Introduction - Conflits et résolution des conflits en Afrique
Priorites des Socialistes en Afrique à la réunion de l’IS au Niger 24-25 avril 2006
CONFLITS ET RESOLUTION DES CONFLITS EN AFRIQUE
Réunissant trente trois (33) des quarante huit pays les moins développés du monde, l'Afrique est non seulement la plus pauvre de toutes les régions du monde, mais aussi la seule qui continue de s'appauvrir; pire, elle se trouve littéralement contournée par la construction triangulaire en cours (Europe- Amérique- Asie) qui dessine l'avenir économique et politique du monde.
Appauvrie et marginalisée, l'Afrique est aussi la région du monde la plus touchée par la guerre: plus des trente (30) conflits s'y sont déroulés depuis trente ans.
Ces affrontements sont dans leur grande majorité des conflits internes opposant non seulement des armées régulières, mais également des milices et des groupes armes, et dont les populations civiles sont les principales victimes.
Aux conflits des années 1980 caractérisés par leur potentiel irradiation régionale, le poids des rivalités ethniques, la fréquence des révoltes populaires, les mouvements de population à l'intérieur et à l'extérieur des frontières, ceux des années 1990 et 2000 ajoutent l'absence de but politique des belligérants plus soucieux d'exploiter à leur profit les ressources du pays, la privatisation des acteurs directs ou indirects de la guerre, l'expansion de la criminalité organisée profitant de la perméabilité des frontières et par dessus tout l'ampleur des violences à but génocidaire.
Les causes profondes de ces conflits résident dans l'entrée en crise du modèle d'Etat-Nation en Afrique. En effet, les Etats africains résultent de l'implosion du régime colonial. Sur aucun autre continent, les frontières des Etats ne reflètent aussi directement et aussi intrinsèquement la définition des sphères de contrôle des différentes puissances impériales.
Si l'histoire du continent est riche et variée, les Etats africains d'aujourd’hui ne s'inscrivent pas, en fait, dans ce passé. Ils ont été construits par rapport à des finalités extérieures. Ce modèle d'Etat a évolué souvent vers un système de prédation généralisée du patrimoine public.
Cette gestion kleptomaniaque prospère sur des regimes qui ne respectent pas la légalité et qui ignorent les modes pacifiques d'alternance au pouvoir, rendant la lutte pour s'emparer de celui-ci d'autant plus intense et violente qu'il y va souvent de la survie physique de chaque groupe social engagé dans le conflit.
Ce modèle d'Etat centralisé et autoritaire est entré en crise au début des années 1980 sous les effets conjugués des deux facteurs suivants:
1) la crise économique et les thérapies des programmes d'ajustement structurel des institutions de Bretton Woods. Cette situation, en limitant les possibilités de redistribution des richesses, paupérise les classes moyennes des villes.
2) La disparition du bloc de l'Est qui entraîne la dévalorisation aux yeux des grandes puissances des régimes autoritaires soutenus auparavant dans le cadre de la confrontation Est-Ouest. L'affaiblissement corrélatif de l'Etat a ouvert la voie aux conflits de la dernière Génération. En Afrique aujourd'hui, la guerre ne naît pas de la puissance des Etats, mais de leur faiblesse, cause première et commune des instabilités
Ces conflits sont de quatre catégories qui ont tendance à se combiner:
a) les conflits liés aux difficiles transitions démocratiques qui ont tendance parfois à prendre une allure chaotique.
b) Les conflits à caractère identitaires: dans le monde entier, les conflits ethniques s'accompagnent d'une sauvagerie hors du commun. Les parties en présence cherchant à assurer leur survie ethnique, tribale et religieuse, ces conflits ont un potentiel genocidaire très marqué.
c) les conflits de déconstruction et de recomposition géopolitique: cas typique de la région des grands lacs (République Démocratique du Congo notamment)
d ) les conflits de prédation et de rapine: Sierra Leone, Liberia,RDC.
Voila brièvement exposé l'état des lieux des conflits. L'Afrique est en urgence de paix. Quelles sont donc les approches de résolution des conflits ?
L'orientation actuelle des Nations Unies, très marquée par la situation en Afrique, est que la paix, pour être authentique et durable, exige l'élimination des causes profondes des conflits que sont la misère économique, l'injustice sociale et l'oppression politique .
C'est en réalité une véritable stratégie de prévention des conflits qu'appelle la promotion d'une paix durable en Afrique, et que prétend désormais mettre en œuvre le Conseil de Securité des Nations Unies.
La construction de la paix ne saurait toutefois exclusivement incomber à l'organisation mondiale. La définition d'une stratégie globale de prévention des conflits et la recherche d'un partenariat renforcé avec les organisations régionales et sous régionales africaines sont les deux axes complémentaires des efforts actuels de l'ONU pour promouvoir une paix durable sur le continent.
Les mécanismes aujourd’hui en œuvre sont de deux ordres: l'action sur les situations et l'action sur les causes.
Si l'action sur les situations relève des mécanismes classiques, l'action sur les causes introduit une innovation dans la démarche de la communauté internationale et des organisations régionales africaines. Nous allons nous intéresser donc à cette dernière. Agir sur les causes, relève de la prévention structurelle. S'il n'y a pas de développement de l'Afrique sans sécurité, la sécurité ne sera durablement assurée que si le développement accompagne la paix des armes. De même, si les droits de l'homme sont dérisoires sans un développement durable, le développement est inimaginable sans promotion de la démocratie, et la paix, pire violence sans respect des droits de l'homme. Ainsi donc, Paix, Développement, Démocratie sont liés de manière circulaire, intime et organique. Dans la prévention comme dans la résolution des conflits, ces trois composantes devront être prises en compte ensemble.
De la Démocratisation: Il faut entendre par démocratisation, le processus par lequel une société autoritaire acquiert un caractère de plus en plus participatif à travers des mécanismes tels que des élections représentatives régulières, la responsabilité des représentants et des administrateurs publics, la transparence et la neutralité de l'administration, l’indépendance du système judiciaire et la liberté des médias. La plupart des Etats africains, même là où des élections pluralistes se déroulent, sont loin de répondre à ensemble de ces critères. C'est pourquoi la communauté Internationale et le système des Nations Unies, dans le cadre de la prévention des conflits comme dans la résolution, doivent contribuer fortement à l'émergence et à la consolidation de véritables Etats de droit en Afrique.
Il convient de noter malheureusement que dans le cadre du système des Nations Unies, l'imposition musclée de la sécurité se concilie mal avec la coopération des différentes parties en conflit à un plan de règlement, condition pourtant essentielle à la mise en œuvre du volet relatif à la démocratisation de l'Etat et au renforcement de ses institutions.
Le Mozambique est à cet égard, un cas de réussite. L'ONUMOZ a en effet su y assurer la réussite du processus électoral en s'attachant à convaincre des parties au départ réticentes, d'en accepter toutes les contraintes à ses différentes phases, pour entreprendre ensuite la création d'une nouvelle force de défense et de police mozambicaine.
Du Développement
La relation symbiotique entre paix et développement doit se nouer dès la phase de consolidation de la paix après les conflits, dans le mandat des opérations polyvalentes de restauration de l'Etat qui inclut la recherche des conditions du développement pour une aide à la reconstruction. Paradoxalement, ce volet crucial, même s'il est proclamé au départ des processus de paix, est le plus rapidement oublié une fois le conflit éteint.
Les difficultés de l'Afrique, dont la dépendance à l’égard de l'aide internationale est sans précédent, sont considérablement aggravées par les programmes de la Banque Mondiale et du FMI.
Ainsi, l'obligation de passer par les institutions de Bretton Woods peut mettre l'impératif de la consolidation de la paix en concurrence avec les impératifs mis en avant par ces institutions, laissant à l'Etat le choix de sacrifier la stabilisation économique pour continuer de mettre en œuvre des accords de paix, ou de s'en tenir à son programme d'ajustement au risque de mettre cette paix en péril
Il apparaît des lors nécessaire de créer les conditions évitant d'amener les institutions internationales à couper les fonds à un gouvernement fragile soutenu par la population, qui fait pourtant un effort de bonne foi pour assurer la réconciliation nationale et appliquer des accords de paix, en libéralisant les conditionnalités accompagnant les prêts accordés par ces institutions.
En conclusion, cette nouvelle orientation de la communauté internationale, même si elle reste d'application partielle, constitue incontestablement une avancée notable. Elle reste cependant insuffisante pour l'Afrique.
Le système des Nations Unies, même en tenant compte de l’évolution de sa doctrine, reste un système de sécurité collective.
Leurs solutions ne peuvent être mises en œuvre que si toutes les parties prenantes au conflit sont d'accord (ex: Mozambique).I1 faut donc en Afrique aller plus en avant, en mettant en place de véritables politiques d'alliance dans le cadre d'organisations sous régionales comme la CEDEAO. Cela suppose des avancées considérables vers l'unité politique, indispensable à l'existence de systèmes de défense commune crédibles; ce système ne peut être le produit naturel de l'intégration économique. Les alliances doivent, pour être viables, se fonder sur un principe unificateur, la démocratie.
Pour sortir de la logique de fragmentation et émerger dans le concert des nations, les organisations africaines sont condamnées à s'ériger en communautés de droit. Telle est la condition d'une paix durable sur notre continent
Massoudou Hassoumi