Déclaration de Niamey
Priorites des Socialistes en Afrique à la réunion de l’IS au Niger, 24-25 avril 2006
Le Comité Afrique de l’Internationale Socialiste, accueilli par le Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme a tenu sa réunion à Niamey, les 24 et 25 avril 2006.
Trois allocutions ont été prononcées lors de la cérémonie d’ouverture :
- L’allocution de bienvenue de M. Mahamadou Issoufou, Président du PNDS-Tarayya ;
- L’allocution de M. Luis Ayala, Secrétaire Général de l’Internationale Socialiste ;
- Et l’allocution de M. Ousmane Tanor Dieng, Premier Secrétaire du Parti Socialiste du Sénégal et Président du Comité.
Les débats ont porté sur trois thèmes :
- Les Politiques proactives pour la résolution des conflits ;
- La lutte contre la pauvreté : programme et priorités social-démocrates ;
- La gouvernance démocratique dans le continent ;
A l’issue des discussions riches et fructueuses, il ressort :
1. A propos du premier thème relatif aux conflits
A - Le continent africain reste marqué par de nombreux conflits dont les principales causes sont :
- Le recours à la force comme mode de prise et de conservation du pouvoir ;
- Le déficit démocratique et la mal gouvernance ;
- Les tentatives de contrôle des richesses du continent par les intérêts extérieurs;
- L’instrumentalisation et la manipulation du phénomène ethnique ;
- L’usage de la force dans l’accès aux ressources naturelles ;
- Et les difficultés liées aux transitions démocratiques et le refus de l’alternance conduisant de plus en plus au recours abusif à la révision des constitutions ;
B - Les conséquences de ces conflits sont dramatiques pour le continent :
- Ils entraînent d’énormes pertes en vies humaines ;
- Ils privent l’Afrique d’une grande partie de son potentiel de développement ;
- Ils font de l’Afrique le continent qui enregistre le plus fort taux de personnes déplacées et de réfugiés dans le monde ;
- Ils affaiblissent l’Etat central et réduisent ses capacités de contrôle de son espace territorial ;
C - La résolution de ces conflits requiert la prise en compte de leurs causes profondes et la recherche d’une paix authentique et durable. Aussi, il est impératif à notre avis de :
- Promouvoir la démocratie, la tolérance et le respect des droits de l’homme ;
- Lutter contre la pauvreté, les inégalités et l’injustice ;
- Garantir la liberté des élections et leur transparence ;
- Garantir les droits des minorités ;
- Lutter contre le trafic de richesses naturelles, notamment minières, du continent ;
- Renforcer les cadres de concertations existant et les mécanismes de prévention et de gestion des conflits. A ce niveau prendre des initiatives tant en direction des Etats africains qu’au niveau des Etats européens et du reste du monde.
2 - A propos du second thème relatif à la pauvreté
La lutte contre la pauvreté est sans aucun doute le défi majeur auquel l’Afrique est confrontée. Cette situation s’explique au plan interne non seulement par la mal gouvernance mais aussi par la faiblesse de l’intégration des économies et une démographie galopante. Quant aux causes externes, elles sont essentiellement constituées par l’échange inégal, le poids de la dette, et les politiques économiques néolibérale imposées de l’extérieur. A cela il faut ajouter l’absence d’une volonté politique mondiale dans un contexte où il est prouvé que l’humanité dispose aujourd’hui des moyens technologiques, humains et financiers suffisants pour réduire de moitié l’extrême pauvreté d’ici 2015. Cette situation devrait interpeller toutes les forces de progrès pour :
- Engager les gouvernements des Pays en voie de développement à s’organiser pour faire avancer leurs intérêts dans le cadre des stratégies de réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement ;
- Sensibiliser l’opinion internationale sur la nécessité du respect des promesses relatives à l’Aide publique au Développement dont le montant devrait depuis une quarantaine d’années être porté par les pays riches à 0,7% de leur PIB ;
- Poursuivre le combat politique sur la critique et la dénonciation des règles du commerce international ainsi que l’iniquité des mesures de l’OMC vis-à-vis des pays pauvres ;
- Appeler à la mise en œuvre du Fonds mondial de solidarité voté par l’Assemblée Générale des Nations Unies et soutenu par le Congrès de l’IS à Sao Paulo;
- Faire avancer la réforme de l’ONU afin de permettre à l’Afrique de mieux faire entendre sa voix ;
- Réformer les Institutions de Bretton Woods ;
- Poursuivre le combat pour l’annulation totale de la dette ;
- Assurer auprès de l’Union européenne le maintien des préférences négociées dans le cadre des accords UE-ACP ;
- Mettre en œuvre un système de taxation mondial dont le produit sera affecté au développement ;
- Inscrire à l’ordre du jour du débat mondial un nouvel agenda financier pour l’Afrique.
3. A propos du troisième thème relatif à la gouvernance démocratique :
Les expériences démocratiques sur le continent, malgré quelques avancées, sont en proie à de nombreux obstacles.
A - L’évolution politique du continent montre que la plupart des pays africains disposent :
- de bonnes constitutions mais celles-ci sont sujettes à des manipulations et des modifications principalement en vue de la conservation du pouvoir ;
- d’un bon cadre légal pour l’organisation des élections mais celles-ci sont souvent truquées ;
- des lois qui consacrent l’Etat de droit mais les violations des droits de l’homme, l’asservissement et le bâillonnement de la presse, ainsi que la persécution des opposants, sont des pratiques courantes.
B - Entres autres obstacles sur lesquels buttent les expériences démocratiques actuellement en cours en Afrique, on peut citer :
- la mal gouvernance et le non respect des règles de la démocratie ;
- la censure des médias.
C - La réponse des socialistes et des sociaux-démocrates à ces problèmes consistera à :
- Sauvegarder les institutions de l’Etat, les mécanismes de contrôle public de la gestion et la séparation stricte des pouvoirs ;
- Moderniser l’Etat en le dotant d’une administration efficace pour gérer le développement ;
- Lutter contre la corruption et le clientélisme ;
- Développer une culture démocratique et la conscience civique des citoyens et donner à la fonction publique la dignité qu’elle requiert ;
- Moderniser les institutions et la législation pour une gestion saine des politiques économiques;
- Œuvrer pour un ordre mondial plus juste et plus humain en s’opposant aux thèses néo-libérales;
- Poursuivre résolument le combat contre le bâillonnement et l’asservissement de la presse ;
- Promouvoir partout des élections libres et transparentes et la garantie d’une alternance politique ;
- Renforcer les capacités des partis politiques. A cet effet, le Comité Afrique de l’IS propose la création d’un fonds Willy Brandt pour le soutien des partis politiques, en conformité avec les législations nationales, et sollicite le Secrétariat de l’IS de mettre en œuvre les dispositions pour sa réalisation. Il invite les organismes compétents des Nations Unies à travailler sur le thème du soutien aux partis politiques et les fondations proches des partis socialistes des pays du Nord à développer une coopération active avec les partis et fondations des pays du Sud.
4 . Cas spécifiques
Au Sénégal
L’évolution de la situation politique au Sénégal est particulièrement préoccupante. Les dirigeants politiques d’opposition et les journalistes sont les cibles favorites de la Direction des Investigations Criminelles (DIC) qui joue de fait le rôle d’une police politique. La multiplication des intimidations, des arrestations des démocrates, dirigeants politiques et des journalistes, montre les dérives autoritaires d’un régime de plus en plus arbitraire que le Comité Afrique de l’IS dénonce et condamne.
En Guinée
La situation est particulièrement inquiétante. L’incapacité du chef de l’Etat à exercer réellement ses fonctions et les déchirements au sein du gouvernement, précipitent la déliquescence de l’Etat. Le Comité Afrique de l’IS se félicite de l’initiative des Forces Vives de la Nation en Guinée qui ont organisé une concertation nationale du 17 au 20 mars 2006, que nous soutenons et qui a défini un schéma de sortie de crise actuelle en appelant à l’établissement d’un gouvernement d’Union nationale; d’un Conseil national de la République; d’une Cour constitutionnelle, d’un Conseil d’Etat et d’une Cour de Cassation ; et d’une Commission électorale nationale indépendante chargée d’organiser un processus électoral avec l’interdiction aux membres de ce gouvernement de se porter candidats à l’élection présidentielle.
A Darfour
Le Comité Afrique de l’IS demeure extrêmement préoccupé par la situation dans la région de Darfour au Soudan, où la guerre a fait des dizaines de milliers de morts. Aujourd’hui des millions d’autres vies continuent d’être dévastées par la violence et la pauvreté, avec 1,6 millions de personnes estimées avoir été déplacées sur le plan interne, luttant pour survivre dans des conditions extrêmement difficiles, dont près de 200000 d’entre eux comme réfugiés dans le pays voisin, le Tchad. Une des tâches principales est aujourd’hui de mettre un terme à la violence à Darfour ainsi qu’aux terribles pertes de vies, et d’assurer la sécurité de ceux qui ont été si brutalement déplacés de chez eux, de même que la stabilité et la paix dans cette entière région du continent. Le Comité reconnaît le travail réalisé jusqu’à présent par l’Union africaine et la communauté internationale - soulignant le besoin d’accélérer les efforts pour obtenir la fin de la violence, le désarmement de toutes les milices et groupes armés irréguliers, ainsi que la réinstallation pacifique, dans leurs foyers, de tous ceux qui ont dû s’enfuir - et exhorte de redoubler d’efforts pour arrêter l’horreur qui dure depuis trop longtemps.
Au Tchad
Ce pays est déchiré depuis plus de quarante ans par des conflits armés et l’absence de d’une véritable démocratie. Aujourd'hui le pouvoir de Idriss Deby, installé par la force depuis 1990, refuse tout dialogue politique réel avec l’opposition civile et cherche à se maintenir au pouvoir par tous les moyens. Le Comité Afrique de l’IS exhorte l’ensemble des acteurs politiques tchadiens à engager un vrai dialogue national pour définir les modalités d’une transition permettant l’instauration de règles démocratiques et un Etat de droit débouchant sur de vraies élections le plus tôt possible.
En Côte d’Ivoire
Après des échanges approfondis sur la situation en Côte d’Ivoire dans le cadre de l’examen du thème relatif aux conflits, les membres du Comité Afrique :
- Considérant le rapport étroit entre la démocratie d’une part, et le progrès économique, social et culturel d’autre part ;
- Considérant l’évolution encourageante de la situation sociopolitique en Côte d’Ivoire ;
- Considérant l’engagement constant du Président Laurent Gbagbo et sa ferme détermination à restaurer, par le dialogue et la négociation, la paix et l’intégrité territoriale de la Côte d’Ivoire dans le cadre des différents accords de paix ;
- Convaincus que le rétablissement de la paix et de la stabilité en Côte d’Ivoire passe nécessairement par le désarmement de tous les mouvements et groupes armés et le rétablissement de l’Etat sur l’ensemble du territoire national en vue d’élections justes et transparentes ;
Adressent au Président Laurent Gbagbo et au FPI leurs félicitations et leurs vifs encouragements pour leurs engagements en faveur du dialogue, de la paix et de la réconciliation nationale, et leur réaffirme leur soutien total dans la défense de la démocratie, des institutions républicaines et de l’intégrité territoriale de la Côte d`Ivoire ;
Exhortent les acteurs politiques ivoiriens à respecter les engagements souscrits dans le cadre des divers accords de paix et à mettre en œuvre de façon sincère et responsable la résolution 1633 du Conseil de sécurité de l’ONU, de manière à réaliser sans délais et sans conditions le processus désarmement, de redéploiement de l’administration et de la mise en œuvre du processus d’identification des électeurs ;
Encouragent et apportent leur soutien à la médiation africaine et aux initiatives de l’Organisation des Nations Unies ;
Invitent la communauté internationale à se donner les moyens de la mise en œuvre de la résolution 1633, en apportant un appui ferme au processus de désarment et à la préparation d’élections libres et transparentes dans les délais prescrits ;
Et décident de l’envoi d’une mission de l’Internationale Socialiste de haut niveau pour contribuer pour sa part à la sortie de crise et à la tenue réussie des élections démocratiques dans les délais prévus.
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