvement social et mis en branle le processus constitutif ayant débouché sur la création d'une Assemblée constitutive nationale puis l'adoption d'une nouvelle Constitution en 1991. En ce qui concerne le processus de paix en cours entre le FARC et le gouvernement colombien, Horacio Serpa exprime son espoir comme quoi il pourrait déboucher sur une conclusion satisfaisante dans un avenir proche, dans quatre à six mois, et exprime son souhait que l'IS continue à soutenir la Colombie dans la construction de la paix après la signature des accords.
Le Président du Comité, Miguel Vargas Maldonado, remercie également le PLC pour son accueil. Il rappelle qu'au cours de la dernière réunion du Comité au siège de l'Organisation of American States à Washington les 1 et 2 décembre 2014, l'un des défis de la région déjà identifiés était la manière d'appliquer les politiques publiques pour faire au ralentissement économique et rendre possible ce qu'il appelle une « meilleure croissance », consistant à réduire les inégalités et la pauvreté dans nos pays. Il maintient par ailleurs que les gouvernements et les partis doivent relever le défi d'une plus grande transparence, d'un rapprochement du peuple et de la participation des citoyens à la vie politique. Les démocraties de la région doivent être protégées et les libertés renforcées, fait-il remarquer. Dans cette optique, il mentionne l'engagement de l'IS envers la démocratie au Venezuela, rappelant le travail de l'envoyé spécial de l'IS à Caracas en novembre dernier et le rapport qu'il a présenté au Conseil de l'IS à Genève fin 2014. Une fois de plus aujourd'hui, indique-t-il, la crise à la frontière entre la Colombie et le Venezuela et l'état d'urgence promulgué dans la zone par le gouvernement du président Maduro peuvent être vus comme une menace pour la démocratie dans ce pays. Enfin, le président rappelle aux participants les questions à l'ordre du jour de la rencontre et ouvre la réunion au débat.
En ce qui concerne le premier point à l'ordre du jour, « La paix en Colombie - un objectif commun pour les peuples de la région et une nécessité pour la progression de tous », les membres du Comité écoutent les interventions des dirigeants du PLC, Eduardo Verano de la Rosa, Fabio Raúl Amin et Héctor Olimpo Espinosa. Les participants d'autres pays de la région, Francisco Rosales (FSLN, Nicaragua), Marcelo Stubrin (UCR, Argentine), Rafael Michelini (NE, Uruguay, Vice-Président de l'IS), Rafael Tejeda (PRD, République Dominicaine), Henry Ramos (AD, Venezuela, Vice-Président de l'IS), Elsa Espinosa (PRI, Mexique, Vice-Présidente du Comité), Ricardo Navarrete (PRSD, Chili) et Margarita Zapata (FSLN, Nicaragua), participent également au débat et offrent leur point de vue sur les processus de paix dans leur propre pays, comme dans le cas de l'intervention des participants du Nicaragua, et formulent des analyses et commentaires sur les opportunités, défis et menaces observés dans l'expérience actuelle de la Colombie.
Juan Fernando Cristo Bustos, Ministre de l'Intérieur colombien, dans son intervention sur le contexte du problème, explique au Comité les origines et la progression des négociations en cours à La Havane. À son avis, la Colombie a aujourd'hui la possibilité de mettre un terme à ce conflit qui dure déjà depuis plus d'un demi-siècle et dont la résolution est cruciale pour le développement du pays. La paix est un souhait de longue date qui semble aujourd'hui être une possibilité réelle pour l'avenir proche. Il reconnaît que les progrès constatés récemment ont été rendus possibles par l'engagement du gouvernement envers le processus de paix. À l'heure actuelle, rappelle-t-il, des négociations concrètes se déroulent à La Havane alors qu'en Colombie on parle déjà des manières susceptibles de permettre aux citoyens d'exprimer leur accord de ce qui a été convenu et des instruments qui pourraient garantir que le FARC abandonne la lutte armée et se réinsère dans la société et dans la politique nationales. Il affirme que l'on peut expliquer les progrès accomplis dans les négociations par plusieurs facteurs : la décision du président Santos de créer un cadre international favorable à la paix dans les relations avec l'Équateur, le Venezuela et les autres pays de la région ; l'adoption de lois reconnaissant les victimes du conflit et leur accordant des réparations et la restitution de leurs terres, sans laisser la discussion et la mise en œuvre de ces questions jusqu'à la fin du conflit ; enfin, la supériorité militaire et stratégique de l'État par rapport aux groupes subversifs. Il faut ajouter à cela le fait que le processus de paix considère les victimes comme sa principale préoccupation, que l'on s'est engagé à demander l'approbation des citoyens du pays et qu'il y a des opposants publics, notamment un secteur de l'opposition au gouvernement. Tous ces aspects sont des éléments nouveaux par rapport aux expériences antérieures qui n'ont pas abouti. Entre le 1er janvier 2012 et aujourd'hui, poursuit le ministre de l'Intérieur, plus d'un demi-million de victimes des agents de l'État, du FARC, de l'ELN et des groupes paramilitaires ont été indemnisés. C'est ce contexte qui permet de mettre les droits des victimes au centre des négociations entre le gouvernement et le FARC. Pour lui, c'est cette nouvelle focalisation qui explique les progrès du processus de paix. Les débats à La Havane portent actuellement sur le quatrième des cinq points de l'ordre du jour, lié aux droits des victimes. Pour beaucoup, il s'agit du problème le plus complexe à explorer, qui exigera la mise en place de Commissions de la vérité et de confronter des questions de justice transitionnelle. En ce qui concerne la question de l'indemnisation économique et de la restitution des terres, pendant la longue période de confrontation environ deux millions d'hectares ont été prix et quatre millions ont été abandonnés. On a réussi jusqu'à maintenant à restituer cent mille hectares, un chiffre qui devrait passer à un million en 2016.
Le ministre a terminé son intervention en soulignant qu'aujourd'hui la Colombie respire l'air de la démocratie et que sa société devient de plus en plus civilisée et respectueuse de droits de l'homme, ce qui permet de confronter avec confiance l'avenir après la conclusion des accords avec le FARC. Mais il rappelle au Comité que ces accords représentent un début dans la construction de la paix dans le pays, et non pas une fin. Des réunions comme celle-ci, et la poursuite de l'engagement de l'IS envers la Colombie après le conflit sont importantes pour tous les Colombiens et notamment pour les sept millions de victimes des cinquante ans de conflit et pour leurs proches, affirme-t-il.
Pour le second point à l'ordre du jour, concernant les processus électoraux prochainement attendus dans les pays de la région, le Comité a reçu un rapport envoyé par Haroldo Rodas, Secrétaire national adjoint de son parti membre au Guatemala, Unidad Nacional de la Esperanza (Union nationale de l'espoir, UNE). Ce document analyse la crise actuelle du pays, ses conséquences possibles sur les prochaines élections parlementaires fixées au 6 septembres et sur les chances de son candidat, Sandra Torres, une vice-présidente de l'IS, de passer au second tour. Les représentants des partis membres en Argentine, Gabriela Troiano (PS) et Jesús Rodríguez (UCR) présentent au Comité un rapport sur les résultats des élections primaires (ou paso, l'acronyme espagnol désignant des « primaires ouvertes, simultanées et obligatoires ») qui se sont déroulées dans le pays le 9 août 2015, et expliquent ce que réservent les élections présidentielles et parlementaires aux candidats, ainsi que pour les autres postes attribués par suffrage populaire. Jorge del Castillo, le représentant du parti péruvien APRA, rappelle au Comité que bien que les élections parlementaires au Pérou se dérouleront seulement l'an prochain, le 10 avril, et sont donc considérées comme lointaines, les campagnes ont déjà été lancées et les sondages indiquent que le candidat du parti Fuerza Popular (Force populaire), Keiko Fujimori, et celui du mouvement Peruanos por el Kambio (Péruviens pour le changement, PPK), Pedro Pablo Kuczynski, sont actuellement en tête. Mais la situation électorale à huit mois des élections est totalement ouverte et APRA est en train de mieux définir sa participation.
Enfin, les représentants des partis membres au Venezuela, Henry Ramos (AD), Manuel Rosales (UNT), Carlos Vecchio (VP) et Jorge Mirabal (MAS), informent le Comité que la crise sociale, économique et politique au Venezuela se détériore rapidement. Confronté à des conséquences négatives prévisibles pour le parti au pouvoir aux prochaines élections parlementaires fixées au 6 décembre, le gouvernement du président Maduro a intensifié les restrictions de la liberté d'expression et des médias, disqualifié de nouveaux candidats politiques pour des motifs administratifs et judiciaires et continué à imposer des restrictions aux droits de l'homme des vénézuéliens. Le Comité a été mis à jour à propos de la situation de Leopoldo López, leader de Voluntad Popular (Volonté populaire) par l'un de ses avocats, Roberto Marrero (VP, Venezuela), confirmant que López reste sous arrestation arbitraire et que ses droits de l'homme sont bafoués. Pour les représentants vénézuéliens, la crise à la frontière entre la Colombie et le Venezuela pourrait s'avérer être une stratégie du parti au pouvoir pour entraver les élections. Les représentants vénézuéliens insistent sur la nécessité absolue d'élections justes le 6 décembre et réitèrent leur appel pour que l'IS soit présente dans le pays aux côtés des démocrates vénézuéliens pendant le processus.
En ce qui concerne les situations nationales, le Comité écoute également les rapports des partis membres en Argentine (Jesús Rodríguez et Gabriela Troiano, UCR et PS respectivement), au Brésil (Marcio Bins, PDT, vice-président du Comité), au Chili (Patricio Tombolini et Pedro Neira, PRSD), au Mexique (Elsa Espinosa, vice-présidente du Comité, PRI), au Nicaragua (Francisco Rosales, FSLN), au Panama (Humberto López Tirone, PRD), au Pérou (Jorge del Castillo, APRA), à Porto Rico (Rubén Berríos, PIP, Président honoraire de l'IS), en Uruguay (Rafael Michelini, vice-président de l'IS, NE) et au Venezuela (Timoteo Zambrano, UNT).
Progressant dans l'ordre du jour de la réunion, le Comité adopte à l'unanimité une résolution de soutien à la paix en Colombie, qui prévoit de créer une Commission de l'Internationale Socialiste pour contribuer au processus de paix en Colombie. De même, une résolution a été adoptée sur la situation au Venezuela et la crise à la frontière entre ce pays et la Colombie.
Clôturant la réunion, Luis Ayala, Secrétaire Général de l'Internationale, a remercié une fois de plus Horacio Serpa et le PLC pour leur hospitalité et a salué le haut niveau de débat et les accords passés lors de la réunion. Il a rappelé la présence au Conseil à Genève en décembre dernier de Marina Adamovich, épouse du dirigeant biélorusse Mikalai Statkevich, récemment libéré après quatre ans de réclusion politique injuste, et a exprimé son espoir comme quoi Lilian Tintori, qui s'était aussi exprimée à Genève, sera bientôt réunie avec son époux Leopoldo López, en liberté. Tant que les droits de l'homme et la démocratie ne sont pas totalement respectés au Venezuela, Luis Ayala a réitéré que l'IS restera engagée et sera aux côtés de ses partis membres durant les élections du 6 décembre.
Enfin, compte tenu de certains des sujets abordés au cours de ces débats, et reflétant notre engagement à l'intégrité et à l'amélioration de la qualité de nos démocraties, il a proposé que l'ordre du jour de la prochaine réunion pourrait inclure le financement public des partis politiques et la transparence des campagnes électorales, avec une discussion et analyse des processus et systèmes électoraux en Amérique latine et les Caraïbes. Cela a été accepté.
Participants, Speeches, Press coverage
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