Le Gouvernance dans une Societe Globale - L'Approch Sociale-Democrate

Opportunities et participation pour les femmes et les hommes, les riches et les pauvres, les payes en developpement et les payes developpes

RESUME

I L’approche sociale-démocrate de la gouvernance dans une société mondiale

1. Sous les conditions de mondialisation, la gouvernance démocratique doit être réinventée. L’objectif est de réconcilier les valeurs historiques du mouvement social-démocrate – justice sociale et démocratie – avec les nouveaux défis, tâches, instruments et formes de politiques que la mondialisation entraînera. Un concept de gouvernance mondiale, s’opposant à l’idéologie du marché néo-libéral, à l’ordre du jour néo-conservateur et à l’approche unilatérale, doit être développé. Cette alternative doit lier les dynamiques du marché mondial aux valeurs sociales, écologiques et démocratiques. Cela exige que des citoyens, hommes et femmes, leurs organisations, partis, parlementaires et gouvernements agissent à l’échelle internationale et agissent globalement en accord avec les principes démocratiques.

2. La mondialisation remet en question les éléments les plus fondamentaux de l’ordre politique et social qui est le notre. l’Etat-nation considéré pendant plus d’un siècle comme élément central de l’ordre politique, social et économique de la plupart des sociétés du monde, perd constamment de sa force et de son importance. De nouvelles unités transnationales ou sub-nationales - telles les organisations mondiales et régionales, les sociétés transnationales, les unités sous-nationales, telles les régions et les municipalités de plus en plus autonomes – prennent le contrôle de certaines parties des capacités discrétionnaires de l’Etat. Dans de nombreux domaines politiques, les solutions nationales seules ne sont plus efficaces ni adéquates et devraient être remplacées ou accompagnées d’efforts politiques coordonnés.

3. La mondialisation est un peu comme le progrès technologique. Elle n’est en soi ni bonne ni mauvaise, politiquement ou sur le plan de l’éthique. Le progrès technologique a permis à la fois de fabriquer des armes de plus en plus dévastatrices et des médicaments et des vaccins de plus en plus efficaces. Il en est de même pour la mondialisation que l’on peut définir comme l’intégration à l’échelle du globe en termes d’échanges commerciaux, de flux financiers mais aussi en termes de contacts culturels et d’information.

4. La mondialisation est une source de richesse – et tout d’abord de richesse économique : de plus en plus d’emplois dans le monde entier dépendent des échanges commerciaux internationaux et/ou sont crées par des investissements transfrontaliers. Grâce aux économies d’échelle, l’élargissement des débouchés permet une augmentation de la productivité et favoriser ainsi une croissance plus rapide des revenus et des niveaux de vie.

5 La mondialisation est aussi source de richesse culturelle et sociale par les échanges qu’elle génère. Elle permet l’ouverture internationale, l’accès aux autres cultures du monde et l’apprentissage de la diversité des échanges. Elle pourrait devenir une source de plus grande liberté en permettant à tous les citoyens de se construire une identité propre au-delà des strictes contraintes de la langue, de la nation, de la religion, ou du lieu de naissance.

6. La mondialisation offre des chances et des possibilités en particulier à ceux qui n’ont pas profité de l’ordre économique de la période après la Seconde guerre mondiale. De nouvelles parties du monde, jusque là restées à l’écart, ont été intégrées au marché mondial et de nouveaux centres technologiques et de production sont apparus partout dans le monde. La fin de la Guerre froide a provoqué l’amélioration à l’échelle mondiale des idées de la démocratie et de la société ouverte. Les droits de la personne et la durabilité sont de plus en plus acceptés comme éléments centraux d’une pensée politique. L’ordre ‘anarchique’ du système international traditionnel, où les forces économiques et militaires avaient tendance à être les seules ressources décisives en matière de pouvoir, cède la place à un système plus complexe de gouvernance mondiale, où des accords liant mutuellement les parties devraient remplacer la traditionnelle ‘loi du plus fort’.

7. Cependant, la mondialisation est également source de nouveaux problèmes et menaces de dimension globale: fossé croissant entre les riches et les pauvres, dégradation de l’environnement, conflits culturels et migration mondiale des femmes et des hommes.

8. La mondialisation est une source de déséquilibres massifs, en particulier au détriment des pays les moins avancés. Elle offre un terrain ouvert aux mouvements spéculatifs de capitaux, d’où les crises financières internationales récurrentes nées en Asie du Sud-Est, en Amérique du Sud, en Russie, en Turquie. Faute de règles équitables, la circulation mondialisée des marchandises accentue les risques de dumping : social, fiscal, environnemental, ou encore sanitaire. Sur le plan politique, on assiste à un recul du contrôle démocratique. La communication instantanée met souvent les pouvoirs publics traditionnels devant le fait accompli par exemple pour les délits commis sur l’Internet. L’intensité des échanges d’information et d’images provoque une perte de repères culturels, ayant pour résultat une uniformisation qui menace l’identité mais aussi la créativité de pays entiers.

9. En résumé, la mondialisation est créatrice de richesses économiques, mais aussi culturelles, réparties de façon inégalitaire parce qu’elle est dominée par la logique financière et libérale. L’enjeu principal de la mondialisation est donc de permettre une politique démocratique efficace dans le nouvel environnement mondial, afin que les bénéfices de la mondialisation soient partagés équitablement et représentent des opportunités pour tous.

10. La gouvernance démocratique mondiale doit intervenir si elle veut en venir aux prises avec les effets de la mondialisation. Cependant, faire face à la mondialisation n’est pas seulement une question d’efforts internationaux ni d’institutions internationales. C’est non seulement une question de gouvernance mondiale, mais également une question de gouvernance locale et nationale. Une nouvelle gouvernance à niveaux multiples, qui conjugue les stratégies et instruments mondiaux, régionaux, nationaux, sous-régionaux et locaux, est nécessaire.

11. Ce processus pose un problème particulier à la gauche démocratique, aux partis sociaux-démocrates et socialistes de l’Internationale Socialiste. Pendant plus d’un siècle, l’Etat démocratique a été le principal élément de leurs tentatives de construction de sociétés plus équitables, plus démocratiques et plus participatives. Ce projet ‘social-démocrate’ a atteint son apogée dans l’Etat providence des sociétés occidentales européennes après la Seconde guerre mondiale. La mondialisation et ses processus sous-jacents menacent maintenant de détruire une partie des progrès réalisés. Un nouveau triangle de principes de la social-démocratie mondiale a émergé. Ces principes sont le développement durable, les droits de la personne – y compris leur application totale et égale aux femmes et aux jeunes filles – et la démocratie. Chacun de ces principes a trois dimensions : le développement durable comprend un environnement sain, le progrès économique et la justice sociale. Les droits de la personne comprennent la sécurité individuelle, l’identité culturelle et l’intégration sociale ; la démocratie comprend la bonne gouvernance, la transparence et la participation. Ceci est l’essence du nouveau projet social-démocrate, qui base sa stratégie dans une série d’actions nées dans une meilleure gouvernance et une amélioration de l’éducation à l’échelle universelle.

 

II. Le développement durable

Au cours des 25 dernières années du XXe siècle, une prise de conscience mondiale de l’importance de la protection de l’environnement sur la Terre entière a émergé. Les questions environnementales, économiques et sociales ont revêtu une importance égale. L’IS soutient totalement le concept du développement durable, qui associe les dimensions écologiques, économiques et sociales de la mondialisation.

Pour l’IS, le développement sous-entend richesse matérielle, dignité des personnes, sécurité des personnes, justice et égalité. Sous la direction de l’ancien président de l’IS, Willy Brandt, la Commission indépendante sur le développement international a accepté cette définition et recommandé une restructuration de l’économie mondiale à grande échelle, en conformité avec sa définition du développement, et un programme de mesures d’urgence pour mettre fin à la pauvreté dans les régions du monde en développement.

Vingt ans plus tard, un grand nombre de ces recommandations restent valides. Les politiques des pays développés n’ont pas beaucoup changé. Il existe donc de hauts niveaux de pauvreté et des disparités économiques croissantes.

L’IS accepte la définition du développement durable fournie par l’ancien premier Vice président, Gro Harlem Brundtland : ´ un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins ª. Les trois éléments fondamentaux du développement durable sont la protection environnementale, la croissance économique et l’équité sociale. L’IS souligne que pour assurer le succès du développement l’attitude des personnes et des gouvernements devra changer par rapport aux styles de vie actuels et à leur impact sur l’environnement.

Une stratégie globale du développement durable n’a aucune chance de réussir si elle n’équilibre pas les intérêts des pays en développement et des pays développés. Le développement et la croissance économique doivent moins se faire aux dépends des ressources naturelles – en particulier celles qui ne sont pas renouvelables – et de l’environnement que durant le XXème siècle. La croissance et le progrès devraient maintenant être inexorablement liés à l’équilibre naturel et à la durabilité.

La conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement à Rio de Janeiro en 1992 avait jeté les bases d’un nouvel ordre du jour mondial, Agenda 21, qui se focalisait sur divers aspects de la durabilité mondiale. Le Sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg en 2002 a contribué à la mise en œuvre de l’Agenda 21. Mais ses résultats sont bien loin des objectifs de l’IS. Il a mis en lumière les limites du cadre institutionnel actuel pour mettre en place un nouvel ordre mondial. Il existe un contraste saisissant entre les problèmes auxquels le monde est confronté, et son système de gouvernance.

Il faudrait donc créer un nouveau Conseil de sécurité des Nations Unies sur les questions économiques, sociales et environnementales – un Conseil du développement durable – dans le cadre de la coordination globale.

 

1. Politique environnementale saine

Un environnement en bon état est une base indispensable du développement économique et de l’amélioration du bien-être et de la qualité de la vie dans toutes les régions du monde.

Le Sommet de l’ONU à Rio en 1992 a mieux fait connaître l’importance de la politique environnementale mondiale, mais les signaux prometteurs envoyés par Rio ne se sont pas concrétisés. Les problèmes environnementaux mondiaux ont même empiré.

Les pays développés doivent changer leurs habitudes de consommation et de production, mais les pays en développement doivent aussi assumer leurs propres responsabilités.

Les problèmes environnementaux mondiaux sont provoqués par la croissance de la population mondiale, l’augmentation de la consommation de biens et ressources, les objectifs économiques à court terme et la recherche essentielle du profit qui mène à un gaspillage dangereux des ressources naturelles.

Les grandes lignes d’une politique environnementale globale ont émergé. Elles commencent par des médias écologiques individuels.

a) Si l’on veut résoudre le défi climatique, il faut dans le monde entier soutenir les économies d’énergie, utiliser moins d’énergie non recyclable et plus d’énergie renouvelable. L’énorme potentiel de l’augmentation de la productivité énergétique est l’une des grandes réponses au problème du climat.

b) Le réchauffement de la planète est le plus grand danger pour l’environnement. Les efforts mondiaux pour lutter contre l’effet de serre reposent sur l’Accord-cadre sur le changement climatique des Nations Unies. L’Accord de Kyoto a été formulé en partie en réponse à cet accord. La ratification du Protocole de Kyoto par tous les intervenants concernés reste l’un des principaux objectifs de l’IS.

c) La politique environnementale doit se focaliser sur la minimisation cohérente des déchets et sur le développement d’un système de gestion des matières au niveau mondial. En tant que consommatrices et productrices, soutiens de leur famille et éducatrices, les femmes jouent un rôle important pour éviter le gaspillage et encourager le développement durable.

d) La politique environnementale mondiale sur l’élimination des produits chimiques dangereux s’est concentrée jusqu’à maintenant sur les chlorofluorocarbones et les substances organiques persistantes. Le Protocole de Montréal a obtenu un arrêt total dans la production et dans l’utilisation des produits chimiques dangereux pour l’ozone. Il a une priorité nord-sud.

Les polluants organiques persistants sont utilisés comme pesticides. Une politique mondiale sur les produits chimiques, stimulée par l’Agenda 21, a été mise en place en 2001 dans l’Accord de Stockholm. Il s’agit essentiellement de l’interdiction de douze polluants particulièrement dangereux. Comme de nouveaux polluants potentiellement très dangereux sont sans cesse mis au point, il faut prendre des mesures plus efficaces dans le cadre de l’Accord de Stockholm.

e) La complexité de la biodiversité comme objet de protection mondial exige de se focaliser sur plusieurs objectifs: inventaire de la diversité biologique, protection des régions particulièrement sensibles et partage des avantages de l’exploitation des ressources génétiques.

f) L’eau est fondamentale pour tous. Lorsqu’il existe des services de distribution d’eau, ils doivent être contrôlés de très près et réglementés par les autorités publiques. Chaque délégation au secteur privé doit se faire dans un cadre strict. L’utilisation libre de l’eau est essentielle pour établir la paix entre territoires interdépendants au niveau des ressources naturelles.

g) La dégradation des sols est la désertification sont des priorités internationales. La Convention de l’ONU à ce sujet contient notamment comme objectifs la réduction de la pauvreté et la participation active de la société civile à la lutte contre la désertification.

 

2. Progrès économiques et ordre économique mondial

La mondialisation a modifié la capacité des Etats à diriger leurs économies en fonction d’objectifs spécifiques comme le plein emploi, la croissance ou la taxation de redistribution. Il faut une coopération internationale plus large afin de renverser cette tendance.

Mais les principes sur lesquels l’Etat providence est basé n’ont pas changé. Ses mécanismes - la régulation, la redistribution et les biens publics – sont maintenant devenus la base d’un ordre économique mondial d’une protection orientée sur le bien être des plus pauvres d’une manière compatible avec les primes en faveur de l’initiative privée et de la croissance économique, d’une distribution orientée vers le bien-être et des biens public mondiaux.

Il faut réformer la coordination internationale des politiques économiques et financières, les règles du commerce, les rôles des Institutions financières internationales (IFI) et des Organisations internationales (OI).

a) Le système actuel de l’Organisation Mondiale du Commerce reste inadéquat et peu satisfaisant. De grandes parties du monde en développement restent marginalisées au plan économique et ne sont pas intégrées dans les marchés mondiaux. L’OMC n’a pas encore donné une réponse satisfaisante à ce problème.

Les négociations et procédures de l’OMC doivent devenir plus transparentes et doivent être ouvertes au dialogue et à la participation politique de tous les intervenants concernés, y compris les parlementaires.

Les méthodes de travail de l’OMC, y compris ses procédures de vote, doivent être sérieusement analysées afin de faciliter la négociation d’accords.

L’actuelle série de négociations devrait pouvoir être appelée à bon droit un Cycle du développement. La réunion des ministres à Cancun s’est terminée par une impasse, mais elle a été utile dans la mesure où elle a identifié les concessions et a lancé un nouveau processus de négociations mettant en jeu les acteurs organisés tels que le G21.

L’IS souligne qu’il n’existe pas d’alternative à une réforme fondamentale du marché de l’agriculture, y compris le coton.

Les difficultés à long terme pour l’OMC sont de s’attaquer aux problèmes de l’environnement, de définir des normes de travail de base, de préserver les cultures traditionnelles, d’établir des règles sur l’investissement et de créer des politiques sensibles aux différences entre les sexes.

Au sein d’un mécanisme global cohérent, il doit exister une coopération entre l’OMC, les IFI et les OI qui sont responsables de la lutte contre les problèmes environnementaux, sociaux, culturels et du travail.

b) Le processus de mondialisation influence les marchés financiers. Si l’on veut modeler ces marchés dans le respect du développement mondial durable, il faut réformer les institutions Bretton Woods et les banques régionales ainsi que la taxation mondiale afin de financer les biens publics mondiaux et le développement mondial.

Il faut réformer le FMI et la Banque mondiale, notamment en modifiant le système de quotas pour que les pays en développement soient mieux représentés, pour adopter de meilleures réglementations sur les fonds spéculatifs et pour combattre plus efficacement le blanchissement de l’argent. La base actuelle de la politique économique mondiale est ce que l’on appelle le ´ Consensus de Washington ª du G7 et des IFI, dont la stratégie n’a pas été en mesure de résoudre les problèmes et de faciliter un développement durable rapide, comme on le constate dans de nombreux pays. Le ´ Consensus de Washington ª devrait donc être rejeté en faveur d’une approche prenant en compte l’état objectif de l’économie d’un pays, son niveau de développement économique, ses moteurs de croissance, les contraintes externes sur le développement et les circonstances sociales et celles en matière d’emploi de ses habitants.

Il faut augmenter la transparence du processus de décision du FMI, pour les pays membres, parlements, sociétés civiles, pays emprunteurs et opinion publique, et démocratiser les structures de gouvernance du Fonds.

Les réformes de la Banque mondiale devraient être approfondies afin d’inclure une réflexion sur le concept fondamental du développement, une séparation de l’orthodoxie néo-libérale du marché et une acceptation de la pertinence du développement humain et de la durabilité.

Les banques de développement régionales doivent travailler plus efficacement pour promouvoir l’intégration régionale, car elles sont perçues comme étant plus proches de leurs clients régionaux que les IFI.

c) Le développement et les biens publics doivent être financés au plan mondial. Nous devons trouver de nouvelles ressources mondiales pour atteindre ces objectifs. Une nouvelle infrastructure financière internationale et une forme de fiscalité mondiale doivent être introduites. Le Fonds mondial de solidarité adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies devrait être soutenu.

On pourrait envisager plusieurs types d’impôt mondial:

  • Surtaxe de mondialisation sur les bénéfices nets des entreprises;
  • Taxe Tobin ou taxe sur les transactions des marchés financiers;
  • Taxe sur le CO2 ou ‘Taxe sur le carbone ajouté";
  • Taxe sur les armes;
  • Taxe de solidarité sur la valeur commerciale des biens et services.

d) Le travail est essentiel pour assurer l’existence humaine. Un marché du travail inclusif et équitable est le filtre par lequel la richesse est redistribuée et par lequel on peut lutter contre la pauvreté au niveau mondial. La politique de développement mondiale doit rester focalisée sur l’impact de la mondialisation sur les marchés du travail. Il est temps de faire de l’emploi durable et décent un objectif macroéconomique central des IFI, de combiner la macroéconomie et la politique structurelle et de relier les politiques économiques et sociales.

Dans pratiquement tous les pays du monde, la participation des femmes au marché du travail reste inférieure à celle des hommes. Les obstacles de la loi et des traditions continuent à gêner le progrès économique des femmes. Il est essentiel de repenser les politiques d’emploi et d’intégrer la perspective des différences entre les sexes pour lutter contre les implications négatives des habitudes de travail et d’emploi actuelles pour les femmes. Il est crucial de promouvoir les droits économiques et l’indépendance des femmes, d’éliminer la ségrégation et la discrimination des femmes au plan professionnel, de faire en sorte que les normes internationales du travail concernant l’égalité des salaires et des droits du travail s’appliquent de manière égales aux femmes et aux hommes qui travaillent, d’encourager les entreprises des femmes et de promouvoir la réconciliation entre la vie de famille et la vie professionnelle.

Au cours des dix prochaines années, environ un milliard de jeunes atteindront l’âge de travailler. Mais il existe un fossé fondamental dans leurs aptitudes et connaissances. Certains d’entre eux appartiennent à la génération la plus éduquée de toute notre histoire, alors que d’autre n’ont pas d’opportunités éducationnelles. Une stratégie mondiale de l’emploi pour le XXIe siècle doit se focaliser sur la création d’emplois plus durables et viables afin que ces jeunes aient des emplois décents et soient ainsi totalement intégrés dans la société.

 

3. Justice sociale

L’économie mondiale doit être plus sociale. La mondialisation non régulée a eu un coût social élevé au cours de 20 dernières années; les inégalités mondiales entre les pays pauvres et les pays riches ont augmenté et atteignent des niveaux sans précédent.

a) Les politiques de développement sont passées de mode dans les années 80 et 90. En l’an 2000, les Nations Unies ont défini les Objectifs de développement du millénaire comme ordre du jour ambitieux de réduction de la pauvreté et d’amélioration de la vie. Ces objectifs font partie de la stratégie de l’IS pour la gouvernance mondiale.

b) La Conférence de Monterrey en 2002 sur le financement du développement a remis à l’ordre du jour les questions de financement du développement et l’UE et les Etats-Unis se sont engagés à augmenter leur aide au développement à l’étranger. Ceci est positif mais n’est pas suffisant.

c) Les dettes sont les plus grands obstacles au développement d’un très grand nombre de pays. Le programme d’annulation des dettes des pays pauvres les plus endettés doit se poursuivre et doit être réformé en parallèle avec les conditions d’amélioration de la bonne gouvernance. Il faudrait créer un nouveau mécanisme de résolution des dettes.

d) Le respect des objectifs de développement exige une application souple de traités spéciaux avec l’OMC. Il faut encourager la régionalisation. Les pays développés doivent réduire et finalement supprimer la protection et progressivement diminuer les subventions accordées aux principaux marchés, notamment ceux de l’agriculture. Les Conventions du travail de l’OIT doivent être mises en œuvre par des actions volontaires, des incitations positives et des sanctions.

e) Les principes sociaux d’un système économique global sont la durabilité et l’emploi, qui doivent être renforcés dans les stratégies globales. Il faut forger des alliances pour des emplois plus nombreux et de meilleure qualité.

Le rapport de la Commission mondiale de l’OIT sur la dimension sociale de la mondialisation peut créer une politique globale focalisée sur les problèmes que rencontrent les gens dans leur vie quotidienne.

f) Les multinationales, qui sont les grandes gagnantes de la période de mondialisation, doivent être forcées à prendre leurs responsabilités sociales et environnementales. Elles pourraient être mieux contrôlées si la réglementation dans le domaine de la concurrence mondiale et des droits des consommateurs était introduite. Les sociétés transnationales (STN) sont au cœur du fossé de taxation dans les sociétés actuelles ; à cause des politiques de déréglementation le capital évite la taxation et pousse ainsi le fardeau des finances de l’état sur la consommation et le travail. Il faut mettre en œuvre des efforts internationaux afin de renverser cette tendance.

 

III Les droits de la personne

Les droits de la personne font partie des fondations de l’ordre légal international. La Déclaration des droits de la personne en 1948 donna un énorme élan à la protection légale internationale de ces droits. La mise en pratique des principes des droits de la personne reste un travail permanent. Les droits des femmes durant toute leur vie sont une partie inaliénable, intégrale et indivisible des droits universels de la personne.

La communauté mondiale devrait accorder plus d’importance à la mise en œuvre des accords sur les droits de la personne et devrait faire en sorte que tous les Etats signent les principaux accords en la matière. Les Etats ont l’obligation de se soutenir dans le respect des droits de la personne ; ceci exige qu’on aide les pays en développement.

La souveraineté des Etats n’est pas remise en question, mais il faut également tenir compte de la souveraineté des personnes, qui est violée par le terrorisme d’état. Dans ces situations, une intervention pour raisons humanitaires est justifiée dans un cadre multilatéral.

Le rôle des droits de la personne couvre la responsabilisation des communautés. La protection de leurs droits doit être considérée comme une contribution pour éviter les conflits issus de la pauvreté, de la discrimination et de l’exclusion.

La pauvreté prive des millions de personnes de leurs droits fondamentaux.

Le respect des droits de la personne est l’une des responsabilités des Etats et de la société civile. On doit soutenir les comités chargés de la mise en œuvre des accords sur les droits de la personne.

 

La sécurité des personnes comme défi pour la gouvernance

Pour la grande majorité des personnes dans le monde, la sécurité n’est pas une question de relations entre Etats ; elle prend plutôt un caractère individuel. La plupart des gens voient la sécurité comme une protection du danger, qui vient des personnes violentes, de la famine ou de la sécheresse. La lutte contre la violence perpétrée sur les personnes est à la base de la sécurité des personnes.

En 1994, le PNUD a introduit le concept de la sécurité des personnes comme fusion des questions de politique en rapport avec la sécurité internationale et nationale, le développement politique et économique et l’environnement.

a) Il existe un sentiment croissant d’insécurité alors que différentes régions du monde sont aux prises avec des crimes violents, la criminalité organisée, le terrorisme, le trafic des personnes et le trafic de drogue. De plus en plus de gens vivent dans des environnements sociaux où l’intégrité physique est de moins en moins assurée. Les personnes réagissent en s’organisant elles-mêmes. La corruption est l’un des problèmes mondiaux et transfrontaliers les plus importants.

Les forces politiques sociales-démocrates ont sous-estimé l’importance de la question de la sécurité des personnes. Elles sont prêtes à s’y intéresser de plus près.

b) Le monde connaît l’existence d’Etats faibles où des acteurs privés et des seigneurs de guerre imposent leur propre loi et utilisent la force, menaçant la sécurité des personnes. Leurs activités sont basées sur les ressources matérielles des territoires qu’ils détiennent ainsi que sur la drogue et les diamants. Les conflits sont alimentés par le commerce illégal des armes portatives et sur une quantité énorme de mines.

Les pauvres sont souvent les victimes principales dans ces Etats faibles.

c) Les événements du 11 septembre 2001 nous ont rappelé l'urgence de revenir aux valeurs communes fondatrices de toutes les civilisations, de repenser les modèles de sociétés. Dans bien des situations, l’irrationalité triomphe sur les valeurs d’ouverture. Le racisme, la xénophobie, le chauvinisme et le fondamentalisme religieux, sous forme d’idéologies violentes, deviennent des menaces majeures pour la paix et la démocratie.

Il n’y a aucune justification du terrorisme. Il faut le condamner. Le terrorisme ne peut se justifier par la pauvreté ou des conflits régionaux ou religieux. Les instruments de la lutte contre le terrorisme doivent être améliorés dans un cadre multilatéral.

Si les Etats-Unis n'en retiennent qu'une incitation à faire étalage de leur puissance militaire, alors l'avenir sera des plus sombres. Il serait tragique que le combat contre le terrorisme devienne "une croisade" contre l'islam. On ne peut utiliser la terreur pour lutter contre le terrorisme. La sécurité globale dépend d’un nouvel engagement à se tenir aux côtés des peuples du monde et à étendre le concept des droits de la personne à chacun d’entre eux. N’oublions pas que la justice et la cohésion sociale sont des facteurs de paix et de stabilité au plan local, national et mondial. Il est alors plus difficile pour les organismes terroristes de trouver des recrues révoltées et désespérées. Ce sera également le cas si l’on peut changer les attitudes politiques et morales ´ deux poids, deux mesures ª des états modernes en Europe, en Amérique du Nord et en Australie.

d) Il n’existe pas de réponse simple au problème de la sécurité des personnes. Il faut un ensemble d’instruments en rapport avec la prévention criminelle et la construction de structures sociales, économiques et politiques, y compris la sécurité alimentaire et un système de soins de santé et d’éducation qui fonctionne.

L’élément central est la prévention.

Il faut créer un plan intégré de prévention de la criminalité, qui ira du niveau local au niveau international ou mondial, et qui contiendra un ensemble de mesures. L’application de ces mesures exigera de l’argent et une volonté politique.

Dans certains pays en développement, surtout en Afrique, la reconstruction de l’état et l’intégration régionale sont des aspects importants d’une politique qui cherche à réduire le haut niveau de violence. Pour cela, il faut un concept de stabilité structurelle, avec des efforts internationaux pour mettre un terme à la désintégration des Etats.

 

2. Identité culturelle

L’identité culturelle est un droit de la personne. Il faut absolument reconnaître les différences culturelles. Le monde assiste à l’évolution de sociétés patchwork, où les identités nationales communes perdent leur signification et où des groupes culturels et sociaux de plus en plus variés coexistent. Cette coexistence n’est pas toujours paisible. Les pays les plus pauvres font face à des conflits croissants au sein de leurs frontières. La communauté mondiale d’Etats doit accepter que toutes les sociétés peuvent être multiculturelles. Aucun état ne peut imposer une culture, une langue ou une croyance à sa population.

a) De nombreux conflits qui touchent le monde depuis quelques années sont des conflits partiellement religieux, qui représentent une recherche d’identité. Mais il ne faut pas oublier que pratiquement tous les conflits ont leurs origines dans une lutte pour affirmer des intérêts économiques.

Différents types de fondamentalisme se sont développés dans le monde. Ce retour du fondamentalisme est parfois accompagné d’un militantisme politique. Les pays qui sont restés sous le joug de régimes autoritaires sont devenus des terreaux fertiles pour les fondamentalistes. La réponse au fondamentalisme des sociaux démocrates est l’affirmation constantes des valeurs de dignité humaine, de liberté, de justice sociale, de solidarité, et d’égalité des sexes, des valeurs de tolérance, de la coexistence des religions et du dialogue entre elles, et des idées des Lumières.

La technologie de communications qui a permis au ‘village mondial’ d’exister, paradoxalement, a stimulé une plus grande prise de conscience des différences culturelles. Les sociétés doivent cultiver leurs caractéristiques culturelles distinctes et les utiliser pour résoudre les problèmes sociaux et politiques.

Mais le droit de la personne à l’identité culturelle et la démocratie mondiale sont interdépendants. La démocratie respecte la diversité et, ce faisant, elle pose l’hypothèse de la réciprocité de ce respect. Des cultures différentes ont des différents types de démocratie, mais elles respectent toutes les mêmes principes. Aucune culture n’est incapable de démocratie, comme la défaite du fascisme pendant la Seconde guerre mondiale et l’échec du communisme à la fin du XXe siècle le montrent en Europe. Le même principe est applicable à tous les états où des régimes totalitaires, autoritaires ou non démocratiques sont actuellement au pouvoir.

b) Les migrations internationales et nationales ont atteint un niveau unique au plan historique. Ceci provient surtout de facteurs démographiques et économiques. Il y a également les réfugiés écologiques et les réfugiés de guerre. Les migrations se font des pays moins développés vers les pays plus développés, des zones rurales vers les villes. De plus en plus de femmes participent aux migrations nationales et internationales. Les immigrantes sont particulièrement vulnérables à cause de leur sexe.

L’arrivée constante de main d’œuvre a une influence importante sur le marché du travail des pays destinataires, surtout dans les pays développés. Ces effets sont différents en fonction de la réglementation du marché. Si les marchés du travail sont plus souples, l’immigration a tendance à diminuer les salaires. Si les marchés sont plus rigides, l’immigration tend à augmenter le chômage.

c) Une politique de cohésion globale est la réponse aux dangers de conflits interculturels et de migrations.

 

3. L’intégration sociale par l’éducation

L’éducation est la clé du développement durable, de la démocratie et de la paix au sein des pays et entre eux. C’est ainsi un moyen indispensable d’intégration sociale et de participation aux sociétés et économies du XXIe siècle. L’éducation est l’outil le plus important pour obtenir la liberté, le progrès et la justice sociale. L’éducation est un droit de la personne.

Tous les enfants, garçons et filles, doivent avoir accès à une éducation primaire complète. La communauté internationale doit redoubler ses efforts pour atteindre cet objectif d’ici 2015.

L’éducation primaire est la première étape ; les systèmes d’éducation post-primaire dans les pays en développement doivent être renforcés et les différences entre les sexes dans l’éducation primaire et secondaire doivent être éliminées. Une stratégie de développement basée sur les connaissances est nécessaire afin de faire des connaissances un élément clé des progrès mondiaux.

a) Après la fin de la Guerre froide le monde s’est divisé de manière bien plus inextricable, en fonction de la création technologique. Il existe un fossé technologique aggravé par le développement de nouvelles technologies importantes. Les pays en développement et les anciennes régions industrielles perdent du terrain dans la course numérique. Parallèlement, le fossé numérique ne respecte pas les anciennes divisions. La Chine et d’autres régions d’Asie auront bientôt plus d’utilisateurs d’Internet que les États-Unis. En conclusion, une révolution technologique est en train de changer le paysage économique et social du monde.

b) Le fossé numérique s’affirme aussi au sein des sociétés et états. De nouvelles exclusions apparaissent ; le fossé entre les sexes et les générations sont deux autres dimensions.

Le passage de la production basée sur les ressources à la production basée sur les connaissances et la création de valeur sous-entend que l’on doit accorder une plus grande importance au facteur humain. Mais beaucoup de pays en développement ne peuvent pas dépenser le même pourcentage de leur PIB sur l’éducation que les pays développés.

Parmi les problèmes à résoudre, citons un investissement insuffisant dans le développement des ressources humaines, l’analphabétisme, la formation inadéquate des enseignants et une éducation primaire obsolète. Il s’agit d’une obligation de chaque état et de la communauté internationale. L’éducation doit être considérée globalement comme un processus d’intégration sociale qui fournit des éléments d’identité sociale et culturelle.

c) Les Etats doivent jouer un rôle actif dans la construction de ponts sur le fossé numérique. Les Etats-Unis et l’UE ont pris des mesures efficaces à ce niveau.

À une époque de nouvelles technologies d’information et de communication, l’éducation publique est indispensable. Le financement public est absolument nécessaire pour l’éducation de base et pour faciliter l’accès aux technologies d’information.

d) De manière générale, la politique doit accorder plus d’importance à l’éducation, à l’apprentissage et à la formation. Ceci est évident dans les pays développés, mais absolument crucial dans la plupart des pays en développement. Plusieurs avenues peuvent être explorées pour aider les pays à l’écart de la vague technologique. Il faut repenser la coopération internationale ; l’Accord général sur les services au sein de l’OMC a un impact sur l’éducation et le financement privé de l’éducation pourrait être utile ; Les services publics doivent être spécifiquement exclus et les GATS ne peuvent pas forcer les pays à privatiser leurs services contre leur volonté. L’accès à l’éducation pour tous devrait être garanti.

L’équipe d’intervention sur les technologies d’information et de communication de l’ONU et l’équipe d’intervention sur les opportunités numériques du G8, basées sur la Charte d’Okinawa sur la technologie d’information globale adoptée en 2000 sont les instruments des efforts internationaux. Le Sommet mondial de l’ONU sur la société de l’information en 2003 devrait permettre de réaliser de nouveaux progrès pour refermer le fossé numérique.

 

IV La démocratie

Le moment est venu de bâtir des structures démocratiques efficaces en matière de gouvernance mondiale. Il reste des obstacles à la prise de décisions démocratique dans la politique mondiale.

La gouvernance qui répondra aux défis de la mondialisation doit être bonne, c’est à dire efficace, démocratique et être soumise à l’Etat de droit, au niveau national, global, régional, sous-régional et local. Un nouvel ordre mondial est en jeu. L’IS doit construire des alliances globales afin de faire en sorte que c’est ordre soit multilatéral, multipolaire et à plusieurs niveaux, et non pas unilatéral et unipolaire.

a) Un système de gouvernance mondiale devra :

• renforcer le cadre légal pour les Etats en renforçant les mécanismes de résolution des conflits – La cour internationale de justice, la cour pénale internationale, le centre international de la Banque mondiale pour la résolution des différends financiers ;

• comprendre un Conseil pour le développement durable en plus d’un Conseil de sécurité réformé ;

• contenir des normes efficaces et des mécanismes pour la protection de la biosphère mondiale ;

• Réformer les institutions internationales existantes pour aider à stabiliser l’économie mondiale.

Au niveau étatique, l’exécutif tend à dominer dans les affaires internationales et globales et il existe un manque de participation des parlementaires et des partis démocratiques.

La position et l’influence des différents Etats dans le développement mondial est extrêmement inégale.

La force économique et financière des sociétés transnationales est un facteur politique croissant ; ces dernières dominent en grande partie la position des gouvernements des Etats.

Il est nécessaire d’établir une structure politique mondiale qui soit à la fois efficace et démocratique, et donc la meilleure pour tous les citoyens du monde. La base de tous ces efforts pour atteindre une démocratie globale devrait être la Déclaration du Millénaire des Nations Unies, dans laquelle les chefs d’Etats et de gouvernements ont accepté en ce qui concerne le respect des droits des personnes, la démocratie et la gouvernance mondiale, de faire tout leur possible pour promouvoir la démocratie, renforcer l’Etat de droit et assurer le respect de tous les droits de la personne et les libertés fondamentales internationalement reconnus, y compris le droit au développement.

b) La mondialisation signifie que les domaines de l’interaction écologique, économique, sociale, culturelle, politique et interpersonnelle ont tendance à excéder dans une grande mesure les limites des Etats ou des régions. Parallèlement, il existe dans de nombreuses parties du monde un processus qui peut être appelé de ‘fragmentation’ – une combinaison de fragmentation en des unité plus petites et d’intégration dans des entités continentales ou globales ou dans des sphères d’interaction. Les arrangements institutionnels nécessaires pour répondre à ces tendances opèrent à quatre niveaux : globaux, régionaux, sous-régionaux et locaux.

Paraît être en jeu la capacité de construire un système multilatéral de gouvernance conçu pour :

• profiter le mieux de chaque niveau selon le principe de subsidiarité ;

• améliorer l’interaction et la collaboration entre ces différents niveaux ;

• améliorer le niveau global et multilatéral, qui manifestement semblent être les nivaux les plus faibles aux vues des problèmes qu’ils devraient aborder.

  1. La bonne gouvernance
  2. La transparence

La transparence des décisions et des processus démocratiques est un préalable de la démocratie. Plus les niveaux de décision sont hauts, plus le préalable est nécessaire et exigeant. La transparence est nécessaire au niveau global.

Les citoyens peuvent soutenir la cause de la transparence en essayant d’obtenir des informations en tant qu’individus et en tant que groupes au sein de la société civile.

La transparence requiert également des médias libres et indépendants.

a) Les organisations de la société civile jouent un rôle crucial pour faire progresser la transparence des processus de prise de décisions globales. Des mécanismes formels et complets de participation de la société civile et d’accès à l’information doivent être établis au sein de toutes les organisations internationales, y compris l’OMC, le FMI et la Banque mondiale.

b) La liberté de la presse et la liberté d’expression sont essentielles à la défense et au développement de la démocratie. Elles contribuent à l’établissement de la transparence, contrebalancent les tendances autoritaires et corrigent les excès, la négligence et les erreurs de gestion au sein des Etats. Les médias collectent les informations et les façonnent. Cette fonction de médiation entre la gouvernance à tous les niveaux et les sociétés est une fonction de haute responsabilité.

La démocratie expérience actuellement une crise de croissance et d’adaptation aux nouvelles réalités mondiales contemporaines. Les causes de cette crises sont :

• l’insuffisance des mécanismes démocratiques pour affronter les effets de la mondialisation ;

• l’émergence, dans le cadre de la mondialisation naissante, de communautés sociales qui ont peur de ne pas pouvoir s’adapter aux nouvelles conditions et sont sensibles aux messages populistes et nationaux populistes ;

• l’affaiblissement de la crédibilité et il est vrai de l’efficacité des mécanismes démocratiques traditionnels à cause d’un manque de transparence et de l’électoralisation et de la commercialisation de l’action politique.

Les médias ont une immense responsabilité et un rôle essentiel à jouer vis à vis de ces trois causes.

La démocratie avec son économie de marché et la propriété privée ont permis aux médias libres de devenir un véritable pouvoir. Par conséquence, il est indispensable que les médias se comportent de façon transparente et responsable. Il est nécessaire de reconnaître le fait que l’activité de la presse est d’intérêt public et doit donc être menée en accord avec les normes professionnelles, les standards déontologiques et dans un cadre démocratique légal.

 

3. La participation

a) La participation de la société civile dans la gouvernance mondiale s’est considérablement accrue durant la dernière décennie. Grâce à leur niveau d’engagement élevé et leur expertise, les syndicats et autres partenaires sociaux d’un côté, les ONG d’un autre côté, ont pu jouer un rôle clé dans le cycle des conférences mondiales.

Aucune restriction ne doit donc être placée sur le statut consultatif des ONG à l’ONU qui est actuellement examiné par le Panel de personnes éminentes auprès du Secrétaire-Général sur les relations des Nations Unies avec la société civile. Au contraire, les relations consultatives formelles entre les ONG à but non lucratif et l’ONU doivent être renforcées et s’étendre à toutes les institutions du système de l’ONU, y compris l’assemblée générale de l’ONU et ses agences spécialisées.

Cependant, les ONG ne devraient pas être surchargées par des attentes excessives. Elles influencent les prises de décisions mondiales par leur expérience, leur analyse et leur plaidoyer mais elles ne sont pas des décideurs, comme le sont les parlements et gouvernements démocratiquement élus. La participation de la société civile doit compléter et non pas se substituer au rôle des parlements. La démocratie participative va de paire avec la démocratie représentative et devrait inclure l’expérience politique et sociale. les gens ne peuvent pas être des citoyens dans la vie politique et des servants dans la vie économique.

Les Etats et les institutions mondiales ne peuvent pas financer les besoins en développement des pays en développement. Une coopération plus intensive entre le secteur privé pour inciter l’investissement privé est nécessaire. Les sociétés mondiales ont des responsabilités, formulées dans le Compact mondial de l’ONU. Cependant, les partenariats publics-privés qui comprennent des sociétés transnationales, des associations d’entreprises ou des associations privées de riches individus au sein d’organes de décision, peuvent être problématiques car ils permettent à des représentants d’intérêts commerciaux privés de prendre part à des décisions politiques concernant des politiques publiques et des dépenses touchant aux fonds publics.

b) Le développement de la démocratie au cours des deux derniers siècles a été déterminé par le développement des partis politiques. La compétition entre partis permet aux citoyens de choisir entre des alternatives politiques accumulant des valeurs différentes, des théories et des projets.

Les partis sont les médiateurs entre la société et les gouvernements. Ils remplissent la fonction d’intégration politique.

Dans les systèmes politiques totalitaires et autoritaires, le système communiste d’un côté et le système fasciste d’un autre côté ont fait un usage impropre des partis. Les systèmes à parti unique ont évolué d’une façon totalement opposée au concept que les partis démocratiques élus en compétition avec d’autres ont d’eux-mêmes.

C’est surtout au sein d’une Europe démocratique que l’alternance de base entre partis de la gauche démocratique et de la droite démocratique s’est développée. Dès le début, les concepts de la gauche et de la droite ont déterminés la structure de base des institutions démocratiques. Ceci a d’abord été appliqué au parlement élu après la Révolution française, et s’applique toujours aux parlement dans la plupart des démocraties, aux partis et également aux groupes proches de la politique.

Les positions politiques mondiales des partis aux Etats-Unis montrent que les partis sont déjà actifs et nécessaires, non seulement au niveau national mais également au niveau mondial et régional.

Les partis de la gauche démocratique se sont joints à l’échelle mondiale : l’Internationale Socialiste existe depuis 1951. Au commencement, c’était une union de partis essentiellement européens. Dans les années 1970 et 1980, le président de l’IS Willy Brandt a encouragé l’admission de partis d’Amérique latine, d’Afrique, d’Etats arabes et d’Asie. L’IS est ainsi devenue une organisation mondiale de partis démocratiques de gauche ayant des cultures démocratiques différentes de par leur histoire et leur situation géopolitique.

Les partis de la droite démocratique ont également joint leurs forces. L’Union démocratique internationale existe depuis 1983.

La mondialisation exige que les larges communautés mondiales de partis intensifient leurs travaux et promeuvent de plus en plus des intérêts de communautés stratégiques et conceptuels. Elles peuvent alors se considérer comme des alternatives démocratiques au niveau mondial – tout comme leurs partis membres constituent ces alternatives au niveau étatique.

c) Les partis démocratiques sont impliqués dans les décisions politiques au travers de leur participation aux élections et le travail de leur représentants au sein du parlement. les parlements élisent et surveillent les gouvernements. ceci s’applique au niveau national et doit également s’appliquer au niveau mondial.

L’Internationale Socialiste est convaincue que des élections libres et justes doivent être la source fondamentale de la légitimité des parlementaires. Cependant, en ce qui concerne les entités parlementaires élues et appointées, l’ouverture d’esprit, la transparence et la responsabilité sont des conditions cruciales à un exercice démocratique réel capable de faire en sorte que les personnes demeurent impliquées dans le processus de prise de décisions.

Les parlements et les gouvernements démocratiquement élus sont les seuls acteurs qui sont légitimés pour établir les règles et normes mondiales et pour prendre des décisions à l’échelle mondiale. Ils sont responsables vis à vis de leur électorat et ne devraient pas être autorisés à privatiser leur devoirs en transférant leurs responsabilités mondiales aux NGO et autres acteurs privés.

Parlementariser le système politique mondial doit être l’objectif de l’IS – avec la représentation de partis politiques offrant des alternatives de valeurs politiques mondiales, de théories et de projets.

Une responsabilité et un contrôle démocratique mieux structuré sont nécessaires pour que le déficit démocratique mondial soit sérieusement abordé. A un certain moment, la contemplation d’une Assemblée parlementaire des Nations Unies sera nécessaire. Un tel développement devrait être soutenu par l’émergence graduelle d’une citoyenneté véritablement mondiale, étayée par des droits dérivés de la déclaration des droits de l’homme de 1948 et de la convention de 1966 sur les droits civils, politiques, économiques et sociaux.

Une telle assemblée devrait devenir plus qu’une simple institution des Nations Unies. Elle devrait devenir un élément de base d’un nouvel ordre mondial démocratiquement légitime. Loin d’être utopiques, de récents développements et tendances sont en train d’ouvrir la voie. L’Union interparlementaire prend vie. L’ONU organise déjà un Forum parlementaire dans le cadre de conférences internationales majeures.

Afin d’atteindre l’objectif de l’Assemblée parlementaire de l’ONU, les larges communautés de partis doivent faire tous les efforts possibles, et elles doivent renforcer leur coopération. Le point de départ principal pourrait se trouver au sein des assemblées de l’Union interparlementaire (UIP).

Les larges communautés de partis devront également chercher à créer des liens avec des partis qui ne leur appartiennent pas. Ceci est nécessaire en particulier dans les pays fortement peuplés, comme la Chine, l’Inde, l’Indonésie, les Etats-Unis et la Russie. Il sera encore plus dur de représenter les alternatives politiques et démocratique mondiales sans la participation des parlementaires de ces grands Etats.

 

V Le développement durable, les droits de la personne et la démocratie ont besoin de la paix et la paix a besoin du développement durable, des droits de la personne et de la démocratie – Une nouvelle coalition pour un nouvel ordre mondial

L’ancien président de l’IS, Willy Brandt, a formulé le principal défi de la politique internationale et globale : ´ la paix n’est pas tout, mais tout le reste n’est rien sans la paix ª. Notre concept d’un monde de développement durable, de droits de la personne et de démocratie pose donc l’hypothèse de l’existence de la paix. Mais la paix ne peut être préservée que si le développement durable, les droits de la personne et la démocratie deviennent progressivement la norme dans tous les pays et régions du monde.

La sécurité fait partie des droits de la personne, et comporte des mesures contre la violence criminelle et terroriste. Elle fait partie de la politique globale des droits de la personne. La sécurité externe, la prévention des guerres entre états, reste également une tâche permanente pour la communauté internationale.

L’Internationale Socialiste, en conformité avec la Déclaration de l’ONU pour le millénaire, est bien décidée à établir une paix juste et durable dans le monde entier en conformité avec les objectifs et les principes de la Charte de l’ONU. L’IS se consacre à nouveau à soutenir tous les efforts de respect de l’égalité souveraine des états, de respect de leur intégrité territoriale et de leur indépendance politique, de résolution des différends par des moyens paisibles et en conformité avec les principes de justice et de droit internationale, le droit d’autodétermination des peuples qui restent sous la domination coloniale et l’occupation étrangère, la non-ingérence dans les affaires internes des états, le respect des droits de la personne et des libertés fondamentales, le respect des droits égaux de tous sans distinction de race, sexe, langue ou religion et la coopération internationale pour résoudre les problèmes internationaux de nature économique, sociale, culturelle ou humanitaire.

L’IS mettra tout en œuvre pour libérer les peuples du fléau de la guerre, au sein des États ou entre eux. L’IS cherchera aussi à éliminer les dangers que représentent les armes de destruction massive.

L’IS se résout donc :

  • A renforcer le respect de la souveraineté du droit dans les affaires internationales et nationales et, en particulier, à assurer le respect par les états membres des décisions du Tribunal international, dans le respect de la Charte des Nations Unies, dans les affaires dont ils sont parties.
  • A rendre les Nations Unies plus efficaces pour maintenir la paix et la sécurité en leur donnant les ressources et les outils nécessaires pour la prévention des conflits, la résolution paisible des différends, le maintien de la paix, le rétablissement de la paix après un conflit et la reconstruction.
  • A renforcer la coopération entre les Nations Unies et les organisations locales.
  • A assurer la mise en œuvre, par les états membres, des traités comme le contrôle des armes et le désarmement et à en appeler à tous les États pour envisager de signer et ratifier le Statut de Rome du Tribunal international.
  • A minimiser les effets négatifs des sanctions économiques des Nations Unies sur les populations innocentes, à soumettre ces régimes sanctionnés à des analyses régulières et à éliminer les effets négatifs des sanctions sur les tiers.
  • A œuvrer pour l’élimination des armes de destruction massive, notamment des armes nucléaires et à conserver toutes les options possibles pour atteindre ce but, y compris la possibilité de convoquer une conférence internationale pour identifier des moyens d’éliminer les dangers nucléaires.
  • A prendre des mesures concertées pour mettre fin au trafic illicite des armes portatives, notamment en renforçant la transparence des transferts d’armes et en soutenant les mesures régionales de désarmement.
  • A en appeler à tous les États pour envisager de signer la Convention sur l’interdiction de l’utilisation, du stockage, de la production et du transfert de mines et sur leur destruction.

L’IS souligne encore une fois qu’il ne peut y avoir aucune division entre la paix d’une part et le développement durable, les droits de la personne et la démocratie d’autre part.

A l’aube d’un nouveau siècle, l’humanité se trouve à un carrefour, le désordre actuel du monde, marqué par l’unilatéralisme, le non respect des droits de la personne, l’injustice sociale et le développement déséquilibré, atteint ses limites. L’opinion publique mondiale est aujourd’hui plus consciente de ces problèmes et des manières de les confronter. L’heure est venue de bâtir un nouvel ordre mondial basé sur le multilatéralisme, le respect des droits de la personne, la démocratie et le développement durable pour tous. Il s’agit de l’objectif de l’IS et de l’engagement qu’elle désire partager avec toutes les femmes et tous les hommes du monde, par des alliances qui mèneront à une coalition, dans le but de construire un nouvel ordre mondial.

VI Plan d’action de l’Internationale Socialiste pour la démocratie mondiale

En adoptant une stratégie sociale-démocrate face à la politique mondiale – la gouvernance dans une société mondiale – l’Internationale Socialiste a formulé ses objectifs démocratiques de politique mondiale et a défini les concepts et stratégies de leur mise en œuvre. Ceci forme la base du travail permanent de l’IS et de ses partis membres dans le domaine de la politique mondiale.

1. L’Internationale Socialiste présentera sa stratégie de la gouvernance dans une société mondialisée pour un débat mondial avec un large éventail d’organisations de la société civile : ONG, syndicats et associations d’employeurs, ainsi qu’avec des universitaires et des chercheurs. La première étape sera le Forum progressif mondial en novembre 2003 à Bruxelles. L’IS participera au Forum social mondial à Mumbai en janvier 2004. Elle présentera sa stratégie pour la gouvernance dans une société mondialisée lors du Forum économique mondial.

2. L’Internationale Socialiste parlera de sa stratégie pour la gouvernance dans une société mondialisée avec d’autres associations de partis démocratiques organisées au plan mondial

3. L’Internationale Socialiste créera un groupe de haut niveau sur la réforme du système des Nations Unies.

4. L’Internationale Socialiste coordonnera le travail des parlementaires de ses partis membres au sein de conférences internationales de parlementaires, surtout l’Union interparlementaire, ainsi que de conférences organisées en association avec l’OMC, la Banque mondiale et UNESCO, et définira des positions communes dans la mesure du possible.

5. L’Internationale Socialiste créera des concepts pour lutter contre les effets de la mondialisation sur différentes grandes régions du monde et définira les tâches nécessaire pour sa structuration. Ceci concerne l’Amérique du Nord, l’Amérique latine, l’Europe, la Russie et les états de l’ancienne Union soviétique, le Moyen-Orient, l’Afrique, les régions d’Asie, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Des contributions au niveau des tâches à entreprendre dans certaines régions ont également été incluses dans le travail réalisé pour préparer La Gouvernance dans une société mondiale. Elles formeront la base de la poursuite du travail de l’IS sur la création des concepts régionaux pertinents. L’objectif de ces efforts devrait être d’adapter la stratégie de l’IS pour la gouvernance dans une société mondialisée aux conditions spécifiques de chaque région.

6. L’Internationale Socialiste contribuera aux grands projets de politique mondiale ainsi qu’aux conférences organisées par l’ONU, les IFI et le G8 au début de chaque année. Elle adoptera des propositions, des suggestions et des demandes à cette fin et surveillera et évaluera le suivi.

7. L’Internationale Socialiste organisera la coopération entre représentants de ses partis membres, d’une part, et le personnel de l’ONU, des IFI et d’autres organisations internationales d’autre part.

8. L’Internationale Socialiste mettra sa stratégie pour la gouvernance mondiale en œuvre en influençant et ainsi en liant les politiques mondiales de ses partis membres en organisant des échanges de position et des réunions de parlementaires, de membres de gouvernements et de fonctionnaires appartenant aux partis membres.

9. L’Internationale Socialiste coordonnera le travail des parlementaires de ses partis membres dans les conférences régionales de parlementaires comme à l’OSCE et au Conseil de l’Europe, où elle coopérera avec le Parti des Socialistes européens (PSE).

10. L’Internationale Socialiste est prête à parler de la participation des partis et parlementaires à la définition des politiques mondiales avec d’autres associations démocratiques mondiales de partis et à définir des procédures communes chaque fois que cela semble faire sens. Nous encourageons les partis et les institutions à promouvoir l’égalité des sexes et la responsabilisation des femmes dans tous les domaines et à tous les niveaux afin de créer une politique mondiale véritablement démocratique.

11. L’Internationale Socialiste cherche à travailler avec les partis qui ont de l’influence aux Etats-Unis et en Russie. Ceci concerne principalement la coopération avec les Démocrates aux États-Unis et aussi les partis démocratiques russes.

En Chine également, la question du développement des relations avec le Parti communiste chinois se présente, même si ce parti n’est pas conforme au concept d’un parti démocratique formulé par l’IS. Le processus de transition qui se déroule en Chine doit être soigneusement surveillé.

 

CHAPITRE 1 : LE DEVELOPPEMENT DURABLE

0. Les développements économiques et environnementaux dans le monde après la Seconde guerre mondiale

Durant le dernier quart du 20ème siècle, une conscience mondiale en ce qui concerne l’importance du l’environnement mondial, a émergé. Tandis que l’objectif de sauvegarde de l’héritage mondial est au cœur de cet nouvel ordre du jour, les thèmes relatifs au développement économique et social sont d’importance égale et étroitement liés aux préoccupations environnementales. L’IS soutient donc pleinement le concept de développement durable et lance un appel pour une approche triangulaire – combiner la dimension écologique, économique et sociale de la mondialisation.

  1.  

    1. Développement

a) Selon la Commission Brandt, le développement est plus que la transition de la pauvreté à la richesse, d’une économie traditionnelle rurale à une communauté urbaine complexe. Il implique non seulement l’idée de richesse matérielle mais aussi de dignité humaine, de sécurité des personnes, de justice et d’égalité. Sous la présidence de l’ancien président de l’IS, Willy Brandt, la Commission indépendante sur les thème relatifs au développement international a examiné les problèmes auxquels fait face l’économie mondiale à la fin des années 1970. Avec une définition complète du développement et des stratégies et concepts avisés, le travail de la Commission Brandt peut toujours être considéré comme une étape importante dans le débat sur le développement.

b) Dans son rapport Nord-Sud, la Commission Brandt a constaté que les Etats en développement dépendaient économiquement des Etats développés, qui à leur tour dominent les règles internationales et les institutions relatives aux domaines commercial et financier. Cette division économique a pour résultat l’instabilité politique, non seulement dans les Etats pauvres mais aussi partout dans le monde. La Commission est allée au delà des querelles quotidiennes et a porté son attention sur les problèmes représentant un danger sur le long terme. Elle a découvert un monde dans lequel la pauvreté et la fin prévalaient encore dans de nombreuses régions ; dans lequel les ressources étaient gaspillées sans aucune considération concernant leur renouvellement ; dans lequel un nombre d’armes, plus important que jamais, est produit et vendu ; et où une capacité destructive a été accumulée pouvant faire plusieurs fois exploser la planète. Dans ses recommandations, la Commission Brandt a lancé avec audace un appel en faveur d’une restructuration de l’économie mondiale de grande envergure, ainsi que d’une nouvelle approche du développement et des programmes d’urgence pour mettre un terme à la pauvreté dans les parties du monde en développement.

  1. Vingt ans plus tard, un grand nombre des conclusions de la Commission reste valide. A la lumière des objectifs formulés par Willy Brandt, les politiques des pays industrialisés – faisant passer leurs propres intérêts avant tout – n’ont pas beaucoup changé. Les résultats sont évidents – de hauts niveaux obstinés de pauvreté et des disparités économiques croissantes – et les institutions telles que le PNUD, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international les connaissent bien.
  1.  

    a) Dans sa célèbre déclaration sur le développement durable, la Commission Brundtland définit le développement durable en tant que développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations à venir à répondre à leurs propres besoins. Présidée par Gro Harlem Brundtland, ancienne première vice-présidente de l’IS, la Commission mondiale sur l’Environnement et le Développement suggère de plus que l’équité, la croissance et la protection de l’environnement sont simultanément possibles et que chaque pays est capable d’atteindre son plein potentiel économique tout en améliorant parallèlement sa base de ressources. Il est reconnu que pour atteindre l’équité et la croissance durable, les changements technologiques et sociaux sont nécessaires.

    b) Le rapport de la Commission a souligné trois composantes fondamentales du développement durable : la protection de l’environnement, la croissance économique et l’équité sociale. L’environnement devrait être conservé et la base de ressources améliorée, en changeant graduellement les façons dont nous développons et utilisons les technologies. Il faut permettre aux Etats en développement de satisfaire leurs besoins élémentaires en matière de d’emploi, de nourriture, d’énergie, d’eau et d’installations sanitaires. Si cela est fait d’une manière durable, il est clair que le niveau de la population doit être viable. Il faut relancer la croissance économique et permettre aux Etats en développement d’obtenir une croissance de qualité égale à celle des pays développés.

    c) Le développement durable encourage la conservation et la préservation des ressources naturelles et de la gestion de l’énergie, des déchets et des moyens de transports. Le développement durable est un développement basé sur des modes de production et de consommation qui peuvent se poursuivre dans le futur sans dégrader l’environnement humain et naturel. Cela implique un partage équitable des bénéfices de l’activité économique dans tous les secteurs de la société, pour améliorer le bien-être des personnes, protéger la santé et réduire la pauvreté. Pour que le développement durable soit un succès, les attitudes des individus et des gouvernements en ce qui concerne nos styles de vie actuels et leur impact sur l’environnement, devront changer.

    Une stratégie mondiale pour le développement durable n’a aucune chance de succès à moins qu’elle contrebalance les intérêts entre les pays développés et ceux en développement. Le développement et la croissance économique devraient s’effectuer bien moins au dépend des ressources naturelles et de l’environnement qu’au XXe siècle.

    Le développement pose également un défi important aux parties du monde industrialisées. La prospérité des pays industrialisés est basée sur une surconsommation des ressources limitées de la planète. Les menaces globales, telles que le changement climatique, indiquent le besoin en faveur d’un changement et montrent que les pays industrialisés ont non seulement une responsabilité morale, mais il est aussi dans leur propre intérêt de jouer le rôle de meneur en vue d’un tel changement. Il est nécessaire de poursuivre une politique de croissance qui unisse les dimensions économiques, sociales et environnementales. Le rôle de la technologie environnementale dans la croissance de l’économie durable et de l’emploi doit être utilisé et davantage développé. Dans les pays industrialisés, il faut promouvoir la croissance économique, fournissant la possibilité aux gens d’être plus actifs sur le marché du travail, et réduisant donc l’exclusion sociale. A son tour, une moindre exclusion sociale fournira la base d’une participation sociale active, sauvegardant les biens communs pour le futur. La croissance économique durable basée sur un investissement dans le domaine technologique, débouchant sur une consommation moindre des ressources, et permettant parallèlement d’établir un niveau de protection sociale et environnementale, devient le moteur d’une spirale positive créée par une stratégie pour le développement durable.

    1. Durabilité
    2. Développement durable dans les pays industrialisés et les pays en développement

      a) Dans les pays en développement, la pauvreté et la dégradation environnementale constituent les deux facettes d’un même problème. Un grand nombre des problèmes environnementaux dans les pays plus pauvres, comme la déforestation ou l’érosion du sol, présentent des risques pour ces pays et sont étroitement liés aux niveaux de pauvreté. Une croissance économique forte dans les pays en développement dans les années à venir – nécessaire pour faire sortir les gens de la pauvreté – ne peut être atteinte en ignorant son impact environnemental. Il est impossible que planète élargisse les modes de production et de consommation déjà non durables des pays industrialisés à plusieurs milliards de gens ou plus, sans risquer un effondrement global.

      b) Dans les années à venir, la plupart des pays en développement n’aura pas les ressources requises pour atteindre les objectifs du développement durable. A certains égards, les besoins financiers peuvent être satisfaits au moyen de l’attraction d’investissements privés combinés avec un financement public. Cependant, ceci ne sera pas suffisant. Les pays industrialisés doivent aider le monde en développement à satisfaire le défi de la durabilité en définissant des programmes de développement adéquatement financés. Ils doivent également stimuler les transferts technologiques ne nuisant pas à l’environnement.

      1. Les pays en développement
      2. Les pays industrialisés
    3. Rio 1992 – Un nouvel ordre du jour mondial

La conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement à Rio de Janeiro en 1992 avait fourni les principes fondamentaux et le programme d’action pour le développement durable dans l’Agenda 21. Elle a jeté les fondations d’un nouvel ordre du jour mondial au moyen d’une série de conférences mondiales ayant trait à divers aspects de la durabilité au niveau mondial, notamment la Conférence sur la population (Le Caire, 1994), le Sommet social (Copenhague, 1995), la Conférence des femmes (Beijing, 1996) et la seconde conférence sur les établissements humains, HABITAT II (Istanbul, 1996), et Rio+5 (New York 1997) suivies de l’Assemblée du Millénaire de l’ONU (New York, 2000), la Conférence sur le Financement du développement (Monterrey, 2002) et le Sommet mondial pour le développement durable (Johannesburg 2002). Ces initiatives, même si elles sont loin de répondre aux attentes de l’IS, se caractérisent par une volonté commune de promouvoir l’égalité, la solidarité, le respect de l’environnement naturel et le partage des responsabilités en ce qui concerne la gestion du développement économique, social et environnemental mondial.

Transformer ce désir en engagement tangible, tourné vers l’avenir, et sur lequel tout le monde est d’accord, était en un mot le défi politique du processus de Rio+10.

 

0.5 Le Sommet mondial pour le développement durable 2002

a) Le Sommet mondial pour le développement durable a contribué à l’application de l’ ´ Agenda 21 ª et des Objectifs de la Déclaration du Millénaire. La communauté internationale doit appliquer pleinement et rapidement les objectifs qui y sont inclus ainsi que tous ceux formulés dans d’autres conférences et sommets importants de l’ONU. Un nouveau partenariat mondial couvrant des considérations économiques, sociales et environnementales, est nécessaire.

b) Les résultats du SMDD et la réaffirmation, par la communauté internationale, à travers la Déclaration sur le développement durable et le Plan de mise en œuvre de Johannesburg, de l’importance du développement dans ses dimensions économiques et sociales et de la protection de l’environnement, comme piliers interdépendants et renforçant mutuellement le développement durable, constituent un progrès vers le développement durable. Le Sommet a donné un nouvel élan à l’action mondiale pour la lutte contre la pauvreté et pour la protection de l’environnement. Le Sommet a eu pour conséquence d’élargir et de renforcer la compréhension du développement durable. Les gouvernements ont réaffirmé leurs engagements et ont accepté de nouveaux objectifs concrets d’action pour une mise en œuvre plus efficace des objectifs du développement durable.

c) Le Plan de mise en œuvre de Johannesburg contient des engagements importants en ce qui concerne :

• l’éducation pour tous et la promotion de l’égalité d’accès ainsi que la pleine participation des femmes au processus de prise de décision à tous les niveaux, comme moyen de réduire la pauvreté ;

• l’amélioration de l’accès à l’eau et aux installations sanitaires ;

• le passage à des modes de consommations viables ;

• le respect de la biodiversité ;

• l’amélioration de l’éducation en matière de santé, un meilleur accès aux services de santé et la lutte contre le SIDA/IVH

d) Mais les résultats sont loin de correspondre aux objectifs de l’IS.

  • L’établissement d’objectifs plus précis en ce qui concerne l’adoption de sources d’énergie renouvelable a été bloqué.
  • Les résultats relatifs à la gouvernance mondiale ont également été décevants.
  • Il a aussi clairement montré les limites du cadre institutionnel actuel pour obtenir un accord mondial. Il existe sur notre planète un fossé impressionnant entre les problèmes actuels et le système de gouvernance.

e) Concernant les questions financières, la réaffirmation des engagements du Consensus de Monterrey durant le SMDD constitue un résultat positif. Mais il y a eu peu de discussion au sujet de modèles alternatifs de financement du développement et du maintien et de la mise à disposition des biens publics mondiaux. La réaffirmation à Johannesburg des décisions contenues dans la Déclaration ministérielle de Doha, de placer les besoins et intérêts des pays en développement au cœur du programme de travail, y compris l’accès illimité au marché pour les produits intéressant les pays en développement, est positive. Mais aucun progrès n’a été réalisé durant le SMDD en matière de subventions agricoles et de barrières commerciales dans les pays industrialisés concernant les produits des pays en développement.

 

0.6 Proposition pour un Conseil des Nations Unies pour le développement durable

a) Il est donc nécessaire d’établir à un niveau de coordination mondial un nouveau Conseil de sécurité des Nations Unies, sur les questions économiques, sociales et environnementales – un Conseil pour le développement durable.

b) Ce Conseil devrait être composé et fonctionner de manière à prendre en compte les difficultés auxquelles doit faire face l’actuel Conseil de sécurité de l’ONU. Les membres permanents éventuels devraient être plus représentatifs de l’ensemble du monde ainsi que de toutes les régions économiques importantes, y compris les Etats-Unis, l’Europe et la Chine, l’Afrique, l’Amérique latine, l’Océanie et l’Asie. En d’autres mots, il devrait refléter le monde de 2005 et non pas celui de 1945.

c) Le Conseil pour le développement durable devrait être indépendant du Conseil de sécurité, et son standing, en ce qui concerne les questions économiques et sociales internationales devrait être identique à celui du Conseil de sécurité en matière de paix et de sécurité. Il devrait être en position d’améliorer la coordination entre les politiques économiques, financières, sociales et environnementales mondiales. Il devrait être un forum de délibération, avec pour objectif la contribution à la justice économique et sociale, la stabilité et la prospérité, sur la base de la Chartre de l’ONU. Ses tâches devraient être les suivantes :

• évaluer de façon continue l’état de l’économie mondiale et assurer la coordination macro-économique ;

• fournir un cadre stratégique à long terme pour le développement durable ;

• assurer la consistance entre les objectifs et les actions politiques des institutions économiques, sociales et environnementales internationales ;

• promouvoir des directives sur les priorités de l’ordre du jour mondial, surveillant leur suivi, et agissant comme organe de coordination en ce qui concerne les compromis entre les échanges, l’emploi et l’environnement.

Une fois par an, les chefs d’Etat et des gouvernements devraient se réunir avec les directeurs de toutes les agences internationales du développement durable.

 

1. Une politique pour un environnement sain

a) Un environnement sain est une base indispensable du développement durable et de l’amélioration du bien-être et de la qualité de vie dans toutes les parties du monde.

La protection des ressources naturelles et une gestion efficace et préventive des substances/matières et de l’énergie sont donc des tâches d’importance capitale dans le contexte des mesures politiques en faveur du développement durable.

Le Sommet de l’ONU à Rio en 1992 a augmenté la conscience mondiale en ce qui concerne l’importance de la politique internationale en matière d’environnement, en tant que condition fondamentale pour la réduction de la pauvreté et le développement économique et social.

Les signaux prometteurs de Rio ne se sont pas réalisés. Malgré des avancées importantes dans des domaines tels que la politique climatique, les problèmes environnementaux mondiaux se sont aggravés durant les dernières années. Il faut donc d’urgence renforcer les efforts vers des accords internationaux pour la protection des ressources naturelles.

b) Les pays industrialisés ont en particulier la responsabilité de changer leurs comportement de consommation et de production, et de trouver des solutions aux problèmes environnementaux de la planète. Ils sont responsables de la plupart de la consommation mondiale des ressources naturelles et des problèmes environnementaux qui s’ensuivent.

c) Mais les pays en développement ont également une responsabilité spécifique. La protection de l’environnement doit être un élément principal des stratégies de réduction de la pauvreté et de la promotion du développement économique afin de garantir le succès durable et à long terme de telles stratégies. Soutenir les Etats en développement dans leurs efforts constitue à cet égard une obligation pour les Etats développés.

d) Une politique environnementale mondiale est nécessaire à cause:

  • du nombre important des acteurs politiques, la contradiction de leurs intérêts et l’indifférence en ce qui concerne leur potentiel en matière d’action ;
  • de l’interdépendance écologique et économique croissante au delà des frontières nationales ;
  • du caractère irréversible possible des dégâts environnementaux.
  • La nature à long terme des effets sur le changement environnemental.

Les problèmes environnementaux mondiaux requièrent une politique qui n’allège pas la responsabilité des Etats mais qui ne leur en demande pas trop individuellement. La coopération internationale est nécessaire, pour coordonner les objectifs et fournir une machine appropriée et des conditions institutionnelles efficaces.

e) En tant que consommatrices et productrices, soutiens de leur famille et éducatrices, les femmes jouent un rôle important dans le développement d’habitudes de consommation viables et respectueuses de l’environnement, ainsi qu’au niveau des moyens de gérer les ressources naturelles. Les communautés nationales et internationales doivent tenir compte du rôle des femmes et de leur contribution à un environnement sain.

f) Les problèmes environnementaux mondiaux sont causés par la croissance de la population mondiale, la consommation croissante des biens et des services et un contrôle insuffisant de la pollution. En outre, une vision économique basée sur le court terme et la recherche du profit mènent – entre autres – à un dangereux gaspillage des ressources naturelles et une technologie qui n’est pas adaptée à l’environnement . Pour résoudre ces problèmes environnementaux mondiaux, une structure de base en matière de politique environnementale s’est développée, commençant par des médias écologiques individuels.

  • La façon la plus rigoureuse dont la politique environnementale mondiale a été réalisée est en relation avec la couche d’ozone dans la stratosphère. La Convention de Vienne de 1985 et le Protocole de Montréal en 1987 ont donné naissance à un régime écologique international dynamique a émergé et a conduit à un gel complet des chlorofluorocarbones (CFC) qui causent des dégâts.
  • Le problème environnemental qui est le plus largement discuté est le changement climatique. La réponse politique mondiale est la Convention cadre sur le changement climatique en 1992 et le Protocole de Kyoto en 1997 qui prévoit les réductions initiales en ce qui concerne les gaz à effet de serre. Ceci ne constitue que le début de la mise en œuvre de la politique climatique qui doit être intensifiée. La ratification du Protocole de Kyoto par toutes les parties reste un objectif central de l’IS. La Duma russe a une responsabilité particulière concernant la signature du Protocole de Kyoto. L’IS lui demande vivement de ratifier le protocole signé par le gouvernement russe.
  • La Convention de 1992 sur la diversité biologique représente un politique environnementale mondiale innovatrice.

g) La mise en œuvre pratique a commencé dans une certaine mesure avec le Protocole de Cartagena (2001), mais il doit encore être complémenté.

  • Une réglementation mondiale contre la perte quantitative et la détérioration des sols n’a pas encore été réalisée. Les divergences quant à savoir si c’est un problème écologique d’ordre mondial ou simplement un problème omniprésent localement ne devrait pas excuser l’absence d’un accord.
  • De nombreux produits industriels, substances chimiques et déchets sont soit peut dégradables ou ne peuvent pas être conservés durant de longues périodes. La Convention Bâle de 1989 contrôle le transport des déchets spéciaux à travers les frontières.

h) Le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) constitue un instrument financier important de la politique environnementale mondiale. La fonction du FEM est de protéger les biens environnementaux mondiaux : le climat, la couche d’ozone, les eaux internationales, la diversité biologique et ainsi que les sols dans les régions arides. Mais le budget du FEM n’est pas suffisant pour répondre à ses besoins.

i) La Commission pour le développement durable, (CDD), fondée en 1997 et assignée au Conseil économique et social des Nations Unies, constitue une étape importante dans le domaine de la politique environnementale mondiale. Ses 53 membres sont élus à partir d’une base régionale. Il faut accomplir plus de travaux dans le contexte de la Commission sur le développement durable afin d’atteindre une politique environnementale mondiale basée sur un concept politique cohérent. En se fondant sur ce processus, il faudrait créer dans le cadre des Nations Unies une organisation mondiale de l’environnement. Cette organisation surveillerait et contribuerait à mettre en œuvre les traités actuels et d’autres accords internationaux, en préparerait de nouveaux, élaborerait des principes et stratégies, et établirait des données crédibles. Des sanctions contre les auteurs et les conditions sous lesquelles ces sanctions seront applicables devraient être soumises à de nouvelles consultation et discussions.

 

1.1 Energie et Flux des matériels

a) Si l’on veut résoudre le défi climatique, il faut dans le monde entier soutenir les économies d’énergie, utiliser moins d’énergie non recyclable et plus d’énergie renouvelable. Pour empêcher que l’environnement ne soit irrémédiablement détruit du fait de la combustion d’énergies fossiles, la production d’énergie doit devenir plus propre et l’utilisation d’énergie plus efficace. L’énorme potentiel de l’augmentation de la productivité énergétique est l’une des grandes réponses au problème du climat.

b) La plupart des pays disposent pour la plupart d’un fort potentiel en matière de nouvelles sources d’énergie renouvelable ; ces sources comprennent le vent, les marées, des volumes importants de biomasse, des installations hydroélectriques à petite échelle, des pompes à chaleur, de l’énergie géothermique et l’énergie solaire, qui sont toutes prêtes à être exploitées pour la production d’énergie. Tous les pays devraient développer une stratégie pour exploiter les sources d’énergie renouvelable.

c) Des améliorations technologiques qui conduiront à la transformation de la production et des habitudes de consommation, surtout dans les pays industrialisés, sont nécessaires. La nouvelle technologie de ´pile à combustibleª et l’énergie solaire exploitée de manière sophistiquée sont essentielles à ce niveau. Les gouvernements à travers le monde doivent consacrer beaucoup plus de ressources qu’actuellement à la coopération avec les communautés scientifiques et des affaires, dans le but de promouvoir la mise en œuvre de ces nouvelles technologies énergétiques. Les pays en développement devraient aussi avoir accès à ces technologies.

d) La participation sur ‘un pied d’égalité’ lors des négociations internationales requiert une aide technique pour la définition de programmes relatifs aux négociations internationales sur l’environnement; des mesures d’aide pour mettre en œuvre le Protocole de Kyoto en conformité avec les lois nationales ; des programmes de formation dans le domaine de la protection de l’environnement ; et le transfert de technologies ‘vertes’ et de connaissances en matière de développement durable.

 

1.2 La politique en matière de climat, de Kyoto à New Delhi

a) Le réchauffement de la planète représente la plus grande menace pour l’environnement. Les pays pauvres souffrent le plus du réchauffement de la planète, du fait qu’ils sont frappés le plus durement par ses conséquences et parce qu’ils ne disposent ni de la technologie ni des ressources financières pour répondre à ce défi.

b) Les scientistes sont maintenant plus explicites que jamais auparavant : le climat est influencé par les activités humaines, lesquelles causent des changements climatiques.

c) En 1988, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM) ont fondé le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (IPCC), alors que les inquiétudes relatives aux changements climatiques prenaient un caractère politique. L’objectif de l’IPCC était d’évaluer l’état des connaissances sur les divers aspects des changements climatiques. En attendantl’IPCC est reconnue comme l’autorité scientifique et la spécialiste des changements climatiques la plus légitime, et ses analyses ont exercé une influence considérable sur les négociateurs de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (UNFCCC) et son Protocole de Kyoto.

d) En 2001 dans son troisième rapport d’estimationle Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat a conclu que les changements affectant le climat sont en réalité plus rapides qu’on ne le pensait auparavant et que la menace de catastrophes environnementales majeures liées au réchauffement climatique est bien plus réelle qu’on ne l’avait prévue. Alors que les preuves s’accumulent pour indiquer que nous sommes déjà peut-être témoins des premiers signes de changements climatiques à l’échelle mondiale, il devient encore plus urgent de communiquer ce problème aux dirigeants et au public dans son ensemble. La connaissance de ces questions complexes est une condition sine qua non de toute politique de progrès. L’Internationale Socialiste soutient donc tous les efforts d’intensification des recherches climatiques, tant au niveau domestique qu’international, et continuera à disséminer les résultats auprès des décideurs et auprès du public.

e) La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques constitue le fer de lance des efforts internationaux pour lutter contre le réchauffement de la planète. Elle fut conclue en 1992 à New York. Son principal objectif est la ´ stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatiqueª. L’organe suprême de la Convention est la Conférence des Parties (COP), qui comprend plus de 180 Etats ayant ratifié ou agréé cet accord.

f) Le 11 décembre 1997, lors de la Troisième conférence des parties à Kyoto (Japon), les ministres de 160 pays ont approuvés un Protocole de mise en œuvre de la Convention. Baptisé Protocole de Kyoto. Il contient des engagements individuels sur la limitation et la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les Parties. Ils vont d’une réduction de 8 pour cent pour la plupart des pays, à une augmentation de 10 pour cent pour quelques autres d’ici la période 2008-12, moyenne des calculs effectuée sur ces cinq ans. Le Protocole de Kyoto entrera en vigueur le quatre-vingt-dixième jour suivant la date à laquelle au moins 55 Parties appelées ´Pays de l’Annexe 1ª à la Convention qui comptait au total au moins 55 pour cent des émissions totales de CO2 en 1990, l’auront ratifié. A la date de septembre 2003, 117 Etats avaient ratifié le protocole. En conséquence, l’entrée en vigueur du protocole est prévue pour la fin de 2003. Il est regrettable que l’administration Bush ait annoncé que les Etats-Unis ne seront pas partie au Protocole de Kyoto.


1.3 Les déchets

a) Dans les années 1970 et au début des années 1980, des incidents sérieux se sont produits mettant en cause des déchets dangereux. Face à ceux-ci, la ‘Convention de Bâle sur le transport international des déchets dangereux et leur élimination’ a été adoptée en 1989. La principale réglementation de ce système est que le mouvement transfrontalier des déchets ne peut être réalisé que si un consentement écris a été obtenu par avance de la part du pays d’importation ou de transit.

b) Pour les pays en développement, en raison de leurs capacités administratives, financières et techniques, l’introduction de ce genre d’approche relative au consentement informé préalable, souvent ne fournit pas de protection contre les importations de déchets non souhaitées. En conséquence, la seconde conférence des parties au traité en 1994 a approuvé une interdiction complète sur l’exportation des déchets dangereux en provenance des pays industrialisés vers les pays en développement. Jusqu’à présent, cet accord n’a été ratifié que par quelques nations.

c) La Convention de Bâle est en général considéré comme un succès pour la politique environnementale internationale. Quelques problèmes doivent être résolus dans le domaine du commerce et de la manipulation des déchets dangereux, y compris :

  • l’importance croissante du commerce sud-sud ;
  • les mesures nécessaires en matière de transfert de technologie ;
  • la formulation et la mise en œuvre de définitions de responsabilité appropriées au problème.

L’objectif demeure la prévention constante des déchets et le développement d’un système de gestion des matières au niveau international.

En tant que consommatrices et productrices, soutiens de leur famille et éducatrices, les femmes jouent un rôle important pour éviter le gaspillage et encourager le développement durable.

 

1.4 Les produits chimiques

La politique environnementale mondiale sur l’élimination des produits chimiques dangereux s’est concentrée jusqu’à maintenant sur les chlorofluorocarbones et les substances organiques persistantes.

 

1.4.1 Chlorofluorocarbones

Le Protocole de Montréal, signé en 1987 et ratifié par maintenant plus de 180 gouvernements, prévoit une réduction de 50% de l’utilisation des chlorofluorocarbones (CFC) dans les pays industrialisés d’ici à 1998 par rapport aux chiffres de 1986, tandis qu’une période de transition de 10 ans était accordée aux pays en développement. Le Protocole de Montréal était le premier traité environnemental mondial à affirmer le principe de précaution : il pris des mesures avant même que les dégâts suspectés aient été prouvés. Ce n’est qu’après la négociation du traité qu’il a été démontré que le phénomène de destruction de la couche d’ozone observé au-dessus de l’Antarctique était vraiment causé par les CFC. Ceci a fait accélérer la demande en faveur d’un arrêt total de la production et de l’utilisation de produits chimiques nuisant à la couche d’ozone. Lors de conférences de suivi, le protocole a été élargi et renforcé. Le nombre de substances contrôlées, qui inclut également les composés du brome, est passé de 8 à plus de 80, et à partir de 1996, les plus importantes étaient retirées de la production dans les pays industrialisés. La couche d’ozone stratosphérique pourra donc être rétablie d’ici au milieu du siècle. Le Protocole de Montréal est le premier traité international ayant une priorité nord-sud, prévoyant des transferts de technologie dans un fonds multilatéral pour l’ozone afin de faciliter la mise en œuvre des accords dans les pays en développement.

 

1.4.2 Les substances organiques persistantes

a) Les polluants organiques persistants (POP) sont des produits chimiques toxiques dont le dégagement peut devenir un danger pour l’être humain et l’environnement à cause de leur propriété spécifiques. Ils sont très peu dégradables, ils s’accumulent dans les tissus et ont peuvent potentiellement se répandre sur de larges zones d’eau, de terre et d’air. A travers un processus répété d’évaporation et de condensation, il migrent vers les pôles, où du fait de leur concentration élevée, ils mettent en danger la population humaine locale.

b) Les polluants organiques persistants sont utilisé dans les domaines de l’agriculture et de l’industrie sous forme de pesticides. Bien que la production et l’utilisation de beaucoup de ces produits chimiques sont déjà interdites ou réglementés de manière extensive, dans les pays industrialisés, ils sont toujours utilisé dans les pays en développement et ceux en transition, où de larges stocks de vieux pesticides amassés sont en train de devenir un problème.

c) La grande variété de produits chimiques nocifs, leur utilisation et les dégâts qu’ils causent loin de l’endroit où ils ont été utilisés, indique la dimension globale du problème. Plusieurs tentatives internationales ont été effectuées pour faire face à ce problème mondial au travers de réglementations, par exemple dans le domaine du commerce international, de la politique environnementale maritime et la politique en faveur d’un air propre. Ces efforts, stimulés dans l’Agenda 21, ont mené aux négociations d’un traité, organisées par le Programme pour l’environnement des Nations Unies, sur une politique mondiale en matière de produits chimiques, qui se sont conclues en 2001 avec l’Accord de Stockholm sur les polluants organiques persistants, qui constituera une réglementation obligatoire en matière de droit international. Le cœur de l’Accord de Stockholm est constitué par un article sur l’interdiction et la limitation de 12 POP particulièrement dangereux, ‘la sale douzaine’. Avec l’exception des DDT, qui sont toujours utilisés par quelques pays en développement pour combattre la malaria, il a été décidé de soit cesser la production ou de restreindre l’utilisation des 12 autres groupes de substances.

d) Comme de nouveaux POP, qui ont le potentiel d’être hautement dangereux, sont constamment développés, la procédure de test prescrite dans l’Accord de Stockholm acquiert une fonction clé en terme de politique environnementale ; c’est la raison pour laquelle le principe préventif y a été incorporé. Cet élément dynamique constitue un élément essentiel de la politique environnementale.

 

1.5 La biodiversité

a) La Convention sur la diversité biologique (CDB) a été approuvée à Rio de Janeiro en 1992 et a depuis été signée par 181 Etats et par l’Union européenne. L’accord n’a pas encore été ratifié par les USA. Cette convention est entrée en force à la fin de l’année 1993.

b) La Convention sur la diversité biologique est considérée comme l’accord international principal pour la protection de la biosphère. Elle est l’expression d’un changement de paradigme dans la protection de la nature et des espèces, qui se produit depuis le milieu des années 1980, s’éloignant de la séparation entre la protection et de l’exploitation, et vers l’intégration des deux intérêts. Trois mesures caractérisent le caractère large de la CDB :

  • la préservation de la diversité biologique ;
  • l’utilisation durable de ses composantes ;
  • le partage équilibré des bénéfices découlant de cette utilisation.

c) La complexité de la biodiversité en tant qu’objet de protection montre clairement que la Convention sur la diversité biologique contient plusieurs objectifs :

  • la promotion de ‘l’inventaire’ de la diversité biologique ;
  • la prise en compte de la diversité biologique dans les secteurs variés de l’exploitation tels que l’agriculture, les pêcheries ou le tourisme ;
  • la conservation de régions particulièrement sensibles telles que les régions arides et montagneuses ;
  • les fonctions socio-économiques et légales telles que l’arrangement du partage des bénéfices dans l’exploitation des ressources génétiques dans la recherche pharmaceutique et le développement.

 

1.6 L’eau

a) L’eau est fondamentale pour tous. Une eau de qualité doit être disponible pour tous les habitants de la planète, à des prix accessibles. Cet objectif est loin d’être atteint, mais des progrès ont été faits et il existe plus de rapports et de forums mondiaux à ce sujet.

b) Tout doit être fait pour accélérer les progrès dans ce domaine.

c) Lorsque des services de distribution d’eau existent, ils doivent être étroitement contrôlés et réglementés par des autorités publiques, et la participation des utilisateurs devrait être envisagée. Toute délégation des services publics au secteur privé doit être strictement réglementée quant à sa durée et quant aux montants financiers en jeu.

d) Lorsque de l’eau potable n’est pas disponible en quantité suffisante, la communauté internationale doit être mobilisée afin d’atteindre cet objectif. L’IS propose, entre autres choses, de créer un ´ Fonds mondial de l’eau ª financé par des revenus tirés d’une taxe mondiale. Ce fonds, géré au sein du care des Nations Unies, doit soutenir toutes les initiatives publiques, privées ou organisationnelles qui cherchent à atteindre les Objectifs de développement du millénaire en matière d’eau, qui ont été réitérés à Johannesburg et Kyoto.

e) La conservation de l’eau et son utilisation efficace, notamment dans l’industrie et dans l’irrigation, est une responsabilité mondiale. La technologie nécessaire doit être accessible, surtout pour des régions comme l’Afrique et le Moyen-Orient, qui souffrent d’un manque d’eau chronique.

f) L’accès inadéquat à des ressources en eau, qui peut représenter un obstacle pour la survie même de la population dans certaines régions du monde, représente une menace majeure pour la sécurité internationale. L’utilisation libre de l’eau est essentielle pour établir la paix entre des territoires interdépendants en matière de ressources naturelles. L’Internationale Socialiste lance un appel pour que les Nations Unies créent une mission spéciale chargée de traiter les différends connus entre différents Etats à ce niveau.

 

1.7 Les sols

a) La ‘Convention des Nations Unies pour combattre la Désertification dans les pays ayant de sérieux problèmes de sécheresse et/ou de désertification, particulièrement en Afrique’ (CNUCD) a pour objectif la conservation des sols dans les zones arides et la lutte contre la pauvreté. Elle prend racine dans les années 1970, quand l’Afrique souffraient de sécheresse dévastatrices et lorsque le sujet de la désertification attirait l’attention mondiale. Avec le processus de Rio et l’inclusion de la désertification comme un des thèmes de l’Agenda 21, le problème de la dégradation dans les régions arides est devenu une priorité internationale.

b) Les négociations de la convention pour combattre la désertification ont été conclues sous la pression des pays en développement. La CNUCD est entrée en vigueur en 1996. Jusqu’à présent, 190 pays ont ratifié la convention. Parmi les trois conventions de Rio, la CNUCD est la plus significative en termes de politique de développement. Les principaux points conceptuels sont la réduction de la pauvreté et la participation active de la société civile dans la lutte contre la désertification. Une fois que des mesures seront approuvées, elles seront mis en œuvre par des programmes étatiques d’action.

 

2. Le progrès économique au sein d’un ordre économique mondial

a) La mondialisation a considérablement ébranlé la capacité des Etats à diriger leurs économies nationales en accord avec des buts économiques, sociaux et politiques donnés, plein emploi, croissance ou impôt redistributif. Afin de renverser cette tendance, une coopération et coordination internationales plus importantes sont indispensables. Ceci est vrai non seulement pour les pays membres de l’OCDE mais également dans le cadre de rapports économiques Nord/Sud et Sud/Sud. L’ONU et les autres organisation internationales, tels le FMI, l’OMC et l’OMT, auront à jouer un rôle important dans ce processus, mais aussi les organisations régionales, tels l’UE, l’ASEAN ou le Mercosur.

b) Le déclin des capacités de l’Etat à diriger l’économie s’est opéré parallèlement à de nouvelles défis pour l’Etat providence européen traditionnel. La mondialisation, les développements technologiques et les changements structurels dans l’économie mondiale ont – du moins partiellement – modifié la base économique et sociale de l’Etat providence du 20ème siècle. Les principes sur lesquels l’Etat providence est basé, n’ont pas changé. Les mécanismes de l’Etat-providence sont la régulation, la redistribution et les biens publics. Ils doivent maintenant devenir la base d’un ordre économique mondial d’une protection orientée sur le bien être des plus pauvres d’une manière compatible avec les primes en faveur de l’initiative privée et de la croissance économique, d’une distribution orientée vers le bien-être et des biens public mondiaux. La concurrence croissante entre les Etats et les régions en ce qui concerne les investissements, les paradis fiscaux et les nouvelles formes du commerce international et des opérations financières, ont affaibli la capacité des Etats à financer des systèmes d’aide sociale.

c) Il est nécessaire d’examiner les questions telles que la coordination internationale des politiques économiques et financières, les ‘règles’ de l’économie internationale, les standards sociaux et environnementaux dans le domaine du commerce, les rôles des institutions financières internationales (IFI) et des organisations internationales, la relation entre le commerce et le développement, et les questions d’une nouvelle architecture financière internationale. Il faut également étudier les questions telles que la compétition entre Etats, les régions et les sous-régions, la coordination internationale des politiques d’impôt et les standards de travail minimums, le problème d’une dégradation progressive des conditions de travail, les réformes de l’aide sociale et les nouveaux instruments de la politique sociale.

d) La mondialisation ne peut pas être simplement comprise comme une continuation de l’internationalisation et de la croissance de l’interdépendance de l’économie mondiale, processus familier qui est déjà vieux de plusieurs siècles. De nos jours, la mondialisation est déjà, du fait de la quantité de commerce transfrontalier, du mouvement des capitaux et des autres mouvements factoriels, qualitativement différente de l’ancienne internationalisation. Les nouveaux éléments provoqués par le développement des technologies en général, et les technologies de l’information en particulier, sont encore plus importants. Les transactions en matière de capital et de savoir sont possibles en temps réel.

e) Les marchés pour les services de matière primaires, les capitaux et le travail sont globalement interdépendants. Comme les frontières et les protections respectives des marchés sont en train de disparaître, il est nécessaire d’atteindre ces objectifs de protection et d’équilibre orientés vers le bien-être par l’intermédiaire de réglementations mondiales. Ces réglementations peuvent être différentes d’une région à une autre selon le niveau de leur développement économique. Une attention spéciale doit être accordée aux biens publics qui ne peuvent pas être uniquement distribués selon les lois de l’économie de marché.

f) Les économistes débattent sur le fait de savoir si une ‘nouvelle économie’ qui remet en question les anciennes vérités économiques, existe bien. Tandis que les éléments de base de l’économie politique n’ont pas changé, le développement des technologies de l’information ont cependant entraîné de nombreux défis. Ce n’est qu’en donnant des réponses consistantes – et en tenant comptes de celles-ci – aux nombreuses préoccupations et peurs que les peuples ont au sujet de la mondialisation, que les citoyens peuvent être convaincus que la mondialisation n’est, en elle-même, ni bonne ni mauvaise. C’est le résultat de la croissance continue du savoir humain qui doit être exploité afin de s’assurer que les bénéfices de la coopération économique, du commerce et des investissements étrangers, soient distribués d’une façon équitable qui bénéficiera également aux groupes et pays les moins avantagés.

g) La gouvernance de la mondialisation doit être gérée de façon à respecter et améliorer la diversité environnementale, économique, sociale et culturelle locale, sous-régionale, régionale et nationale.

 

2.1 Mondialisation et commerce

a) L’Organisation mondiale du commerce, permet de traiter les conflits commerciaux par des procédures objectives qui nous préservent de l’unilatéralisme. Le système de règlement des différends permet, par une voie multilatérale, d’organiser la contrainte juridictionnelle. La régulation introduite par l’OMC va dans l’intérêt même de l’essor du commerce international. Toutefois, ce système, s’il constitue une base, demeure largement incomplet et insatisfaisant.

b) Les bénéfices provenant du volume croissant du commerce sont distribués de façon inégale. De larges parties du monde en développement restent économiquement marginalisées et ne sont pas parvenues à s’intégrer dans les marchés mondiaux. Comment interrompre cette tendance et assurer que le commerce international contribue à l’éradication de la pauvreté reste un des principaux défis en ce qui concerne les prises de décisions politiques mondiales. L’OMC n’a pas encore trouvé une réponse adéquate à ce défi. Des politiques améliorant la capacité des pays en développement à participer sur un pied plus égal au système commercial multilatéral est requis. Ces politiques doivent être ancrées dans des stratégies cohérentes et détaillées de réduction de la pauvreté spécifiques à chaque pays, avec les questions commerciales comme élément essentiel.

c) Les négociations et les procédures au sein de l’OMC doivent être rendues plus transparentes et plus ouvertes au dialogue politique et à la participation de tous les acteurs pertinents. Les méthodes de travail de l’OMC, y compris ses procédures de vote, doivent être sérieusement remaniées, afin de faciliter la négociation d’accords.

d) La capacité des délégations des pays en développement à participer de façon significative au processus de l’OMC doit être renforcée – à travers des programmes de coopération technique et d’augmentation de leur capacité. Les programmes respectifs convenus à Doha devraient être mis en œuvre et le financement du secrétariat de l’OMC pour de tel programmes devrait être augmenté.

e) Au niveau des pays membres, l’information, la consultation et la participation des parlements dans le processus de négociation en cours, doivent être améliorées. En février 2003, la première réunion des parlementaires des Etats membres de l’OMC s’est déroulée en Genève. De telles réunions devraient se dérouler de façon continue et être institutionnalisées.

f) En ce qui concerne le rôle de la société civile, il faudrait offrir aux syndicats, aux entreprises et aux ONG un processus consultatif formel pour assurer qu’ils puissent présenter leurs vues et présenter de vive voix leurs préoccupations aux organes de l’OMC.

 

2.1.1 Le cycle actuel de l’OMC après Cancun

a) L’actuelle série de négociations devrait pouvoir être appelée à bon droit un Cycle du développement. Comme l’OMC et le système commercial multilatéral sont les meilleurs moyens d’obtenir un système équitable et équilibré pour le commerce international, il est regrettable que la 5e conférence ministérielle de l’OMC à Cancun ne soit pas parvenue à trouver un accord sur la progression de l’ordre du jour de Doha. Quoi qu’il en soit, la conférence a été utile car elle a identifié les concessions et a lancé un nouveau processus de négociations mettant en eu de nouveaux acteurs organisés tels que le G21.

b) Il faut maintenant tout faire pour rétablir la confiance nécessaire pour remettre en route la série de négociations de développement de Doha et pour réaliser des progrès sur les questions qui ont mené à l’échec de Cancun. L’obstacle le plus important se trouve dans le domaine de l’agriculture. Les intérêts légitimes des pays en développement à obtenir, pour leurs produits agricoles, un meilleur accès au marché et supprimer le système commercial faussé des subventions. Il est tout à fait légitime que les pays développés formulent leurs exigences, mais ils doivent être conscients du fait que les questions de Singapour – investissement, concurrence, approvisionnement gouvernemental et facilitation commerciale – doivent être remises à plus tard afin de faciliter le processus de négociation mondial.

c) L’IS réaffirme ses inquiétudes concernant la question des échanges en matière de services (GATS), pour lesquels la prochaine phase de libéralisation est en cours, car elle a le potentiel d’avoir une incidence sur la provision de services publics vitaux.

d) Il n’existe pas d’alternative à la réforme fondamentale des marchés de l’agriculture, y compris le coton. Les politiques agricoles des pays développés – associant des subventions à l’exportation élevées avec les mesure rigides en matière de protection des marchés – sont un obstacle important à un système commercial mondial juste et équilibré. Pour transformer la série de négociations actuelle de l’OMC en un véritable cycle pour le développement, des progrès dans le domaine agricole sont cruciaux.

e) Une participation accrue des pays en développement au commerce mondial dans le domaine des services – un objectif convenu à Doha – devrait être bien accueillie. En vue de cet objectif, les négociations actuelles sur le GATS sont l’objet d’une grande préoccupation. Tandis que les pays industrialisés et quelques grands pays en développement ont présenté une longue liste de ‘requêtes’, demandant aux autres pays d’ouvrir une large gamme de marchés de services, les pays les moins avancés n’en ont pas encore présenté. Ceci n’est qu’un des indicateurs montrant que la libéralisation du commerce dans le domaine des services a principalement servi les compagnies et fournisseurs des parties du monde les plus développées. Et cela renforce la vue selon laquelle les bénéfices de l’OMC sont distribués de façon inéquitable. Dans ce contexte, les pays développés devraient s’abstenir de toute pression directe ou indirecte en ce qui concerne une augmentation de la libéralisation dans le domaine des services. En outre, l’ordre du jour de la libéralisation du GATS ne devrait pas avoir un impact négatif sur la fourniture de services publics vitaux – tels que l’éducations, la santé et les services publics essentiels. L’Etat doit mettre en œuvre ses fonctions pour garantir un niveau minimum de prestation de service.

f) L’ouverture des marchés du travail est l’une des questions les plus sensibles sur l’ordre du jour politique mondial. En ce qui concerne le ‘Mode 4’ dans le GATS – le mouvement transfrontalier temporaire des personnes naturelles – des étapes supplémentaires en matière de libéralisation devraient prendre en considération les thèmes suivants : protection des travailleurs migrants contre toute forme de discrimination ; observation des normes internationales du travail et du droit national du travail, et respect des accords collectifs existants couvrant les secteurs concernés. De plus, les politiques internationales et nationales en matière de migration de la main d’œuvre devraient être élaborées afin que les effets négatifs de l’émigration soient minimisés. Il faut empêcher la fuite des cerveaux, et la pénurie d’enseignants qualifiés, d’infirmières et de docteurs ne doit pas être renforcée par des programmes de recrutement internationaux agressifs.

g) La clé du succès de Doha était le compromis obtenu entre les pays développés et les pays en développement sur la dispute concernant les droits de la propriété intellectuelle (TRIPS) et l’obtention obligatoire de licence pour des drogues nécessaires en cas d’urgence. Bien qu’il soit regrettable que la mise en œuvre de cet accord ait été retardée, la percée récemment obtenue à ce niveau va dans la bonne direction et doit être utilisée au profit des personnes dans le besoin.

 

2.1.2 Les défis à long terme pour l’OMC

a) Les négociations dans les domaines de l’agriculture et des services ne sont pas suffisantes pour constituer l’agenda de la prochaine série de négociations, qui devrait être large et complet. La communauté internationale doit faire preuve de prévoyance et de courage pour résoudre également les questions plus difficiles relatives d’une part au commerce et, d’autre part, le besoin d’aborder les préoccupations relatives à l’environnement, aux standards fondamentaux en matière de travail et à la préservations des cultures nationales. Les règles et les indications en ce qui concerne les investissements doivent également être développées, prenant en compte ces préoccupations. Enfin et surtout, la politique de l’OMC doit être plus sensible vis à vis des sexes et doit répondre aux impacts des politiques commerciales, qui diffèrent selon les sexe.

b) L’OMC ne peut pas être et ne devrait pas tenter d’être l’organisation internationale qui règle les questions environnementales, sociales, culturelles ou celles en matière de travail. Cependant, comme les politiques commerciales ont un impact direct sur ces domaines, une division claire des responsabilités de l’OMC et des organisations internationales qui sont compétentes pour traiter ces questions est nécessaire. La coopération entre l’OMC et ces institutions doit être intensifiée, la coopération entre l’OIT et l’OMC pouvant servir de modèle. Nous devons mettre en place un mécanisme global cohérent, au sein duquel les questions commerciales et autres pourront être traitées de manière équilibrée et où ces questions sociales, environnementales et culturelles ne pourront pas entraîner des conflits commerciaux perturbateurs et qui créent des divisions, ni constituer de nouveaux obstacles non justifiés qui limiteraient l’accès des pays en développement aux marchés des pays développés.

c) L’OMC n’est cependant pas la seule organisation – et pas nécessairement la plus efficace – capable de prendre en charge toutes les questions commerciales ou relatives au commerce. Pour développer les capacités commerciales, il faut renforcer et améliorer la coopération entre la Banque mondiale et les autres institutions de développement international et les pays donateurs. Dans ce contexte, le Cadre intégré révisé constitue une bonne plate-forme.

d) Un régime d’investissements multilatéral – facilité par l’OMC – a le potentiel d’assurer de meilleurs pratiques en matière d’investissement, si – et c’est une stipulation essentielle – il est conçu de façon à aborder à la fois les droits et les obligations des investisseurs. Aujourd’hui, le régime international sur les investissements consiste en de nombreux accords bilatéraux régionaux dont le but est d’assurer les droits et les intérêts des investisseurs internationaux. Il manque cependant au statu quo  les réglementations qui abordent de façon adéquate les responsabilités sociales et environnementales des investisseurs internationaux. Etant donné la croissance rapide des zones de traitement des exportations et le vide juridique que cette pratique a créé dans le domaine des standards sociaux et environnementaux, l’insuffisance du régime existant en matière d’investissements est trop évidente et sujet de grande préoccupation. Un régime des investissements multilatéraux détient le potentiel pour assurer de meilleures pratiques en matière d’investissement. Dans ce contexte, il est regrettable que les propositions sur les investissements présentées à l’OMC n’ait pas répondu à de telles considérations.

e) La relation entre les accords environnementaux multilatéraux et la politique commerciale doit être clarifiée. La clé de cette relation est la question de l’ordre hiérarchique dans lequel on traite des accords environnementaux et commerciaux. En équilibrant les préoccupations de la croissance économique et du développement d’un côté et d’un autre côté les préoccupations concernant l’environnement mondial, les différentes parties prenantes et les organisations devraient travailler ensemble et élaborer des propositions concrètes sur la définition d’une relation.

f) Il est de plus en plus reconnu que les politiques commerciales ont un impact différent sur les genres et que les inégalités sexuelles ont une incidence sur les performances commerciales. Des études récentes, se centrant sur la relation entre le commerce, le genre et la pauvreté montrent que  les hommes et les femmes sont touchés différemment par les politiques commerciales et la performance, en raison de leur location et maîtrise des ressources au sein de l’économie ; que les inégalité sexuelles ont un impact différent sur les résultats des politiques commerciales selon le type d’économie et le secteur et que la conséquence est que la libéralisation commerciale peut ne pas produire les résultats escomptés ; et enfin que les analyses sur le genre sont essentielles à la formulation de politiques commerciales qui améliorent plutôt que n’entravent l’égalité des sexes et le développement humain.

g) Malgré ces conclusions, les thèmes relatifs au genre ne sont pas encore considérés comme un facteur important dans l’OMC. L’IS lance donc un appel pour que toutes les institutions œuvrant dans la conception des politiques commerciales s’engagent sérieusement à concevoir des politiques commerciales sensibles aux genres. Une réforme de ces institutions est également nécessaire afin que les voix des femmes soient entendues et pour que les femmes soient présentes en leur sein.

 

2.2 Mondialisation et marchés financiers

a) Le processus de mondialisation influence les marchés financiers – pour façonner ces marchés, il faut réformer les institutions de Bretton Woods, les banques ainsi que la taxation mondiale afin de financer les biens publics mondiaux et le développement mondial.

b) L’économie mondiale de plus en plus intégrée, avec ses sociétés et ses réseaux commerciaux internationalement intégrés, ses institutions et marchés financiers mondiaux et son capital mondialement organisé, concurrence sérieusement les Etats traditionnels dans la régulation des marchés, la redistribution des richesses et la protection des sections les plus pauvres et les plus vulnérables de la société. Il n’est ni possible ni désirable d’essayer d’arrêter le processus du progrès technologique et d’intégration qui est le moteur de la mondialisation. Et pourtant, il existe un besoin urgent de renforcer le rôle de la politique publique démocratiquement légitime d’équilibrer le rôle du capital et de créer une économie mondiale plus équitable et plus inclusive.

c) La base actuelle de la politique économique mondiale est le ´ Consensus de Washington ª du G7 et des IFI. Les principes de cette approche appliquent la rigueur fiscale, des contrôles monétaires stricts, l’ouverture des marchés, la privatisation et un petit gouvernement. Il a été prouvé qu’une mise en œuvre étriquée de ces conditions peut en fait aggraver l’économie des pays en développement car ces conditions ne prennent pas en considération les circonstances économiques objectives touchant une nation , le niveau de son développement économique et le besoin en matière d’investissement dans les domaines générateurs de croissance, comme les infrastructures, l’éducation et la formation, la création d’emplois, les conditions sanitaires et sociales, et les obstructions externes comme l’accès restreint au marché pour les exportations, le dumping et dans certains cas des restrictions onéreuses à la propriété intellectuelle. Malheureusement, les pays en développement sont souvent obligés d’accepter bon nombre de ces contrôles ou être prêts à perdre le soutien des IFI.

Le ´ Consensus de Washington ª est l’idéologie néo-libérale exprimée sous la forme de la politique économique. Il devrait être rejeté en faveur de politiques qui :

  • se focalisent sur la fourniture d’un soutien qui stimulera la croissance à travers l’investissement dans les infrastructures, le développement des industries et des services, l’éducation, la formation et la création d’emplois destinés à augmenter la totalité de la demande dans l’économie ;
  • mettent en œuvre des politiques macroéconomiques solides et sensibles au besoin de construction et de renforcement des structures institutionnelles et des besoins sociaux d’un pays ;
  • mettent en œuvre le renforcement des capacités dans les pays en développement et des niveaux de développement des industries et des services qui peuvent assurer une libéralisation du marché par étapes et qui augmenteront sa compétitivité ;
  • reconnaissent que la bonne gouvernance, tout en étant une condition essentielle du développement, sera obtenue de façon plus durable si elle va de paire avec le renforcement des conditions sociales et économiques ;
  • reconnaissent que les politiques fiscales et monétaires sont des outils aidant à stabiliser les économies et stimuler la croissance.

Les IFI doivent maintenir une approche flexible face à des circonstances économiques changeantes, et reconnaître que leur mandat original était de stabiliser l’économie mondiale et d’éviter la récession. Leur rôle dans les circonstances présentes est également d’éradiquer la pauvreté et de faire équipe avec le développement économique équitable.

 

2.2.1 Réformer les institutions de Bretton Woods

a) Les institutions de Bretton Woods sont des instruments de la politique publique au niveau mondial. Elles ont le potentiel d’aider énormément à faire avancer la gonne gouvernance et le développement durable au niveau mondial. Les marchés mondiaux requièrent une régulation et une gouvernance mondiales. La gouvernance doit cependant être perçue comme étant basée sur des mécanismes démocratiques et comme étant légitime. Aujourd’hui, malgré certains progrès durant les dernières années, ni le FMI ni la Banque mondiale se sont perçues comme ayant cette sorte de légitimité. Ils sont considérés comme étant – et ils le sont souvent en fait – les outils du G7 et de la communauté financière internationale plutôt que comme les instruments d’une gouvernance véritablement démocratique et mondiale. C’est parce que les gouvernements des grands actionnaires veulent que ce soit ainsi, tout en blâmant souvent le personnel de ces institutions des résultats. Cette situation doit changer et ces institutions, au sein du cadre général d’un système des Nations Unies réformé, doivent devenir des instruments effectifs d’une réforme globale.

b) Il est donc nécessaire de:

  • réformer le Fonds monétaire international et la Banque mondiale avec la modification des quotas pour une meilleure représentation des pays en développement, et un renforcement du rôle de veille de ces institutions pour anticiper les crises financières ;
  • adopter de nouvelles règles prudentes pour assurer une meilleure régulation des fonds spéculatifs et, dans le cadre de l’ONU, lever le secret bancaire dans les paradis fiscaux et les centres off-shore pour mieux lutter contre le blanchiment de l’argent sale. Pour atteindre cet objectif, une meilleure utilisation du G20 et du GAFI est indispensable. Une autorité financière devrait être créée et liée au Conseil des Nations Unies pour le développement durable que nous avons proposé.

c) La planète a été le témoin d’une longue chaîne de crises que les Institutions financières internationales ont été incapables d’empêcher et même, comme certains le soutiennent, les ont parfois aggravé. Cette fois-ci, ce n’est pas seulement les capacités et les recettes des Institutions financières internationales en matière de gestion des crises qui sont en doute. Le ‘Consensus de Washington’ sur l’ajustement structurel lui-même, est le problème. Avec l’Argentine, un cas exemplaire de l’application des recettes des IFI a échoué. Le pays a suivi le model de Washington d’aussi près qu’il lui était possible dans le monde réel de l’élaboration des politiques. Le pays a libéralisé ses marchés financiers, éliminé les barrières commerciales, privatisé les biens publics, rendu flexibles les marchés du travail, associé sa monnaie au dollar et a poursuivi une austérité monétaire et fiscale au milieu d’un effondrement économique profond proche de la dépression. Tout ceci a cependant été fait dans le contexte d’un régime de droite, populiste et corrompu, le FMI n’étant pas parvenu à mettre en garde contre l’inégalité et une structure sociale non viable.

d) Il est évident que l’Argentine n’est pas la seule victime de ce genre de politique. La différence est que cette fois, l’une des économies les plus avancées du Sud – avec l’active collaboration de sa propre classe politique – s’est écroulée. Lors de la dernière décennie, la Banque mondiale et le FMI ont accordé à 36 pays pauvres 10 prêts ou plus, chacun attaché de conditions. Le taux de croissance du revenu par personnes d’un membre typique de ce groupe pendant les deux dernières décennies a été de zéro. Même s’il l’on prend en compte les profondes situations de crises dans lesquelles étaient ces pays, il est clair qu’il manque quelque chose

e) La question fondamentale n’est donc pas de savoir comment les IFI devraient réformer leurs structures et leurs procédures, comme l’ont souvent revendiqué des observateurs critiques et des pays membres. La question fondamentale est la suivante : le FMI et d’une certaine façon la Banque mondiale changeront-ils leur modèle de développement politique économique et social ? Avant tout, la première tâche dans la réforme du FMI est de rompre avec les dogmatismes néo-libéraux de ses programmes déflationnistes et d’ouvertures de marché, qui aggravent souvent les crises, n’accordent pas assez d’attention aux sources fondamentales de la croissance économique et ne servent trop souvent que les intérêts à court terme des banques et pays prêteurs.

f) Il faut radicalement augmenter la transparence du processus de décision du FMI, à tous les niveaux et pour les différentes sections : pays membres, parlements, sociétés civiles, pays emprunteurs et opinion publique. Jusqu’à présent, le FMI est l’une des institutions internationales les moins transparentes.

Il faut augmenter de façon spectaculaire la participation. Ceci s’applique une fois de plus aux pays emprunteurs et aux pays actionnaires. Ceci aurait pour résultat de démocratiser profondément les structures de gouvernance du fonds. Finalement, le Fonds travaille avec l’argent des contribuables, qui n’en provient pas moins des pays du monde les plus pauvres. Une participation démocratique additionnelle par les parlements et la société civile est nécessaire.

Le Fonds – dès qu’il se concentrera sur les ‘principales compétences’ pour lesquelles il a été créé – devrait être réduit de façon drastique afin de réduire les coûts d’exploitation et limiter la tendance ‘naturelle’ des bureaucraties ayant un personnel en surnombre, à ‘élargir la mission’ institutionnelle.

Il faut réarranger la distribution des droits de vote, en donnant, entre autres, plus de poids aux économies émergentes.

g) La plupart de la critique faite à l’encontre du FMI s’applique également à la Banque mondiale. Mais tandis que le FMI a dans l’ensemble maintenu son intransigeance idéologique, la Banque mondiale a durant les dix dernières années subi un processus de réorientation structurelle et rhétorique. En particulier au niveau du discours, la Banque mondiale a réagi face aux critiques et a ouvert une liste pour les pays en développement et les ONG qui avaient depuis longtemps des revendications. Les critiques soutiennent que ce type de ‘dynamisme’ en faveur des ONG et des idées de réforme politique et théorique, est allé trop loin et a décentré la banque par rapport à ses occupations principales. Tandis que ceci est du moins discutable, le fait demeure que la plupart de ces changements – comme l’introduction d’estimations obligatoires sur les effets sociaux et environnementaux – ne s’applique qu’au financement de projets. Cependant, le principal élément (croissant) du portefeuille d’endettement de la Banque est le prêt de rajustement structurel. Et ici, ni la participation, ni la transparence ni des considérations économiques ne prévalent, car l’analyse de l’impact social des programmes d’ajustements dans certains pays pilotes n’existe que depuis 2001.

h) La Banque accepte toujours de facto une prééminence du FMI dans la définition des Programmes de rajustement structurel et les conditionnalités qui leur sont attachées. La révélation d’informations est toujours inadéquate : la Banque mondiale et le FMI ne communiquent pas les programmes d’ajustement structurel tant qu’ils ne sont pas approuvés par le conseil des directeurs exécutifs.

i) Les réformes de la Banque mondiale devraient approfondir les réformes entreprises durant les dernières années, mais en leur donnant plus de substance et en réduisant leur ‘maquillage’ caractéristique, orienté vers le public politique occidental et les ONG en Europe et en Amérique du Nord.

j) Les réformes de la Banque mondiale devraient inclure:

  • La re-formulation du concept fondamental du développement, en le libérant au moins de l’orthodoxie néo-libérale du marché et du paradigme de la croissance déterminée par l’exportation – qui fonctionne pour certains pays mais pas tous.
  • L’acceptation de la pertinence du développement humain et de la viabilité.
  • La participation améliorée des pays receveurs dans la prise de décision de la Banque, en particulier les pays à revenu moyen qui financent au moyen de taux d’intérêts sur les crédits, les fonds d’exploitation de la Banque et donc un des principaux instruments de l’hégémonie des pays du G7 dans le système international – le problème très spécifique  du ‘Free ride’.
  • Une ’appropriation’ améliorée des pays créanciers en matière de programmes d’ajustement structurel et de leurs contenus ; les crédits devraient être proposés en fonction de conditions essentielles uniquement, en définissant des objectifs, et non pas les moyens, comme la bonne gouvernance, y compris les droits de la personne.

k) Tout ensemble de réforme doit inclure une transparence améliorée, une responsabilité et une rentabilité. Une grande part d’ajustement structurel peut et devrait être réalisée à l’intérieur même des organisations de Bretton Woods.

 

2.2.2 Réformer les banques régionales

a) Les banques de développement régional comme l’IDB en Amérique latine, la Banque de développement africain en Afrique et la Banque de développement asiatique en Asie, ainsi que l’EBRD pour l’Europe de l’est et des organismes tels que la Banque de développement islamique et le Fonds arabe au Moyen-Orient et en Afrique du Nord sont considérées comme plus proches et, dans certains cas, plus ‘légitimes’ par leurs clients régionaux que les institutions mondiales qui sont considérées comme des instruments du G7. Il s’agit d’un avantage qui devrait permettre à ces institutions de travailler plus efficacement pour encourager la coopération régionale et l’intégration régionale.

b) Malgré cet avantage, qui existe déjà, il reste important de réformer la gouvernance, les parts de propriété et les politiques des banques régionales, dans le même sens que ce que l’on propose pour le FMI et pour la Banque mondiale : plus grande transparence, plus grand poids pour les pays clients et politiques qui complètent les mesures de stabilisation et d’efficacité par un accent suffisant sur l’équité, l’amélioration de la distribution des revenus et la bonne gouvernance.

c) En ce qui concerne la suppression de la duplication, l’objectif devrait être d’obtenir une efficacité globale du système international, mais sans oublier qu’un certain degré de concurrence et de choix est utile au sein du développement international. Dans ce sens, il n’est pas forcément mauvais que les banques régionales fassent certaines choses que font aussi les institutions mondiales.

 

2.2.3 Une fiscalité mondiale pour financer les Biens publics mondiaux et le développement mondial

a) Une nouvelle infrastructure financière internationale et un régime fiscal international seront nécessaires pour augmenter l’aide au développement, financer les services publics mondiaux et réguler l’économie globalisée. A ces fins, l’introduction d’un régime fiscal serait légitime.

b) Une fois que les ressources nouvelles nécessaires ont été collectées dont l'objectif financier doit être à peu près de l'ordre du doublement de l'aide publique au développement, elles doivent être utilisées pour la poursuite des objectifs dégagés lors des récents sommets internationaux, et pour la régulation de la mondialisation libérale.

c) Les objectifs poursuivis doivent être le financement du développement et des biens publics et mondiaux. Concrètement, ceci suppose que l'on établisse une liste de "biens essentiels", pour reprendre l'expression de l'économiste Amartya Sen, qui doivent faire l'objet au niveau international d'un effort spécifique pour les mettre à disposition des populations qui en sont aujourd'hui les plus éloignées. Même si le débat sur la définition de ces biens publics mondiaux doit être largement poursuivi afin d'affiner une liste qui soit la plus largement possible acceptée. Un certain nombre de thèmes paraissent indispensables à mettre en œuvre immédiatement : la formation, la santé, la mobilité, la communication, la nourriture, l'eau et l'énergie. Pour beaucoup de ces domaines, il existe aujourd'hui des institutions ou des programmes qui permettent d'avancer mais les moyens existants sont insuffisants. Par exemple, le rapport Camdessus sur la maîtrise mondiale de l'eau indique qu'un doublement de l'aide publique au grand programme de mise à disposition de l'eau serait nécessaire. C'est l'ordre de grandeur qu'il faut trouver, semble-t-il, pour chacun de ces biens publics mondiaux.

d) Si une ressource nouvelle au niveau mondial est dégagée, il ne doit pas s'agir simplement d'un ajout aux aides publiques au développement telles qu'elles existent aujourd'hui. C'est au contraire à travers des programmes mondiaux justifiant précisément une ressource mondiale que ceci doit être réalisé. L’utilisation de ces fonds devrait relever de la responsabilité d’agences internationales, placées dans la cadre des Nations Unies et sous l’égide du Conseil de Sécurité Economique et Social proposé. Cela suppose, soit le renforcement d'institutions déjà existantes, soit la création d'institutions spécifiques :

  • Une possibilité serait d’utiliser une partie de ces nouvelles ressources mondiales pour le Fonds de solidarité mondial, tel qu’il a été proposé par l’Assemblée Générale de l’ONU en 2002.
  • Il apparaît par exemple essentiel de continuer le combat pour la réalisation d'un fond mondial de l'eau qui se verrait doté de responsabilités pour développer les programmes d’accès à l’eau.
  • De la même façon, il serait utile de réfléchir à un fonds ou à une organisation mondiale destiné à assurer l'accès de tous aux biens de communication et notamment aux structures permettant l'échange téléphonique et l'échange de données pour l'ensemble de la planète. Il s'agit là d'un bien public essentiel auquel il convient d’accorder la priorité.

e) L’introduction d’une taxe mondiale, quelle qu’elle soit, symboliserait le besoin d’équilibrer le capital mondial et les forces du marché avec une politique publique au niveau mondial. Une plus grande équité, l’objectif traditionnel de la social démocratie, pourrait donc être réalisé d’une nouvelle façon et aider à réduire les inégalités mondiales. De telles nouvelles politiques, gérées par des institutions internationales démocratiques et transparentes, serait le signe d’un monde, qui loin de rejeter la mondialisation, aurait surmonté ses défis et déterminé à bénéficier de ses aspects positifs en décidant de gouverner la mondialisation et de la placer au service de tous les peuples du monde.

 

2.2.3.1 Une nouvelle infrastructure financière internationale

Une nouvelle infrastructure financière internationale, qui prélèvera les ressources additionnelles nécessaires pour remplir les Objectifs de développement du millénaire sont requises.

 

2.2.3.2 Les impôts mondiaux potentiels :

a) Plusieurs types de taxes pourraient être envisagés :

  • Une surtaxe dite de mondialisation de l’impôt sur les sociétés. Son introduction ne remettrait pas en cause la souveraineté fiscale des Etats, et induirait un processus d’harmonisation de cet impôt à commencer par l’Union européenne. Il faut en effet éviter les distorsions de concurrence, ce qui constitue un obstacle à sa mise en place, si l’introduction de cette taxe n’est pas coordonnée. Cette surtaxe que l'on peut envisager de 1 à 2 points aurait à priori un rendement du même montant que l'aide publique au développement.
  • Une Taxe Tobin et la taxation des transactions boursières. Au cours des années 1990, la taxe Tobin est devenue un symbole de la volonté de reconquérir les espaces confisqués par les marchés financiers à la démocratie. Cependant, une taxe Tobin entraînerait une réorganisation du marché. On aurait toujours une distorsion de concurrence avec, en plus, la réduction de l’assiette fiscale. Une taxe sur les mouvements de capitaux spéculatifs dans les transactions boursières permet d’introduire une viscosité dans les échanges financiers, même si demeure le problème de sa faisabilité à l’échelle planétaire. La volatilité des marchés financiers peut être source d’évictions et toute mise en place suppose un accord large accompagné de sanctions fortement désincitatives pour les Etats qui ne seraient pas parties prenantes de l'accord.
  • Une Taxe du CO2 voire une TCA ´ Taxe sur le Carbone Ajoutéª. Si le climat à lui seul permet de justifier le lien entre l’émission du CO2 et le bien public mondial qu’est l’atmosphère, le lien de la taxe sur le CO2 avec l’aide au développement n’est qu’indirect. De plus, elle pénaliserait certains secteurs d’activité par rapport à d’autres et certains pays par rapport à d’autres. Toutefois cette proposition qui figurait dans le rapport "Zedillo" a l'avantage d'être en cohérence avec la mise en place du protocole de Kyoto. La meilleure formule serait en théorie, une "taxe sur le carbone ajouté" construite sur le modèle de la TVA qui limiterait très fortement les effets pervers d'une taxe directement assise sur la production de CO2. En toute hypothèse des mécanismes incitatifs devraient être mis en place pour que les émissions soient réduites à la source, comme les crédits de taxes liés au montant des investissements en économie d'énergie, et les droits négociables.
  • Une taxe sur les armes. Ce secteur ne gagnerait sans doute pas en transparence avec l’introduction d’une telle taxe. Une multiplication des trafics serait à craindre si cette taxe porte sur le commerce. Par contre, ces inconvénients seraient fortement atténués si cette taxe portait sur la production d'armes qui est d'ailleurs fortement concentrée dans certains pays.
  • Une taxe de solidarité sur la valeur commerciale sur les biens et services. Facile à collecter et basée sur des statistiques commerciales fiables, cette taxe aurait pour objet de rassembler des fonds qui financeraient les politiques mondiales et non pas de remplir un rôle de réglementation. Il devrait s’agir d’une taxe peu élevée afin de ne pas entraver les échanges internationaux. À 0,5 pour cent de la valeur des biens, cette taxe aurait rapporté 40 milliards de dollars US en 2001. Comme on prévoit le développement du commerce dans les années à venir, cette taxe pourrait être encore plus faible tout en permettant de rassembler des fonds importants. Les pays les plus pauvres bénéficieraient d’un taux réduit et les plus pauvres pourraient être totalement exonérés.

b) Après l'examen de ces cinq types de ressources nouvelles, il apparaît clairement que les réflexions doivent se poursuivre principalement autour de la sur-taxation de l'impôt sur les sociétés, la taxe sur les émissions de gaz à effet de serre et éventuellement la taxe sur les armes en privilégiant certainement cet ordre de réflexion. L’efficacité d’une fiscalité est une fonction décroissante de la volatilité du marché sur lequel elle s’applique. Il faut donc imaginer prioritairement des instruments crédibles et relativement possibles à mettre en œuvre. Tout progrès, en particulier en matière de taxation des transactions boursières, reste difficile à imaginer sans des accords internationaux puissants et la nécessité d'une régulation financière et d'une gouvernance économique et financière internationale forte, telle qu'elle est présentée au premier point de cette note. Il est impératif de rechercher les modalités adaptées permettant de sanctionner les territoires pratiquant l’aléa moral ou les comportements de ´ free rider ª. Voilà pourquoi, la taxation des transactions boursières spéculatives, qui dans son principe apparaît très performante, ne peut pas être privilégiée à court terme si l’on veut obtenir un véritable changement au lieu de la simple mise en place d’une théorie.

 

2.3 La mondialisation et le travail

Le travail est essentiel pour assurer l’existence humaine. Dans le processus historique de la division du travail dans la société, le travail a été partagé parmi les familles et les parents, entre les hommes et les femmes, en accord avec les règles hiérarchiques préindustrielles. Les sociétés industrialisées et post-industrialisées ont produit les fonctions économiques de l’employeur et de l’employé. Le thème de la division du travail est lié à la question de la rémunération pour le travail accompli.

Les arguments relatifs à la distribution du travail et au revenu, qui ont émergés dans les sociétés ayant un Etat constitutionnel, se rencontrent aussi au niveau international dans le processus de la mondialisation.

 

2.3.1 Des emplois pour le développement

a) Un marché du travail inclusif et juste est le filtre au travers duquel la richesse est redistribuée et la pauvreté maîtrisée au niveau mondial. Il est donc essentiel de rester centrer sur l’impact qu’a la mondialisation sur le marché du travail d’une économie. Dans la déclaration de Johannesburg de l’ONU, les gouvernements ont accepté de ‘fournir une aide pour augmenter les revenus générés par les opportunités en matière d’emploi, prenant en compte la Déclaration des principes fondamentaux et des droits au Travail de l’Organisation internationale du travail, (OIT).

b) Cet engagement en faveur de l’emploi décent et de qualité, étayé dans des droits en tant que moyen de combattre la pauvreté est une importante et nouvelle priorité des stratégies de développement. Il offre un échappatoire à la crise économique mondiale actuelle. C’est la reconnaissance du fait qu’absorber un milliard de jeunes hommes et de jeunes femmes dans des emplois plus productifs est le grand défi des gouvernements des Etats, des partenaires sociaux, des agences de l’ONU et des institutions de Bretton Woods dans les dix prochaines années.

c) Le développement économique durant les premières années de cette décennie n’a pas fourni les opportunités d’emploi et les ressources économiques nécessaires pour atteindre l’engagement en matière d’emploi. Une nouvelle stratégie macroéconomique est requise, qui soit bien élaborée et identifie le dividende en matière de croissance des forces de travail présentes et futures. Cependant, il y a encore du chemin à parcourir avant que les marchés du travail à tous les niveaux fonctionnent si bien qu’ils peuvent atteindre la croissance nécessaire dans les domaines de la productivité et de l’emploi, pour assurer la qualité, la sécurité et la souplesse au travail.

d) Il est temps de :

  • faire en sorte que le plein emploi durable devienne un objectif macroéconomique central – non résiduel – des institutions de Bretton Woods ainsi que des gouvernements étatiques ;
  • faire en sorte que toutes les politiques, macro et structurelles, travaillent en commun vers un plein emploi durable. La politique en matière d’emploi ne devrait pas être un secteur en marge de la politique économique. Les politiques de marché du travail devraient contribuer à rapprocher les politiques économiques et sociales ;
  • faire de l’emploi une pièce centrale des stratégies de développement mondial et donner un soutien important à l’emploi dans les stratégies de réduction de la pauvreté.

 

2.3.2 Les femmes et le travail

a) La participation des femmes dans le marché du travail augmente de façon continue mais elle reste inférieure à celle des hommes. Cela ne signifie pas que les femmes travaillent moins que les hommes, mais cela reflète simplement le fait que le travail des femmes est sous-estimé dans les statistiques car les femmes sont sur-représentées dans le secteur informel ; cela reflète aussi le contexte socioculturel qui détermine les activités qui sont considérées comme économiques. Les travaux ménagers, prendre soin de quelqu’un, la production de produits pour la consommation du ménage, les travaux communautaires comme la protection de l’environnement et l’aide à des personnes ou des groupes vulnérables, sont complètement exclus du système de Comptes nationaux, mais la plupart sont accomplis par des femmes et apportent tous une contribution au bien-être complet et au développement de la société.

b) L’augmentation des femmes dans le marché du travail est principalement due à deux facteurs : partout les femmes travaillent de plus en plus à l’extérieur de la maison car leur salaire est de plus en plus nécessaire aux ménages, dont un quart est dirigé par des femmes ; les femmes sont également entrées dans le marché du travail par choix, lorsqu’elles ont demandé et pris conscience de leurs droits économiques et sociaux.

Récemment, les femmes dans les pays en développement sont passées d’un travail non-rémunéré et de l’agriculture d’autoconsommation à l’économie monétaire, principalement dans les industries de travail intensif, les services de bas niveaux, et dans l’agriculture industrialisée ; dans les pays développés, de plus en plus de femmes passent des industries aux services ; dans de nombreuse régions, la création d’entreprise par des femmes et d’autres activités autosuffisantes ont augmenté, en particulier dans le secteur informel.

c) Bien que grand nombre de femmes ont progressé au sein des structures économiques, en entrant sur le marché du travail, en progressant et en améliorant leur salaire et conditions de travail, des barrières légales et coutumières entravent toujours le progrès économique complet des femmes et les empêchent de réaliser leur potentiel. Les femmes des pays en développement et des pays industrialisés sont moins payées que les hommes pour un travail égal ou pour un travail de valeur égale ; les taux de chômage des femmes sont plus élevés, en particulier chez les jeunes ; la ségrégation au sein du marché du travail persiste même si un nombre croissant de femmes entrent dans des secteurs traditionnellement considérés comme étant dominés par les hommes ; gravir les échelons professionnels est souvent lent et difficile pour les femmes, même dans les parties du monde où les femmes bénéficient d’une formation et d’un niveau d’éducation élevé : les jeunes travailleurs dans les secteurs informel et rural, ainsi que les femmes migrantes restent les catégories les moins protégées par le droit du travail et de la migration.

Tous les obstacles auxquels les femmes sont confrontées au sein du marché du travail doivent être combinés avec la demande concurrente en matière de travaux ménagés et la prise en charge de parents due aux manques de services ; cette combinaison - double, parfois triple rôle – place un fardeau disproportionné sur les épaules des femmes.

d) Depuis la Quatrième conférence de l’ONU sur les Femmes qui s’est déroulée à Beijing en 1995, durant laquelle ont été exprimées , entre autres, les préoccupations sur ces problèmes touchant les femmes et où une plate-forme pour l’action a été adoptée par les gouvernements, quelques progrès ont été réalisés dans le domaine du travail et de l’emploi : des mesures ont été prises pour aborder les droits économiques et sociaux des femmes, l’égalité en matière d’emploi, l’égal accès et le contrôle sur les ressources économiques, le rôle des femmes dans la création d’entreprises ; le besoin de réconcilier le travail et la vie familiale s’est répandu ; des étapes ont été réalisées dans quelques pays pour considérer le travail non rémunéré des femmes dans les Comptes nationaux ;des actions positives ont été entreprises pour promouvoir l’égalité des opportunité pour les femmes et les hommes en matière d’emploi , également au moyen d’actions positives.

e) Pourtant, le contexte mondial change rapidement et continuellement et de nouveaux défis doivent être affrontés car l’impact de ces changements en matière de genre n’a pas réellement été évalué avec des conséquences négatives. Les bénéfices de la croissance de l’économie mondiale ont été distribués de façon inéquitable, ayant pour conséquences des disparités économiques plus larges, et souvent même extrêmes. Dans de nombreux pays, la présence des femmes dans le marché du travail a augmenté, plus de femmes ont accès à l’éducation et à la formation, plus de femmes décident de migrer à la recherche de meilleurs emplois et d’autonomie économique, mais ces changements potentiellement positifs n’ont pas toujours correspondu à une amélioration des salaires, de la formation, des carrières, et de conditions de travail décentes et sûres. La réduction des dépenses sociales et les processus de privatisation qui ont conduit à la réduction des services sociaux déjà insuffisants, contribuent à détériorer la vie des femmes.

f) Du fait de la coexistence de la continuation des inégalités et du certain progrès que contexte actuel offre, une nouvelle conception des politiques de l’emploi, intégrant des perspectives liées au genre, est nécessaire afin d’aborder toutes implications négatives liées au genre dans les modes de travail et d’emploi actuels et profiter des opportunités.

A cette fin, les objectifs contenus dans la Plate-forme d’action de Beijing ainsi que d’autres actions et initiatives présentées dans le document final approuvé par le session spéciale de la 23ème Assemblée générale de l’ONU ‘Femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix au XXIème siècle’ doivent être mis en œuvre. En particulier, il est obligatoire:

  • de promouvoir les droits et l’indépendance économiques des femmes, y compris l’accès à l’emploi, des conditions de travail appropriées et un contrôle des ressources économiques ;
  • d’éliminer les ségrégations occupationnelles et toutes formes de discrimination liées à l’emploi, et l’établissement et l’application de lois et d’actions positives sur l’égalité en matière d’opportunités ;
  • d’assurer que les principes internationaux du travail, telle que la Convention no 100 de l’Organisation internationale du travail sur l’égalité des salaires et les droits au travail, s’appliquent de façon égale aux travailleurs féminins et masculins ;
  • de promouvoir et de soutenir les entreprises des femmes, y compris celles du secteur informel et de faciliter la transition du secteur informel au secteur formel, en particulier dans les zones rurales ;
  • d’ajuster les politiques de l’emploi pour faciliter la restructuration de l’organisation du travail afin de promouvoir le partage des responsabilités familiales et de réconcilier le travail et la vie de famille ;
  • de développer des outils pour que la contribution du travail non rémunéré des femmes soit reconnu et inscrit sur le système des Comptes nationaux ;
  • d’intégrer une perspective liée au sexe dans toutes les politiques et les programmes et utiliser des analyses d’impact fondées sur le genre dans le développement des politiques macro, microéconomiques et sociales.

g) Pour réaliser l’égalité entre les femmes et les hommes dans leur contribution à l’économie, il est nécessaire de reconnaître et d’apprécier la contribution apportée par le travail dans toutes ses formes, l’expérience, le savoir et les valeurs des femmes et des hommes dans la société.

La recherche de l’égalité au travail sans la recherche de l’égalité dans la société au sens large est illusoire.

 

2.3.3 Une stratégie mondiale en matière d’emploi

a) Dans les dix prochaines années, environ un milliard de jeunes gens, aujourd’hui âgés entre cinq et quinze ans, atteindront l’âge du travail. Mais il existe un fossé fondamental dans leurs aptitudes et connaissances. Certains d’entre eux appartiennent à la génération la mieux la mieux éduquée de notre histoire, alors que d’autres n’ont pas d’opportunités d’éducation. Ils chercheront des emplois décents pour gagner leur vie et celle de leur famille. Ces jeunes gens – la vraie richesse du monde – représentent un potentiel économique énorme pour la croissance économique et la prospérité, ainsi que pour la lutte contre la pauvreté. Cependant, le système économique mondial n’est pas conçu pour utiliser plus qu’une plus petite partie de ce potentiel ; la vie salariale offre aujourd’hui des opportunités à certains mais aussi de piètres emplois et le chômage à beaucoup d’autres. Les faits sont frappants :

  • Le chômage est un sérieux problème dans de nombreux pays, industrialisés et en développement. Quelques 160 millions de gens sont officiellement au chômage dans le monde aujourd’hui, presque la moitié d’entre eux sont de jeunes gens ;
  • Le travail non productif est un problème encore plus grand dans le monde en développement. Il y a eu une chute significative dans le pourcentage de gens vivant dans une pauvreté extrême, à savoir vivant sur moins d’un dollar par jour. Mais un milliard de personnes, principalement des femmes sont encore très pauvres, y compris 500 millions ‘de pauvres qui travaillent’ la plupart des jeunes gens ;
  • Dans les dix prochaines années, le milliard de nouveaux venus fera augmenté énormément la force de travail mondiale. Il y aura 500 millions de personnes additionnelles, venant la plupart de pays en développement ;
  • Plus de 150 millions de jeunes hommes et de jeunes femmes sont analphabètes, la plupart vivant dans des pays en développement où l’accès à l’éducation élémentaire, la pré-condition pour la formation et l’obtention d’un emploi, est toujours limité.

b) Une stratégie mondiale en matière d’emploi pour le 21ème siècle doit se centrer sur la création d’emplois qui soient à la fois plus viables et durable et aussi plus productifs.

c) La productivité est la base de la compétitivité et du succès commercial. Elle est la base d’une rémunération adéquate, d’un travail décent et de conditions de travail améliorées. C’est le moyen de combattre la pauvreté. Une productivité améliorée contrebalance les risques de pression inflationniste et donne plus de place aux politiques macroéconomiques orientées vers la croissance. C’est un intérêt partagé des employés, des travailleurs, des gouvernements et des acteurs mondiaux. La productivité est créée par le changement, par l’expansion du commerce, par de nouvelles technologies, par le commerce et par des initiatives d’entrepreneurs. La technologie est le facteur le plus important de la mondialisation, un ingrédient vital dans la croissance du monde en développement. La promotion du changement technologique est une pierre angulaire du développement réussi et des stratégies en matière d’emploi.

d) Cependant, de tels changement ont de profonds effets sur le marché du travail et sur les conditions de travail. Ils créent des gagnants et des perdants, incluent certains et excluent d’autres. Tandis que la compétition est nécessaire dans les marchés pour les biens et les services, elle peut mener à une course vers le point le plus bas dans les marchés du travail et à une exclusion de la vie salariale. C’est la raison pour laquelle le marché du travail requiert une politique en matière de développement des ressources humaines mais aussi un plancher social sous la forme de normes de travail et de protection sociale. En d’autres mots, il requiert une politique pour promouvoir de ‘meilleures pratiques’ et une autre pour empêcher les ‘ pires pratiques’.

e) Les forces puissantes de la mondialisation au sein du processus de mondialisation doivent donc être équilibrées par des politiques sociales fortes et par un dialogue social actif. Les politiques de l’emploi doivent accorder plus d’attention à une gestion socialement acceptable du changement. Il faut mettre plus l’accent sur la promotion du changement pour la productivité et ainsi que sur la gestion du changement une prospérité largement partagée. Cela signifie flexibilité pour les firmes et sécurité pour les travailleurs, et non pas une politique de l’un ou de l’autre. A cette fin, une nouvelle approche des politiques relatives au marché du travail est nécessaire.

 

3. Justice sociale

a) L'économie mondiale doit être plus viable – également d'un point de vue social. Pour remplir cette tâche, des réformes structurelles de l'ordre économique mondial actuel sont nécessaires.

b) L’ouverture des économies et des marchés a eu des effets positifs. Cependant, la mondialisation non régulée a engendré un coût social considérable durant les deux dernières décennies. Le commerce mondial des matière premières, des services et des échanges financiers, a connu une croissance rapide. En outre, les inégalités à l’intérieur des sociétés – les sociétés industrialisées aussi bien que celles en développement – se sont accrues. L’inégalité entre les nations riches et pauvres est en croissance constante, atteignant des niveaux jamais vus d'un point de vue historique.

c) Alors que la théorie économique keynésienne soulignait que l’Etat avait une responsabilité démocratique d’influencer le développement économique, les théories néo-libérales demandaient la séparation de l’économie et de la politique avec l’objectif ultime de garder l’économie hors du contrôle démocratique.

d) L’économie mondiale devrait être à nouveau plus sociale. Il faut s'attaquer à plusieurs éléments d'une stratégie globale si l'on veut surmonter le blocage actuel résultant de la mondialisation néo-libérale.

 

3.1 Politique globale de développement

Les politiques de développement ne sont plus à la mode depuis les années 80 et 90. Les stratégies basées sur le marché et mettant l'accent sur l'ouverture aux investissements étrangers des économies en développement et sur le démantèlement des structures étatiques dans les sphères de la production et de l'infrastructure publique, ont dominé le débat. Les résultats ont été bien maigres - surtout dans les pays où l'influence des institutions Bretton Woods a été la plus forte: en Afrique. Si l'on veut rendre l'économie mondiale plus sociale, il faut à nouveau prendre au sérieux les questions de développement.

 

3.1.1 Les objectifs de développement pour le Millénaire

En 2000, le Sommet du millénaire des Nations Unies a convenu d’objectifs de développement pour le Millénaire comme un agenda ambitieux pour la réduction de la pauvreté et l’amélioration de la qualité de vie. Pour chacun des huit objectifs, un ou plusieurs buts ont été établis, la plupart pour 2015, utilisant 1990 comme point de référence :

1) Eradiquer l’extrême pauvreté et la faim

Objectif pour 2015 : réduire de moitié la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour et qui souffre de la faim.

2) Assurer l’éducation primaire pour tous

Objectif pour 2015 : Donner à tous les garçons et filles les moyens d’achever un cycle complet d’études primaires.

3) Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes

Objectif pour 2005 et 2015 : Eliminer les disparités entre les sexes dans les enseignements primaire et secondaire d’ici à 2005, si possible, et à tous les niveaux de l’enseignement en 2015, au plus tard.

4) Réduire la mortalité infantile

Objectif pour 2015 : réduire de deux tiers le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans.

5) Améliorer la santé maternelle

Objectif pour 2015 : Réduire de trois quarts le taux de mortalité maternelle.

6) Combattre le VIH /sida, le paludisme et d’autres maladies

Objectif pour 2015 : stopper la propagation du VIH/sida et commencer à inverser la tendance actuelle ; et maîtriser le paludisme et d’autres grandes maladies.

7) Assurer un environnement durable

objectif : Intégrer les principes du développement durable dans les politiques nationales ; inverser la tendance actuelle à la déperdition des ressources environnementales.

D’ici à 2015, réduire de moitié le pourcentage de la population qui n’a pas accès à un approvisionnement en eau potable.

D’ici à 2020, améliorer sensiblement la vie d’au moins 100 millions d’habitants de taudis.

8) Pour mettre en œuvre ces 7 objectifs, il faut mettre en place un partenariat mondial pour le développement. Ses objectifs sont les suivants :

poursuivre la mise en place d’un système commercial et financier multilatéral ouvert, comprenant un engagement en faveur d’une bonne gouvernance, du développement et de la lutte contre la pauvreté, aux niveaux tant national qu’international ;

• s’attaquer aux besoins particuliers des pays les moins avancés, des Etats enclavés et des petits Etats insulaires en développement ;

• traiter globalement le problème de la dette des pays en développement ;

• créer des emplois décents et productifs pour les jeunes ;

• en coopération avec l’industrie pharmaceutique, rendre les médicaments essentiels disponibles et abordables dans les pays en développement ;

• en coopération avec le secteur privé, mettre les avantages des nouvelles technologies, en particulier des technologies de l’information et de la communication, à la portée de tous.

Les objectifs de développement du Millénaire font partie de l’approche sociale-démocrate de la gouvernance dans une société globale.

 

3.1.2 La Conférence de Monterrey sur le Financement du développement

a) En 2002, les Nations Unies ont organisé la conférence internationale sur le financement du développement, qui s’est déroulée à Monterrey, au Mexique. La conférence est parvenue à remettre le financement du développement à l’ordre du jour international et de nombreux chefs d’Etats y ont participé, dont le président George Bush. Les engagements les plus importants furent ceux pris par l’Union européenne et les Etats-Unis en faveur de l’augmentation substantielle de leur aide officielle au développement. Bien que ces engagements n’aient pas atteint l’objectif de 0.7, ils ont pour la première fois renversé la tendance des années 1990 au cours de laquelle les niveaux de l’aide officielle au développement diminuaient de façon continue. Ceci est positif, mais n’est pas suffisant.

b) En plus du thème de l’aide officielle au développement, la conférence de Monterrey a produit un nombre de résultats ayant potentiellement une portée considérable. Plus important encore, la conférence marque un changement dans l’organisation institutionnelle de la gouvernance économique mondiale. Pour la première fois, les Nations Unies ont pu s’introduire dans un domaine qui jusque là avait été considéré comme étant réservé aux Institutions de Bretton Woods. Les Nations Unies et les IFI devraient continuer dans cette voie en suivant le processus de Monterrey et en institutionnalisant leur coopération. Cependant, afin que le système financier international soit plus légitime et plus efficace, la participation accrue des Nations Unies doit finir par se traduire par une modification des politiques. L’on peut voir, à partir des débats controversés autour des conclusions officielles de la conférence, ou ‘Consensus de Monterrey’. En substance, il s’écarte peu du ‘consensus de Washington’ et il est loin de signaler le ‘tournant copernicien’ nécessaire.

 

3.1.3 La politique d’allègement de la dette

a) Dans un nombre très important de pays, des niveaux de dette interne et externe, très élevés et non viables, persistent. Ils représentent – si ce n’est le plus important – un obstacle au développement. Parallèlement aux niveaux de dette non viables, des crises financières se produisent, ayant de graves conséquences sur les revenus et les niveaux de pauvreté des pays touchés.

b) Dans ce contexte, il est regrettable que les efforts des institutions financières internationales pour aborder le problème de la dette n’aient pas répondu aux attentes. Pour permettre aux pays en développement d’échapper au piège de la dette, les institutions internationales doivent redoubler d’efforts et considérer de nouvelles approches. Afin que les pays très pauvres atteignent un niveau de dette viable, le travail d’initiatives telles que le HIPC – un programme d’annulation de la dette des Pays pauvres hautement endettés – doit être poursuivi, surveillé et réformé, et ce en relation avec les conditions pour améliorer la bonne gouvernance.

c) En plus des initiatives existantes pour l’annulation de la dette, un nouveau mécanisme pour résoudre le problème de la dette – également appelé système international de faillite – devrait être mis en place. L’établissement d’un système international de faillite aborderait le problème crucial et souvent négligé de la dette internationale – la responsabilité commune de l’emprunteur et du prêteur pour assurer que les emprunts soient utilisés dans l’optique du développement. Dans une large mesure, les niveaux de dette non viables sont une conséquence d’une utilisation impropre des fonds pour lesquels les deux parties – l’emprunteur et le prêteur – doivent être responsables. Un nouveau mécanisme pour résoudre le problème de la dette faciliterait de nouvelles pratiques en matière de prêts et ferait éventuellement évoluer les attitudes vers une utilisation adéquate des prêts. Dans ce contexte, il est important que le débat sur la dette ne soit pas séparé du thème de la démocratie et des droits civiles, politiques et sociaux. Plus la dette est ‘légitime’, plus il est probable qu’elle sera utilisée à des fins véritablement en faveur du développement.

 

3.1.4 La politique commerciale et les besoins sociaux

a) Il faut que l'ordre économique mondial naissant respecte les objectifs et les stratégies de développement. Ceci implique une plus grande marge de manœuvre pour protéger les industries naissantes, ainsi qu'une application flexible et généreuse de mesures de traitement spécial au sein du système de l'OMC.

b) Il faut encourager et promouvoir la régionalisation. L'intégration économique régionale, à condition qu'elle soit gérée correctement, crée des stratégies de développement favorables et permet une intégration dans le marché mondial plus juste, plus équilibrée et plus efficace, tout en permettant d'éviter certains effets négatifs qui ont marqué les stratégies classiques de développement national, au cours des années 60 et 70 en matière de substitution d'importations - comme l'absence de concurrence, la surprotection, les marchés étroits et la stagnation technologique. On pourra s'inspirer à cet égard du rôle qu'a joué l'intégration économique européenne, au cours des années 60 et 70, permettant l'innovation technologique et la réalisation d'économies importantes, rendant ainsi l'économie européenne beaucoup plus concurrentielle.

c) Il faut diminuer et finalement éliminer la protection des marchés clés par les pays développés. Ceci s'applique particulièrement à l'agriculture.

d) Les pays développés doivent progressivement réduire les subventions des marchés clé. "La liberté des échanges", qui met en concurrence les agriculteurs européens ou nord-américains subventionnés, avec les paysans des pays en développement, est extrêmement injuste : le transfert moyen par habitant pour chaque agriculteur américain était de 30.000 dollars - cent fois le revenu annuel des agriculteurs de nombreux pays en développement.

e) Un débat en profondeur sur l'avenir du commerce international des produits agricoles, entre les pays développés et les pays en développement est nécessaire. La question est de savoir comment faire pour rendre l'agriculture plus durable et réduire les coûts sociaux du commerce international des produits agricoles, surtout dans les pays en développement, tout en conservant les conséquences sociales de ces processus dans les pays développés à un niveau acceptable.

f) La multiplication des échanges commerciaux nécessite l'établissement de normes minimales en ce qui concerne les conditions de travail fondamentales et les droits des travailleurs. Ces conditions minimales sont décrites dans les "Droits et principes fondamentaux du travail" de l'OIT. Les normes de travail fondamentales font référence à des conventions dans le domaine de la liberté d'association, au droit de négocier collectivement à l'interdiction du travail forcé à l'interdiction du travail des enfants et à l'interdiction de la discrimination en matière d'emploi. Le respect de ces conventions doit être garanti par un système ayant des standards sociaux puissants, et en incorporant de telles conventions dans tous les régimes d’intégration économique globale, y compris les accords concernant le commerce et les investissements.

Une telle politique commencera à redresser l’énorme injustice présente dans le système de mondialisation actuel, qui donne la priorité au capital et aux droits de la propriété au détriment des droits sociaux. Cette politique peut et doit être mise en œuvre de manière à aider tous les Etats, et en particulier les pays en développement, à obtenir le respect plus fidèle des principales conventions du travail.

L’objectif peut et doit être amélioré, y compris le respect plus réel des normes fondamentales du travail, au lieu de punir les pays en développement. En fait, le respect réel des droits fondamentaux du travail ne dépend pas du niveau de développement. Les droits fondamentaux du travail ne sont pas des planchers quantitatifs qui éliminent les options de croissance nécessaire. Au contraire, ils promeuvent un développement économique véritable et socialement juste.

Ce système peut être mis en œuvre au moyen :

  • d’actions volontaires ;
  • de stimulations positives ;
  • de sanctions.

Il faut discuter comment les stimulations positives pourraient être financées et quelles conséquences les sanctions pourraient avoir pour les pays pauvres.

 

3.2 Quelques principes sociaux pour un système économique mondial et un emploi mondial

a) La future réforme du système économique mondial devrait être guidée par des principes, dont le respect est, semble-t-il, crucial à l'obtention d'une économie plus sociale :

b) Le principe de durabilité, qui inclut le respect de structures socialement viables.

c) Le principe de l’emploi. Le nouveau cadre mondial basé sur les objectifs de développement pour le Millénaire et les conclusions de Doha, Monterrey et Johannesburg, offre de nouvelles opportunités en faveur d’initiatives ambitieuses pour renforcer l’emploi au sein de stratégies mondiales. L’un des moyens est d’obtenir des organisations de l’ONU et des institutions de Bretton Woods la construction d’alliances pour l’emploi. Une telle alliance – le réseau pour l’emploi des jeunes – existe déjà entre l’ONU, la Banque mondiale et l’OIT, suite à l’initiative du Secrétaire général de l’ONU. Cette initiative a entraîné une résolution de l’Assemblée générale encourageant les Etats membres à établir des révisions et des plans d’action concernant l’emploi des jeunes et à impliquer les organisations de jeunes et les jeunes dans le processus. Ce modèle d’alliances mondiales pour l’emploi devrait être d’avantage développé par des organisations mondiales. Au niveau régional, des organisations politiques et économiques, y compris les banques de développement, devraient être mobilisées pour construire des alliances puissantes pour davantage et de meilleurs emplois. Au niveau mondial, régional, national, les partenaires sociaux doivent jouer un rôle de leader, concentrant le dialogue social sur la création d’un nombre plus important d’emplois meilleurs. Pour avoir plus d’emplois productifs, il faut plus de promotion et une meilleure gestion du changement. Plus les partenaires sociaux travailleront ensemble dans le domaine du développement de politiques, plus les stratégies régionales et mondiales seront crédibles, concrètes et efficaces.

d) Le principe de primauté des décisions politiques et du contrôle démocratique : les marchés doivent être contrôlés et nécessitent toute une infrastructure d'institutions et de réglementations pour fonctionner correctement.

e) Le principe des biens publics et des services publics: le marché ne peut pas, en-soi, répondre à tous les besoins humains et sociaux.

f) Le principe de distribution des tâches politiques et des responsabilités démocratiques: celles-ci doivent être mises en œuvre aux niveaux locaux, nationaux, régionaux et mondiaux par différentes institutions démocratiques.

g) Le principe de compétition: la concentration du pouvoir économique, par l’intermédiaires des sociétés transnationales, est une source de pouvoir monopolistique et d’exploitation des consommateurs et de la société. Des politiques de compétition juste, à un niveau mondial, doivent être considérées et mises en œuvre.

h) Le principe de prévention des maladies : une approche suggérant que chacun est responsable de sa propre santé n’est pas acceptable, parce que seuls les riches qui ont accès aux informations et aux ressources nécessaires pour se maintenir en bonne santé pourrait l’obtenir. Les gens ne peuvent prendre les bonnes décisions que s’ils sont bien informés. Ce n’est pas le cas de la majorité des personnes en particulier celles dans les pays en développement ou en transition.

La signification et l’importance de la prévention des maladies responsables de taux de mortalité élevés doivent être enseignées aux peuples dans le monde entier. C’est une responsabilité partagée des gouvernements des Etats et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’OMS doit avoir les ressources nécessaires afin d’atteindre avec succès ces objectifs.

i) En 2002, l’OIT a établi la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation. La commission essaie de voir la mondialisation à travers les yeux des gens dans leur vie quotidienne. Les membres de la commission sont préoccupés par le fait que la récente reprise de la mondialisation, en particulier dans le domaine de la mobilité des capitaux, a de façon croissante sapé les Etats démocratiques. Ils sont plus limités qu’auparavant dans le domaine de la perception d’impôts pour le financement des biens publics et pour l’équité sociale. Le rapport de la Commission doit être publié en 2004.

 

3.3 Les obligations sociales des sociétés transnationales

a) Les sociétés transnationales (STN) sont les principales "gagnantes" de la mondialisation. Parmi les 100 premières économies mondiales, seulement 49 sont des Etats. Les 51 autres sont des entreprises - les plus grandes STN. A ce jour, les 200 premières STN produisent plus d’un quart du PIB mondial - une part en augmentation constante. En même temps, les STN sont au cœur des problèmes les plus urgents auxquels l'économie mondiale doit faire face.

b) Les sociétés transnationales, acteurs principaux dans l’économie mondiale, doivent, d’une manière ou d’une autre, être forcées à assumer leurs responsabilités sociales et environnementales. En plus des lois nationales et internationales, les lois "souples" ainsi que la déclaration tripartite de l’OIT sur les multinationales et la politique sociale peuvent être efficaces si les gouvernements, consommateurs et investisseurs demandent que les STN les observent. Le commerce offre aux pays en développement l’un des meilleurs moyens de sortir de la pauvreté, cependant, les pays pauvres sont exploitées par les injustices qui découlent de l’ application des règles du commerce international, tandis que certaines sociétés multinationales érodent les droits des travailleurs et les droits élémentaires de la personne.

c) Les multinationales pourraient être mieux contrôlées si l’on introduisait une réglementation internationale de la concurrence et des droits du consommateur à l’échelle mondiale.

d) Les STN exercent un contrôle toujours croissant sur les économies en développement et naissantes. Aujourd'hui, environ 90 pour cent des investissements étrangers directs dans les pays en développement représentent des fusions ou des acquisitions. Ce processus a tendance à concentrer le pouvoir de décision, les profits et les compétences technologiques dans les pays développés. On peut se demander si les entreprises coréennes auraient été capables de pénétrer sur le marché électronique international dans les années 80 si elles avaient été de simples divisions de STN américaines ou européennes. En même temps, la haute productivité des STN étouffe les petites et moyennes entreprises, les petits producteurs et artisans - détruisant ainsi les emplois et les initiatives commerciales au niveau local. Alors que les exportations mondiales ont doublé entre 1982 et 1999, le chiffre de vente des filiales des STN à travers le monde a été pratiquement multiplié par six.

e) Les STN sont des structures économiques hautement productives. La différence entre leur part du PIB mondial et l'emploi dans le monde est frappante : des sources de l'OIT indiquent que les STN, qui produisent plus d'un quart du PIB mondial et contrôlent plus d'un tiers du capital fixe dans le monde entier, emploient en réalité (y compris leurs sous-traitants et les emplois indirects) seulement 5 pour cent de la force de travail mondiale. A ce jour, les 300 premières STN emploient moins de salariés qu'au début des années 80. Parallèlement, ce sont les principales à "échapper à la taxation" dans les sociétés modernes. Les profits et la production ont atteint dans l'intervalle des niveaux inégalés.

f) En raison de la politique de déréglementation des deux dernières décennies, les facteurs mobiles tels que les capitaux échappent ou évitent la fiscalité, plaçant le fardeau du financement de l'Etat entièrement ou presque sur les facteurs immobiles - la consommation et le travail. Il faut lancer des efforts internationaux concertés pour renverser cette tendance.

 

CHAPITRE II. LES DROITS DE LA PERSONNE

0. Garantir les droits de la personne – un défi permanent

a) De nos jours, les droits de la personne font partie de la base de l’ordre international légal. Ceci est un développement remarquable, le droit international étant et continuant d’être créé par les Etats, essentiellement afin de réglementer leurs relations les uns avec les autres. Avec la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948, la protection internationale légale de tels droits a pris un élan énorme. Elle constitue un système de normes élaborées, aidant de nombreuses personnes partout dans le monde à se défendre contre le traitement inhumain des Etats, ou de demander protection lorsque des violations des droits de la personne sont commises par d’autres. D’un autre côté, lorsque l’on considère les massives violations de droits qui se déroulent actuellement, il est juste de douter des résultats qui ont été atteints. Pour cette même raison, œuvrer pour entraîner la réalisation des nobles principes articulés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme demeure une tâche permanente pour les Etats et la société civile.

b) Les droits humains des femmes tout au long de leur vie sont un élément inaliénable, intégral et indivisible des droits universels de la personne. Leur promotion et leur protection doit être une priorité pour tous, car ils sont essentiels pour faire avancer les femmes. Des mesures doivent être prises pour concevoir et mettre en œuvre des politiques pour encourager et protéger l’application de tous les droits de la personne aux femmes et pour créer un environnement qui ne tolère pas les violations des droits des femmes et des jeunes filles.

c) La liste des accords internationaux légaux sur les droits de la personne est considérable. Elle a été complémentée par des accords régionaux sur les droits de la personne variés. Le nombre important d’accords sur les droits de la personne indique qu’à l’avenir, l’accent doit être mis sur la mise en œuvre de ces normes. Depuis la fin de la confrontation de blocs, les Etats souverains ont de plus en plus montrés une volonté de se soumettre aux obligations internationales dans le domaine des droits de la personne. Ceci dit, il existe des Etats qui sont restés sur la touche ou qui ont exprimé des réserves qui, pour eux, empêchent l’application légale des ces stipulations contractuelles.

d) La communauté internationale devrait d’avantage insister sur l’importance d’assurer que les Etats ratifient le noyau principal des accords concernant les droits de la personne. Des efforts doivent être réalisés afin de veiller à ce que ces accords deviennent une norme commune en matière des droits de la personne. Pour assurer le respect de cette norme, les Etats doivent avoir l’obligation de se soutenir les uns les autres. Ceci requiert en particulier que les pays en développement soient aidés. En outre, il faut prendre des mesures afin que les réserves concernant les accords soient rétractées, rendant donc véritablement possible l’existence d’une norme légale minimale partout. Ceci soulignerait la nature universelle des droits de la personne.

e) Le respect des droits de la personne a aussi plus d’implications générales pour le droit international. Ce droit est basé sur la souveraineté des Etats mais il faudrait également considérer la souveraineté des individus, et il existe des situations où cette souveraineté est violée par le terrorisme étatique. Dans de telles situationsil y existe des arguments en faveur d’une intervention pour raisons humanitaires sur des bases multilatérales. Le droit international et le comportement des institutions de l’ONU devraient changer compte tenu de cette nouvelle approche.

f) Le rôle des droits de la personne est d’autonomiser les individus et les communautés. La protection de ces droits doit être considérée comme une contribution à la prévention des conflits basés sur la pauvreté, la discrimination et l’exclusion – sociale, économique et politique – qui continue d’empoisonner l’humanité et de détruire des décennies d’efforts en matière de développement. Le cercle vicieux des violations des droits de l’homme qui a mené à des conflits, qui ont à leur tour provoqué plus de violations, doit être brisé. La Conférence mondiale sur les droits de l’homme en 1993 et le Sommet mondial pour le développement social en 1995 ont souligné l’importance d’une approche intégrée du progrès social. Le progrès durable dépend dur respect des droits de la personne et de la participation effective des citoyens aux affaires publiques. Cependant, la démocratie et les droits de la personne s’avèreront insaisissables sans la justice sociale et le développement durable. La pauvreté prive des millions de gens de leurs droits fondamentaux. Les sociétés, à leur tour, sont privées de la contribution de ces gens. La réalisation du progrès durable requiert la reconnaissance de l’interdépendance entre le respect de droits de la personne, le développement durable et la démocratie.

g) Seules quelques zones vides demeurent sur la carte de la protection légale internationale de l’individu. Mais il existe toujours de nombreux points faibles dans la mise en œuvre des droits existants, et il faut les surmonter au moyen de l’utilisation plus ciblée et plus intensive des nombreux comités chargés de l’exécution des accords des droits humains des individus. Au préalable, il faut bien sur que les travaux de ces comités soient mieux assurés sur le plan matériel et financier. Il est certain que ce genre d’investissement est rentable. La pratique montre que les violations graves et massives des droits de la personne engendre des coûts énormes, car ils déclenchent en général des mouvements de réfugiés et nécessitent une aide humanitaire. La collaboration sur les droits de la personne dans un esprit de coopération présuppose une volonté de la part de chaque Etat à s’auto-critiquer et à établir des moyens légaux adéquats pour combattre les violations des droits de la personne sur son territoire. A partir de cette base, un Etat a donc le droit de critiquer les autres Etats lorsqu’ils ne respectent pas leurs obligations en matière de droits de la personne. Bien sur, des considérations diplomatiques et des intérêts économiques font souvent obstacle à ce genre de critique et à la coopération de soutien des Etats. Il est donc crucial que ce ne soit pas seulement les Etats qui s’occupent des droits de la personne. La société civile doit aussi assurer ces droits et c’est peut-être une de ses tâches essentielles.

 

1. La sécurité des personnes : un défi de la gouvernance

a) Les préoccupation traditionnelles en matière de sécurité, comme l’équilibre militaire, une interdiction de la prolifération des armes de masse destruction et un carde normatif stable pour l’action étatique sont loin d’être dépassés. Pour la vaste majorité des personnes sur la planète, cependant, la sécurité n’est pas une question de relations entre Etats ni de primauté de l’intérêt étatique, mais a un caractère individuel. La plupart des gens considèrent la sécurité plutôt comme une protection contre le mal, qu’il soit causé par des êtres humains violents ou par des phénomènes comme la famine ou la sécheresse, comme un environnement sain, comme une participation politique et sociale et comme une perspective de développement personnel. Toutes ces valeurs sont mises en jeu dans les domaines où le développement économique et l’ordre politique sont en confus – où les conditions de vie sont insuffisantes pour la survie des humains.

b) Pour répondre à ces défis, une idée globale de la sécurité a émergé au milieu du siècle dernier, comme une alternative aux concepts traditionnels de sécurité politique, et comme un modèle pour une approche de la politique centrée sur les personnes. Le rapport sur le développement humain, du Programme de développement de l’ONU a introduit en 1994 le concept de sécurité des personnes comme une fusion des préoccupations politiques relatives à la sécurité interne et transnationale, le développement économique et politique et l’environnement. Il faudrait examiner de plus près l’aspect de la violence contre les individus : la lutte contre une telle violence est la base de la sécurité des personnes.

 

1.1.Le sentiment croissant d’insécurité

a) Il existe différents aspects du sentiment croissant d’insécurité qui est partagé par de plus en plus de gens. Différentes parties du monde sont le témoin de crimes violents, de la criminalité organisée, du terrorisme, du trafic d’êtres humains et du trafic de drogue. La violence se concentre à l’intérieur des zones urbaines qui se développent rapidement, et touche plus fortement les femmes.

b) Dans de nombreux pays en développement, l’essence même d’un Etat – le monopole de l’exercice de la force physique légale - est de facto en train de disparaître. De plus en plus de personnes dans le monde - en particulier les pauvres – vivent dans un environnement social où l’intégrité physique et la défense de la propriété sont encore moins sures, où les lois et les réglementations sont confuses et ignorées. Et les gens réagissent face à cela - socialement et politiquement, en organisant de l’entraide et en votant en masse pour les forces politiques qui promettent de considérer le problème sérieusement et de mettre un terme au crime et à l’insécurité.

c) Regrettablement, le sentiment d’insécurité en Europe et en Amérique du Nord est parfois lié aux migrations. L’une des raisons de ce lien est l’intégration insuffisante des migrants, notamment dans les grandes villes. L’IS souligne l’importance d’une politique d’intégration bien plus efficace, dont la mise en œuvre ouvrira la voie à une politique de migration dans l’intérêt de la croissance économique et d’un développement démocratique équilibré.

d) La corruption est un phénomène de plus en plus international, qui s’exprime également par le biais de la criminalité transfrontalière.

e) Les forces politiques socialistes et sociales-démocrates ont depuis assez longtemps sous-estimé l’importance du thème, tout du moins sa dimension psychologique. Ils en paient aujourd’hui un prix politique élevé. Et ils devraient être préparés à accorder, à l’avenir, une attention nouvelle et minutieuse au thème de la sécurité des personnes. Les nombreux éléments qui ont mené à l’augmentation des niveaux de violence et d’insécurité dans de nombreuses parties du monde ne sont pas prêts de disparaître, car ils sont liés aux principaux processus du monde globalisé :

  • un chômage élevé, des taux de croissance faibles, une inégalité croissante, une urbanisation et une migration rapides, ont tendance à avoir des effets négatifs sur les niveaux de criminalité ;
  • les activités économiques illégales, tels le trafic d’armes et de drogues, le trafic d’êtres humains et le blanchiment de l’argent sont des activités importantes qui constituent une part croissante de l’économie mondiale ;
  • l’implosion d’Etats faibles ou affaiblis dans de nombreuses parties du monde ouvre la voie à un exercice anarchique du droit du plus fort, basé sur l’exercice arbitraire de la violence physique.

 

1.2. Les Etats affaiblis et la violence non étatique

a) Là où les Etats affaiblis ou s’affaiblissant ont perdu la capacité d’exercer un monopole légal de la force, des acteurs privés ont tendance à imposer leur propre loi. Les menaces envers la sécurité des personnes dans ces régions du monde ne proviennent pas de guerres classiques ni de conflits armés, mais de la dissémination d’une multitude d’acteurs privés qui utilisent la force pour imposer leur volonté.

b) Dans de nombreux cas, ces seigneurs de la guerre imposent respectivement la règle du plus fort sur des domaines d’autorité changeants, imposant des niveaux de plus en plus élevés de violence anarchique sur la population civile. Ces dirigeants locaux trouvent la base de leur poursuite violente du pouvoir et du profit, dans les ressources naturelles des territoires qu’ils contrôlent et dans les structures criminelles qui prévalent dans ces zones où l’autorité étatique a disparu. Les drogues et les diamants sont la base économique des conflits prolongés entre les seigneurs de la guerre en Asie et en Afrique. Le commerce illégal des armes légères sont source de financement pour les commandants et leurs armées engagées dans des guerres civiles et nourrissent les conflits, car la possibilité d’obtenir des armes légères rend la violence plus probable. S’ajoute à cela la menace personnelle d’un nombre important de mines terrestres qui sont toujours dispersées dans les zones de conflits. La police doit s’occuper d’un système de responsabilité, en commençant par la communauté des Etats qui n’aident pas à enrayer la propagation des armes légères ou les conflits liés aux diamants, et en finissant par les compagnies qui continuent de négocier avec des partenaires criminels, et le niveau individuel où – principalement - les hommes sont poussés à la violence par des règles anachroniques de masculinité et d’honneur.

c) Ceci est vrai en Colombie – où les narco-guerrilleros et les paramilitaires de droite contribuent à part égale à une escalade de la violence de plus en plus vertigineuse – de même qu’au Liberia, en Sierra Leone, au Congo. Le mélange anarchique de crime et de querelles internes dans certaines parties de l’Afrique occidentale pourrait constituer la future tendance pour beaucoup d’autres régions ‘marginales’ du monde. Ces processus sont étroitement liés à l’éclatement d’Etats dans de nombreuses parties du monde. Lorsque le monopole légal de la force armée, longtemps réclamé par l’Etat, est arraché de ses mains, les distinctions existantes entre la guerre et le crime disparaissent.

d) Même si les taux de criminalité dans les société industrialisées – du moins dans les pays d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord – ont eu tendance à stagner dans les années 1990, le chiffre global est toujours effrayant : selon le Rapport mondial de l’ONU sur la criminalité et la justice, ‘les probabilités d’être victime de crimes sérieux tels le vol, les crimes ou attaques sexuelles sont, à l’échelle mondiale, de une sur cinq’. La situation des habitants de grandes agglomérations urbaines est encore plus critique. Dans n’importe quelle partie du monde, sur une période de cinq ans, deux habitants sur trois, dans les grandes villes, sont victimes d’un crime au moins une fois. La situation la plus critique se trouve aujourd’hui en Amérique latine et en Afrique.

e) Dans de nombreux bas quartiers de villes d’Afrique rongées par la criminalité, l’Etat a disparu depuis longtemps, ne fournissant pas les ‘biens publics’ élémentaires que les Etats sont supposés délivrer : l’électricité, l’eau, l’infrastructure, les établissements scolaires – et l’ordre public. En fait, dans de nombreux cas, les ‘forces de l’ordre’ font partie du problème d’insécurité : des policiers corrompus sont régulièrement impliqués dans tout type de crimes violents.

f) Les personnes pauvres ont tendance à devenir les principales victimes de ce type de défaillance étatique. Partout dans le monde, là où de plus en plus de personnes sont économiquement démunies, les taux de criminalité sont plus élevés. Et les gens aisés peuvent payer pour la sécurité, qui – encore une fois – devient un bien privé, délivré par des agents privés. Pour beaucoup de personnes dans les centres urbains des pays en développement, vivre en paix, ou même survivre, dépend aujourd’hui de leur capacité à payer pour obtenir cette paix.

g) Une partie du problème de l’augmentation de la criminalité est liée à la consommation de drogues, une activité mondiale des plus lucratives. Avec l’éclatement de l’Union soviétique et de ses satellites, ‘l’ouverture’ de nouveaux marchés dans des pays qui traditionnellement servaient de pays de transit, une expansion rapide de la production d’héroïne et de cocaïne et l’introduction de nouvelles drogues pharmaceutiques, Les crimes liés à la drogue ont augmenté de façon disproportionnée durant les deux dernières décennies.

 

1.3 Les conséquences du 11 septembre

a) Les événements du mardi 11 septembre 2001, nous ont rappelé l'urgence de revenir aux valeurs communes fondatrices de toutes les civilisations, de repenser les modèles de sociétés.

b) Dans bien des situations, l’irrationalité triomphe sur les valeurs d’ouverture. Le racisme, la xénophobie, le chauvinisme et le fondamentalisme religieux sous la forme d’idéologies violentes sont des menaces majeures pour la paix et la démocratie.

c) On abuse depuis trop longtemps de termes comme "extrémisme", "fondamentalisme", "fanatisme". Il faut aujourd'hui se concentrer sur les nuances et distinctions qui existent au sein de ces concepts. Dans l'appel à la lutte entre "le bien et le mal" ou dans l'appel à "guerre sainte" se croisent trop d'éléments touchant au passé et à la plus brûlante actualité, au transcendant et à l'immanent, au séculier et à l'irrationalité pour qu'on puise accuser en bloc toute religion.

d) L’opinion mondiale et les grandes puissances négligent la violence terroriste dans les Etats du Moyen-Orient. En Algérie, par exemple, environ 120 000 personnes ont été tuées en raison de violents conflits avec des terroristes.

e) Il n’y a aucune justification du terrorisme. Il faut le condamner clairement et résolument. Il est vrai que la cohésion sociale encourage la stabilité et la paix, mais le terrorisme ne peut se justifier par la pauvreté ou des conflits régionaux ou religieux. Les instruments de lutte contre le terrorisme doivent être améliorés dans un cadre multilatéral.

f) Mais le danger existe que des régimes totalitaires ou autoritaires fassent un mauvais usage du concept de la menace terroriste et l’utilisent comme instrument pour opprimer les mouvements d’opposition non terroristes, y compris ceux qui sont démocratiques. Il est également possible d’abuser de ce concept pour violer les droits de la personne.

g) Tandis que le conflit entre l’Etat d’Israël et les Palestiniens est utilisé par les terroristes pour expliquer leurs actions, il ne les justifie pas. La résolution du conflit fera de la prévention des activités terroristes une perspective plus durable. A cette fin, la feuille de route élaborée par les Etats-Unis, l’Union européenne et la Russie est un moyen efficace. L’Etat d’Israël et l’Etat des Palestiniens ont droit à une souveraineté et à des frontières garanties, ainsi qu’à la sécurité de leurs habitants.

h) Si le terrorisme n’inspire qu’une incitation à faire étalage de puissance militaire, alors l'avenir sera des plus sombres. La force militaire seule n'apportera pas la paix, et ne réduira en rien les risques d'une nouvelle attaque terroriste encore plus dévastatrice. Les Etats modernes sont trop bien vulnérables pour être protégés par de simples dans la surveillance, les fortifications ou les plans d'urgence. Tous les pays devraient travailler avec la communauté internationale pour faire face aux défis posés par le terrorisme international. Nous devons nous assurer que les actions militaires se déroulent dans le cadre des Nations Unies et en accord avec le droit international.

i) Ce n'est pas un plaidoyer pour l'inaction. A long terme, la sécurité mondiale dépend d'un réengagement aux côtés des peuples du monde principalement ceux qui sont les plus meurtris. étendre la conception du droit humain à l'ensemble des peuples du monde. N’oublions pas que la justice et la cohésion sociale sont des facteurs de paix et de stabilité au plan local, national et mondial. Il est alors plus difficile pour les organisations terroristes de trouver des recrues révoltées et désespérées. Ce sera également le cas si l’on peut changer les attitudes politiques et morales ´ deux poids, deux mesures ª des Etats modernes en Europe, en Amérique du Nord et en Australie.

j) De nombreuses déclarations qui s'inscrivent dans une dangereuse logique de guerre. Il serait tragique que le combat contre le terrorisme devienne "une croisade" contre l'islam, par exemple. Ne tombons pas dans le piège qui consisterait à identifier la menace terroriste à une région, à une religion ou à une civilisation. Dans le contexte actuel, il est encore essentiel de revenir aux valeurs communes de l'humanité comme base d'une action solidaire.

k) Répondre par la guerre, peut être politiquement légitime, sous certaines conditions. Ce n'est pas une guerre qui suppose un conflit armé entre des adversaires sinon identifiés, du mois identifiables , auxquels peut s'appliquer "le droit humanitaire des conflits armés. On ne répond pas au terrorisme par la terreur. Et, il serait désastreux qu'au nom des valeurs humanitaires on utilise de moyens de l'adversaire. Enclencher la spirale de la haine, appeler à une soit disant croisade pour "le Bien" c'est renier les valeurs démocratiques. C'est l'honneur des démocraties que ne pas pratiquer la loi du talion et d'opposer la justice à la haine. Le tout sécuritaires serait insuffisant. Il faut également aller aux racines du mal, et celui ci est très complexe.

l) Il existe de nombreuses illusions dont nous devons nous défaire pour retrouver au plus vite le sens de la politique comme art de la prudence dans un univers incertain. Quelque soit l'ampleur du chantier qui nous attend, la force des démocraties réside avant tout dans leur capacité de réflexion et d'autocritique.

m) Il est possible de transformer le risque d'une escalade supplémentaire dans cette région en chance pour la paix. Une priorité immédiate est de redoubler d'efforts pour trouver des solutions politiques aux conflits qui servent trop souvent de prétexte à la barbarie. Les droits de l'homme, le respect de la vie humaine, l'Etat de droit ne sont pas des valeurs occidentales: ce sont des valeurs universelles.

 

1.4. Responsabilité d’une bonne gouvernance mondiale

Il est évident qu’il n’existe pas de réponse simple à ces types de menace, car les phénomènes qui produisent l’insécurité et la persécution varient largement. Il est d’autant plus raisonnable de chercher une série d’instruments, plus complexes mais toujours cohérents, relatifs à la prévention criminelle, la construction de structures sociales, économiques et politiques, y compris la sécurité alimentaire et un système de santé et d’éducation qui fonctionne – en clair, des instruments qui peuvent s’inspirer d’une approche de sécurité des personnes. Ces mesures doivent engager tous les niveaux de la société respective, du gouvernement aux forces de police et aux initiatives de quartier, en passant par les niveaux central et local de l’administration. La participation de citoyens engagés dans les domaines variés de la sécurité des personnes est non seulement désirable mais aussi nécessaire.

 

1.4.1. Promouvoir la stabilité structurelle

En ce qui concerne la crise profonde dont plusieurs pays en développement sont le témoin, la Commission européenne et l’OCDE ont élaboré le concept de ´ stabilité structurelle ª, qui définit des zones ou actions pour lesquelles les efforts nationaux et internationaux doivent permettre d’arrêter la désintégration des Etats-nations, en particulier en Afrique. Ici, l’un des aspects principaux est que ce concept va au-delà, à certains égards, de la logique néo-libérale du ‘consensus de Washington’ sacro-saint depuis des années, qui impose des programmes d’ajustement structurel accompagnés de réductions massives des dépenses publiques – très souvent touchant aussi les forces de police et de sécurité – dans ses Etats. Ce concept embrasse ‘ les objectifs de paix sociale, de respect pour l’Etat de droit et les droits de la personne, le développement économique et social, objectifs qui se renforcent mutuellement, et qui sont soutenus par des institutions politiques dynamiques et représentatives capables de gérer le changement et résoudre les disputes sans avoir recours au conflit violent’. La reconstruction de l’Etat devient dans cette perspective l’un des aspects principaux d’une politique ayant pour objectif la réduction des niveaux élevés de violence – à savoir les ‘crimes ordinaires’ ou ‘ceux perpétrés par les seigneurs’. Ce ‘regain’ d’un certain monopole légitime de la fore est un progrès qui ne peut être atteint que par des moyens répressifs ou liés au maintien de l’ordre. La légitimation implique essentiellement un minimum d’apport, à savoir participation et démocratie, et un minimum de production, à savoir la délivrance de biens publics de base qui légalise l’Etat aux yeux de ses citoyens.

 

1.4.2. La prévention en tant qu’élément principal

a) Lorsqu’il s’agit de criminalité, la première chose qui peut être faite est de - finalement - considérer le problème sérieusement. On peut douter que cela soit actuellement le cas. Bien que les gouvernements réagissent face aux organisations et aux activités criminelles transnationales, ils font peu et trop tard. Le blanchiment de l’argent - pierre angulaire des activités criminelles internationales - peut être cité dans ce cas : de nombreux ‘centres financiers offshore’ fonctionnent toujours à l’extérieur des pays contrôlés par l’OCDE. Et jusqu’à présent, la communauté internationale n’a pas été disposée à établir une sorte de politique globale pour faire face à l’un des secteurs les plus dynamiques des activités criminelles transnationales : le trafic d’êtres humains, une activité illégale dont les profits annuels sont estimés à près de 5 milliards de US dollars et qui selon Interpol est devenue à l’échelle mondiale ´ la troisième plus grande source de profits pour le crime organisé ª juste derrière le trafic illégal d’armes et de drogue.

b) Mais le véritable aspect important, ayant l’impact le plus direct sur la qualité de vie de millions, si ce n’est de milliards de personnes, est celui de la lutte contre les crimes violents au niveau local. Il est évident que ce phénomène est lié, à plusieurs égards, à des phénomènes plus globaux. Quoi qu’il en soit, de nombreuses contre-mesures possibles doivent être appliquées au niveau local ou national. Ici, la prévention criminelle émerge comme l’un des instruments les plus importants qui doit être renforcé et consolidé.

c) Selon le rapport de l’ONU sur le Crime et la Justice, une série de mesures, comme un plan intégrateur en matière de prévention du crime, fonctionnant à partir du niveau local vers le niveau international, est nécessaire :

  • Soutenir des structures nationales de prévention criminelle plus efficaces qui encouragent la pleine collaboration entre toutes les agences publiques et privées concernées ;
  • Fournir un soutien financier et technique aux autorités locales afin de former et de promouvoir des coalitions et partenariats multidisciplinaires ;
  • Mise en œuvre rigoureuse de la prévention en utilisant l’expérience acquise au travers de projets qui se sont montrés efficaces dans la réduction du crime ; une action à long terme répondant aux besoins à court terme, et des mesures durables qui exploitent le savoir scientifique d’une façon systématique ;
  • Coopération avec les agences de police et de justice pour la prévention, introduisant des conseils et une législation clarifiant que l’objectif de la police et de la justice est la sécurité des personnes et des propriétés, en particulier au moyen d’une collaboration entre les citoyens, les autorités locales et les agences sociales capables de s’attaquer aux causes de la criminalité ;
  • Ré-attribution des ressources pour satisfaire les besoins socio-économiques urbains, en particulier les besoins des groupes vulnérables tels que les enfants, les femmes et les minorités, donnant priorité à la prévention de la violence et à la négligence durant la prime enfance ;
  • Encourager les citoyens individuels à participer à la prévention criminelle globale et à comprendre l’importance du développement de la communauté dans la mise en œuvre de moyens efficaces pour rendre les communautés plus sûres face à la criminalité ;
  • Promouvoir la coopération mondiale pour limiter l’accès à ce qui facilite la violence, comme les armes à feu, le trafic de drogues illicites, ou les programmes médiatiques qui encouragent la violence et l’abus sexuel des femmes et des enfants ;
  • Se concentrer sur la base économique de la violence non étatique, comme le commerce de la drogue et des armes légères, mais aussi également le commerce dangereux des bijoux et d’autres ressources naturelles comme le pétrole brut ;
  • Lutter contre la corruption pour gagner des partenaires loyaux dans la lutte contre la violence personnelle à tous les niveaux administratifs ;
  • Garder un œil sur le phénomène culturel et sociétaire qui augmente la propension à la violence, telle que la culture des armes à feu, les codes de l’honneur, ou une compréhension de la masculinité liée à la violence, et
  • Se concentrer sur l’égalité des sexes et sur la protection des femmes contre la violence personnelle, dans l’esprit de la Plate-forme pour l’Action de Beijing du Programme de développement de l’ONU.

L’application de ces mesures a deux préalables : l’argent et la volonté politique.

d) L’une des raisons pour lesquelles ces développements peuvent se produire de façon incontrôlée, tient à la faible priorité que leur accordent les décideurs dans l’hémisphère nord. La double difficulté de collecter de l’argent et de le dépenser judicieusement empêchent de nombreux experts en sécurité de lutter contre la violence personnelle au niveau du plus bas échelon de la sécurité des personnes. Cet écart entre la rhétorique et la pratique signifie que les citoyens doivent continuer à supporter des niveaux inacceptables de violence personnelle. Etant donné la tendance mondiale à couper les dépenses publiques, l’incapacité croissante à taxer les capitaux et les profits dans le contexte d’une économie mondialisée, et la crise sévère en matière de ressources que traversent de nombreuses municipalités et villes du monde, il est difficile de faire des progrès en matière de prévention de la violence.

 

2. Identité culturelle

a) La mondialisation des sociétés est un processus dans un monde ayant des différences culturelles. Ces différences doivent être reconnues. L’identité culturelle est un droit de la personne. L’apparition d’un monde sans frontières, caractérisé par des différences culturelles, est confronté à des conflits culturels et à la migration. Ces deux éléments ont transformé le paysage social et culturel du monde. Autrefois assez homogènes, les entités sociales et culturelles - villes, régions, nations, Etats - ont assisté à l’arrivée de personnes ayant des caractéristiques culturelles différentes. Parallèlement, des facteurs culturels - l’intrusion des médias, l’influence internationale et la projection de la culture de masse occidentale sur le reste du monde - ont influencé les identités individuelles et collectives. Cette tendance s’est renforcée avec la disparition des anciens concepts correspondants, telle l’insistance sur l’identité socio-économique des classes sociales. De nombreux mécanismes d’acculturation et de socialisation ont été dilués.

b) De nouvelles références pour les identités individuelles et collectives - marquées par des éléments culturels et économiques - apparaissent. Cette importance croissante ‘d’identificateurs’ culturels dans la vie des personnes a des conséquences politiques, menant à un nombre croissant de régionalismes, différences et séparatismes interethniques et religieux.

c) Nous sommes aujourd’hui témoins de l’émergence de sociétés patchwork, dans lesquelles les identités ‘nationales’ communes perdent de leur sens et une variété croissante de groupes sociaux et culturels coexistent. Cette coexistence n’est pas toujours paisible. La plupart des conflits armés majeurs depuis 1990 ont été des conflits internes. Et au delà de ce nombre de conflits armés majeurs, se cache une multitude de confrontations quotidiennes entre des groupes ethniques et culturels différents dans de nombreuses parties du monde.

d) La question de savoir comment les conflits d’identité à l’intérieur des sociétés s’articulent, dépend de facteurs économiques. Près de 50 pour cent des pays en dessous du niveau moyen de l’Index de développement humain du Programme de développement de l’ONU, mais seulement 15 pour cent des pays au dessus de ce niveau moyen, ont été le témoin de conflits armés dans les années 1988-1998. Etant donné la tendance de la croissance à décélérer dans beaucoup de pays en développement en ces temps de mondialisation, il est possible que beaucoup d’entre eux aient à faire face dans le futur à un nombre croissant de conflits à l’intérieur de leurs frontières – parallèlement et en plus des niveaux élevés de crime violents dans leurs mégapoles.

e) La communauté mondiale d’Etats doit accepter que toutes les sociétés peuvent être multiculturelles. Aucun état ne peut imposer une culture, une langue ou une croyance à sa population.

 

2.1. Les conflits interculturels

a) Malheureusement, de nombreuses tendances actuelles indiquent que les processus de confrontations d’identités ou des confrontations culturelles, entre et à l’intérieur des Etats, continueront, tandis que les dynamiques sous-jacentes prévaudront également dans le futur. L’urbanisation continue et la migration à l’intérieur et à l’extérieur des frontières augmenteront constamment l’hétérogénéité culturelles et ethnique des sociétés mondiales. L’influence économique, politique et culturelle occidentale continuera d’exercer un impact considérable à l’intérieur de la plupart des pays du monde, créant des conflits d’identité et de valeurs avec une partie de ces sociétés.

b) C’est également pour cette raison que la distribution inégale de la richesse économique sera nécessairement altérée à l’avenir. Jusqu’à présent, la mondialisation des dernières décennies a eu un effet inverse: une concentration encore plus importante de la richesse mondiale et du savoir-faire technologique dans les pays riches. Dans ce monde caractérisé par une inégalité croissante, des conditions économiques, sociales et écologiques précaires, un voisinage difficile entre peuple qui n’ont jamais eu à vivre ensemble et qui ne partagent ni langue, ni religion ni culture, les conflits sont en abondance. Cela ne signifie pas que la diversité ethnique et culturelle en elle-même est facteur de conflits. Ces conflits apparaissent plutôt là où l’autorité étatique et la légitimité se sont effondrées et où les ressources de base sont rares. Mais dans ces conflits, les divisions traditionnelles, qui peuvent être latentes ou oubliées depuis des années, réapparaissent et sont utilisées comme moyen de concentrer le mécontentement actuel.

 

2.1.1 Les conflits culturels de la planète

a) Un grand nombre des conflits qui ont endeuillé la planète depuis quelques années sont pour une part au moins des conflits de religion: les Balkans, notamment le Kosovo, Timor-Oriental, Cachemire, Tchétchénie, sans oublier les conflits endémiques du Moyen-Orient, de l'Irlande du Nord de l'Afghanistan, du Haut Karabakh et du Tibet. Ces conflits représentent une quête, en particulier au sein de la doctrine religieuse, pour une identité et un refuge face aux impulsions modernisatrices de la mondialisation et la poussée en faveur de l’homogénéisation culturelle de toutes les sociétés du monde. Il faut prendre compte des crises d’identité politiques et sociales provoquées par les idéologies, qui ont favorisé partout la ré-émergence de l’identité ethnique et religieuse. Cependant, il faut garder à l’esprit que presque tous les conflits à la fois à l’intérieur des frontières et entre les Etats ont comme origine la lutte politique pour des intérêts économiques.

b) Mais quelles que soient les raisons conjoncturelles de la nouvelle offensive des grandes religions, il ne faut pas oublier que celles-ci - hindouisme, bouddhisme, judaïsme, christianisme, islam - constituent avec leur expérience millénaire, de formidables architectures intellectuelles, capables de proposer, à chaque individu, une philosophie de la vie.

c) Les religions ont connu, au cours des dernières décennies, en raison notamment des changements démographiques, des évolutions géographiques considérables. Le christianisme s'implante dans les régions de forte natalité comme l’Amérique latine et l’Afrique; l'Islam est de moins en moins arabe; le pentecôtisme est de plus en plus agressif en Amérique latine, le bouddhisme de nouvelles religions ou sectes ne cessent de progresser en Occident, l'influence des autres religions ne se mesure pas forcément au nombre des fidèles.

d) La quête du spiritualisme est légitime chez tout humain. Elle signifie recherche de sens, sens de la vie, de l'humain, de l'être ensemble. Les grandes religions apaisées, défanatisées savent répondre à cette quête. Mais en leur sein , certain appellent les valeurs d'honneur, de justice, de solidarité dont les doctrines de toutes les grandes religions sont porteuses, et opposent ces valeurs à la corruption ambiante, à l'injustice, aux inégalités scandaleuses, à l'immoralisme. Ils réclament un retour aux valeurs. Leur revendication est avant tout sociale et politique.

e) Ainsi se sont déjà épanouis à travers le monde divers fondamentalismes conservateurs ou révolutionnaires: islamisme, extrémisme hindouiste, mouvement charismatique catholique, pentecôtisme chrétien et judaïsme ultra orthodoxe en Israël.

f) Dans de nombreux pays, ce retour à l'intégrisme supposé des origines s'accompagne d'activisme politique. Un peu partout, le dogmatisme religieux fait retour, qui nourrit à son tour des fanatismes de riposte. Inquiètes de la mondialisation, qu'elles ressentent comme une menace, de nombreuses personnes sont tentées par la fuite devant le discours religieux. Mais l'islam n'a presque jamais cessé - comme le christianisme ou le bouddhisme – d’expérimenter des courants de réforme radicaux.

g) Dans les pays islamiques, la démocratie moderne de style européen ou nord-américain n’a pas été acceptée à cause du sentiment selon lequel prévalent des standards ´ deux poids deux mesures ª dans ces Etats et sociétés. Dans les pays islamiques, pendant la Guerre froide, les idéologies marxistes laïques dominaient comme alternative au colonialisme capitaliste. Mais ces idéologies ne s’y sont jamais vraiment établies. Et ceci a ouvert la voie à une prolifération d’alternatives religieuses et dans certains cas, à l’apparition de véritables pépinières pour les fondamentalistes de toutes sortes.

 

2.1.2 Différences culturelles et démocratie

a) Mais alors même que le monde s'homogénéise, la différenciation culturelle a sans doute encore de beaux jours devant elle. La technologie de communications qui a permis au ‘village mondial’ d’exister, paradoxalement, a stimulé une plus grande prise de conscience des différences culturelles. Les institutions politiques et économiques modernes coexistent avec les religions et d’autres éléments culturels traditionnels, mais ces derniers sont souvent nécessaires pour le fonctionnement efficace des précédentes. Il tombe donc sous le sens que les sociétés s'accrochent à ces singularités culturelles et que celles-ci puisse contribuer à la résolution des problèmes sociaux.

b) Les droits des personnes à une identité culturelle et à la démocratie mondiale sont interdépendants. La démocratie respecte la diversité et lui donne des droits politiques ; ce faisant, elle assume la réciprocité de ce respect.

Chaque société et tout Etat qui tiennent compte de la diversité culturelle ne peuvent être basés que sur les droits de la personne et la pluralité, qui sont les fondements de la démocratie.

Des cultures différentes ont des différents types de démocratie, mais elles respectent toutes les mêmes principes.

Il ne peut y avoir de modèle démocratique valide à l’échelle mondiale car cela serait inconsistant avec la diversité culturelle. Toutes les cultures sont capables de démocratie, comme l’a démontré l’Europe en triomphant du fascisme et du communisme ; le même principe s’applique aux Etats islamiques.

 

2.1.3 Mondialisation, politique globale et choc des civilisations

a) Dans le monde l'après guerre froide et de la globalisation, les distinctions majeures entre les peuples ne sont pas seulement idéologiques, politiques ou économiques. Elles sont culturelles. Les peuples et les nations s'efforcent de répondre à la question fondamentale entre toutes pour les humains: qui sommes-nous? Et ils y répondent de la façon la plus traditionnelle qui soit: en se référant à ce qui compte le plus pour eux:. Ils se définissent en terme de lignage, de religion, de langue, d'histoire, de valeurs, d'habitudes, d'institutions. Ils s'identifient à des groupes culturels: tribus, ethnies, communautés religieuses, nations et, au niveau le plus large, civilisations. Ils utilisent la politique non pas seulement pour faire prévaloir leur intérêt, mais pour définir leur identité.

b) Pour la première fois dans l'histoire, la politique est à la fois multipolaire et multicivilisationnelle. Mais cela ne mène pas à une civilisation universelle. Le concept d’occidentalisation mondiale n’est ni acceptable ni désirable.

 

2.2 La migration

a) La migration interne et transfrontalière a atteint un niveau historiquement unique, formant une tendance spécifique de la mondialisation et de son processus sous-jacent de mobilité croissante des êtres humains, de l’argent et des marchandises.

b) Parmi les nombreuses raisons de l’émigration, celles qui ont des origines démographiques et économiques sont certainement les plus convaincantes. Selon les récentes statistiques des Nations Unies, la population mondiale excèdera les 6 milliards de personnes ; parmi ceux-ci, 60 pour cent vivent en Asie, principalement en Chine et sur le sous-continent indien, 5 pour cent au Moyen-Orient, 2.5 pour cent en Afrique du sud, 10 pour cent en Afrique sous-saharienne et 8,5 pour cent en Amérique latine. La population de l’Amérique du Nord est de 318 millions, celle de l’Union européenne de 377 millions et celle du reste de l’Europe est de 366 millions. Ces chiffres montrent un clair déséquilibre entre la population vivant dans les riches régions de la planète et celle vivant dans les régions pauvres. En tout, plus de 5 milliards de gens, sur un total de 6 milliards, vivent dans des pays en développement. En bref, 6 personnes sur 7 vivent dans des conditions dans une certaine mesure défavorisées. La disparité entre les salaires partout dans le monde est également énorme. De 1960 jusqu’à la moitié des années 1990, le rapport entre le salaire des 20 pour cent des plus pauvres et le salaire des 20 pour cent des plus riches est passé de 1:30 à 1:60. Au sein des pays pris dans leur individualité, la situation concernant la distribution des richesses est reflétée de façon presque exacte.

c) A ces facteurs s’ajoute la dégradation importante de l’écologie dans certaines parties du monde. En général, la situation environnementale dans les pays du Sud semble s’être aggravée par rapport à la situation dans les pays du Nord. Le problème le plus évident est celui de la disparition des terres agricoles. Il existe de nombreuses raisons à ce phénomène, par exemple l’empiètement des déserts causé par les changements climatiques et l’activité humaine, la salification progressive due à l’intense évaporation résultant de l’irrigation des sols tropicaux, l’érosion causée par la mauvaise gestion des terres , l’urbanisation incontrôlée, l’élimination des déchets hautement toxiques en provenance des industries des pays du Nord, l’utilisation de pesticides toxiques. Ce problème ne devrait pas être sous-estimé dans le contexte de la migration car des études récentes ont identifié une nouvelle ‘catégorie’ de migrants : les réfugies environnementaux ou écologiques.

d) Dans cette situation, dont la dynamique doit inévitablement mener à des mouvements continus de population, il existe des situations d’urgence particulières comme la famine, la guerre et l’oppression politique.

e) Il a été calculé que l’agriculture occidentale est 17 fois plus productive que celle du Sud. Le manque de technologies et d’irrigation, l’appauvrissement de la population par la guerre et par des épidémies telles que le SIDA, dans un contexte de réduction de l’aide étrangère (l’aide à l’agriculture a baissé de 40% en 10 années selon l’organisation italienne Caritas) donnent lieu en Afrique, par exemple, à de tragiques crises. Ceci encourage l’émigration, en premier lieu des campagnes vers les villes. La croissance des mégas villes dans des pays non industrialisés est principalement due à ces facteurs. A partir des villes du Sud, les immigrants des campagnes pénètrent dans le réseau de la migration mondiale.

f) Il a été calculé que 820 millions de personnes courent des risques de famine, mais la malnutrition est un risque qui couvre une zone encore plus large, touchant des milliards de personnes. Ce sont les enfants qui en particulier meurent de faim, soit directement ou parce que leur mère aura également été touchée par ce fléau.

g) Les flots des réfugiés pour des raisons de guerre ou pour des raisons politiques sont un autre type de situation d’urgence : le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés doit s’occuper de près de 20 millions de personnes. Bien que ce chiffre ne paraisse pas, à l’échelle mondiale, en lui-même élevé, nous nous referons à des personnes totalement démunies et les dizaines de milliers d’Afghans, d’Angolais, de Congolais, etc. représentent un aspect déstabilisant du phénomène de migration.

h) A côté de ces facteurs poussant à la migration, il faut garder à l’esprit les facteurs liés à l’attrait de la migration, en particulier les récompenses que l’on peut trouver dans les pays développés par rapport à aux pays en développement : dans différents pays du Nord, le salaire pour le travail domestique est par exemple 10 fois plus élevé que celui d’un diplomate ou d’un diplômé dans de nombreux pays en développement. Un autre facteur ‘d’attraction’ est l’existence d’une demande de main d’œuvre dans certains pays développés, dont l’origine est la réduction substantielle des personnes en âge de travailler. Nous parlons d’une main-d’œuvre bon marché, hautement flexible et vulnérable au chantage. De plus, la propagation à travers les médias, d’une condition de bien-être dans les pays occidentaux, le contact avec les touristes et les activités promouvant leur propre image, dont les pays développés offrent la performance au travers des ambassades et des centres culturels dans le Sud, génèrent une grande fascination.

i) Finalement, il existe une dernière considération qui est particulièrement pertinente aujourd’hui mais qui se rapporte à un phénomène qui a toujours été présent tout au long de l’histoire. La migration, un évènement collectif par définition, se répand aujourd’hui sous une forme ‘moléculaire’. Le fait qu’elle touche de plus en plus de jeunes, qui pour la plupart s’installe dans le pays d’arrivée et en devient citoyens, mène à penser qu’aujourd’hui, plus que dans le passé, les migrations sont un élément indéniable du dynamisme spirituel et intellectuel de l’humanité.

 

2.2.1 La migration interne et transfrontalière

a) Au cours des trente dernières années, environ 35 millions de personnes se sont déplacés, souvent de façon illégale, des pays en développement vers les pays industrialisés. Certains pays sont plus ouverts que d’autres : en Australie par exemple, le pourcentage des résidents étrangers dépasse les 20 pour cent, au Canada les 16 pour cent, aux Etats-Unis les 8 pour cent tandis qu’en Europe il est de moins de 4 pour cent.

b) Jusqu’aux années 60, 80 pour cent de la migration se produisaient entre pays industrialisés ; vers la fin des années 80, le pourcentage s’est renversé et 80 pour cent des immigrants provenaient de pays en développement. Les pays industrialisés ont répondu à ce changement en changeant leurs attitudes envers les politiques d’immigration, devenant de plus en plus restrictives.

c) L’année 1973 représente un tournant dans la nature du processus de migration, dû en partie à la crise pétrolière : la migration causée par des ‘facteurs d’attraction’ a été remplacée par une migration provoquée principalement par des facteurs ‘poussant à l’émigration’, qui avec les conditions démographiques, économiques, sociales et culturelles des pays d’origine et de destination, ont fait augmenter les flots migratoires.

d) De plus en plus de pays reçoivent des immigrants et de plus en plus de pays en produisent. Et cette tendance augmentera à l’avenir.

e) Les processus d’industrialisation en cours dans certains pays en développement ne va pas ralentir mais accélérer la migration internationale. Historiquement, l’industrialisation s’est accompagnée d’une augmentation de l’émigration, alors que de plus en plus de gens ont tendance à être déracinés des environnements ruraux et ont accès à l’argent, accumulant des expériences professionnelles élémentaires.

f) Les cas des ‘succès économiques’ des 10 dernières années - comme la Chine ou le Mexique - corroborent cette analyse. En dépit des taux de haute croissance, de l’intégration rapide du commerce international et régional et de l’augmentation du statut des membres de l’OCDE, le nombre annuel moyen d’émigrants mexicains aux Etats-Unis à la fin de 1990 est environ 10 fois plus élevé qu’il ne l’était dans les années 1960 et le double de ce qu’il était dans les années 1970.

g) Etant données ces tendances et l’écart croissant des revenus entre les nations riches et les pauvres du monde, l’émigration en provenance des pays en développement est loin d’avoir atteint son point culminant - en fait, il se peut que les choses commencent seulement à être sérieuses. Presque la totalité des processus qui provoquent et facilitent l’émigration - qu’ils soient économiques, sociaux, politiques, culturels ou technologiques - s’accélèrent avec le développement de la mondialisation

 

2.2.2 La migration domestique: l’urbanisation

L’émigration à l’extérieur des frontières n’est qu’une dimension de la migration. Un processus similaire, et encore plus vaste, prend forme à l’intérieur des frontières nationales. Un exode des campagnes entasse une partie de la population mondiale de plus en plus importante dans les zones urbaines. Chaque année, entre 20 et 30 millions de la population mondiale la plus pauvre migrent vers les villes. Tandis qu’en 1960 seulement un tiers de la population mondiale vivait dans les zones urbaines, cette part a atteint les 47 pour cent en 1999. Cette tendance est particulièrement marquée dans les pays en développement : la part de leur population vivant dans les villes a presque doublé depuis 1960. Les villes sont devenues les moteurs du changement dans toutes les régions. Leur croissance rapide présente des opportunités de développements futurs mais également de sérieux défis. La croissance de la population urbaine a distancé le développement de l’emploi, des logements, des services et du reste de l’infrastructure physique et sociale.

 

2.2.3 La migration des femmes

a) De plus en plus de femmes sont impliquées dans la migration nationale, régionale et internationale pour trouver un emploi, pour retrouver leur famille, pour trouver refuge suite à des désastres naturels et écologiques, pour fuir les guerres, l’oppression politique, la discrimination liée au genre et la violation de leur droits humains. Certaines femmes sont forcées de migrer par des trafiquants.

b) Les statistiques sur les migrations internationales selon les genres sont rares, mais il apparaît que dans la dernière décennie, il y a eu une forte tendance vers la féminisation de la migration et il est possible de calculer que sur les 130 millions de migrants internationaux, la proportion des femmes et des hommes est environ de 50 pour cent.

c) La tendance vers la féminisation réfère à toutes les composantes des flux migratoires. Dans le passé, le phénomène de migration liée aux projets de réunification familiale était largement prédominée par la migration des femmes mais durant les dernières années la migration liée à l’emploi, aux réfugiés et aux demandeurs d’asile a augmenté.

d) Toutes ces composantes de la migration des femmes montrent tous une vulnérabilité spécifique liée au genre.

e) La migration pour la réunification familiale : elle reste la raison principale de la migration des femmes et pour cette raison, une tendance persiste dans les lois et les politiques, qui est d’assumer que les femmes migrantes dépendent toutes du fait de rejoindre d’autres migrants. Cette position peut être très vulnérable si les femmes n’obtiennent pas leur propre permis; leur permis de résidence et de travail dépendent du statut de leurs maris ; le divorce peut entraîner la perte de leur permis de résidence et elles souffrent donc souvent d’abus et de violence, la plupart d’entre elles vivant dans un environnement isolé où le rôle traditionnel est toujours vivant, et renforçant le rôle familial conservateur.

f) L’IS demande donc que les femmes migrantes qui veulent ou qui doivent se séparer de leurs maris ou divorcer, obtiennent un statut de migrant indépendant et sûr dans le pays d’accueil.

g) Le trafic : à côté des occupations ‘féminines typiques’ les femmes immigrantes sont impliquées dans des ‘occupations de type sexuel’, allant de différents types de services à la prostitution, une condition définie comme ‘esclavagisme abject’. Cette nouvelle forme d’esclavagisme est en augmentation partout dans le monde et montre que la mondialisation s’accompagne d’une incidence croissante du crime transnational. Il est estimé que 4 millions de femmes et d’enfants sont achetés et vendus dans des mariages forcés, la servitude domestique et l’exploitation sexuelle, à partir des pays en développement et des pays en transition. Globalement, la plupart des victimes en matière de trafic sont les femmes et les enfants et c’est donc un crime spécifiquement lié au genre et à l’âge contre lequel il faut se battre aux deux bouts de la chaîne.

h) Les mesures internationales en matière de coopération doivent être établies afin d’enrayer et d’empêcher une telle exploitation, comme l’ont requis les 14 femmes ministres des affaires étrangères, qui en octobre 2000 ont écrit au secrétaire général des Nations Unies, recherchant des mesures et un engagement international pour mettre un terme au trafic. Il est obligatoire de développer un système mondial d’alerte, qui surveillerait les flux possibles de migrants et de réfugiés afin de mettre fin au trafic à sa source. Les pays de destination devraient accorder aux victimes, quelque soit leur volonté de témoigner, une permission temporaire de rester durant la période de procédure judiciaire.

i) Le nombre de demandeurs d’asile a augmenté et le problème des réfugiés internationaux s’est accru du fait de la désintégration nationaliste, ethnique et sociale dans un nombre croissant de pays. En moyenne, le nombre d’hommes et de femmes dans ses flux est identique, même si dans les pays où une attention spécifique a été accordée à la législation en matière de persécution spécifique au genre, la proportion des femmes a tendance à être plus importante.

j) Les femmes réfugiées sont touchées de façon disproportionnée par la violence et les abus physiques et sexuels et sont traumatisées à cause de tortures cruelles ou de viol systématique. Le viol a été utilisé comme arme de guerre depuis l’Antiquité mais pour la première fois dans l’histoire, le Tribunal de l’ONU pour les crimes de guerre, à la Haye, a entamé en 2000 un procès relatif au viol de guerre et l’a qualifié de crime contre l’humanité.

 

2.2.4 Travail et migration

a) Parmi ces 130 millions de migrants transfrontaliers, au moins 40 étaient économiquement actifs dans les pays dont ils n’étaient pas les citoyens. Les raisons économiques sont - comme toujours dans l’histoire de l’humanité - le facteur le plus fondamental dans les processus actuels de migration. Et les écarts de revenu entre les parties riches et pauvres du monde s’agrandissent continuellement. Ce processus est lié à la mondialisation continue. Les chiffres du Programme de développement de l’ONU montrent que la part du revenu global des 20 pour cent de la population mondiale la plus riche a augmenté de 70 à 85 pour cent, tandis que celle des 20 pour cent de la population mondiale la plus pauvre est passée de 2.3 à 1.4 pour cent entre 1960 et 1991.

b) La division entre ceux qui ‘ont’ et ceux qui ‘n’ont pas’ est liée aux différences de revenu par personne et de niveaux de rémunération de la population active, dans les pays industrialisés mais aussi dans ceux de la ‘deuxième génération’. Aussi longtemps que ce type de divergence dans la rémunération du travail existe, l’incitation à émigrer existera. La migration économique à l’intérieur de l’Europe après la Seconde guerre mondiale a ralenti de façon significative lorsque le rapport salarial entre les pays du Nord les plus riches et les pays les plus pauvres du sud est tombé à 4:1.

c) Cet afflux constant de travailleurs a une influence significative sur le marché du travail dans les pays d’accueil. Ces effets sont différents selon la réglementation du marché. Là où le marché du travail est plus flexible, l’immigration a tendance à faire baisser les salaires réels.

d) Dans les pays qui ont un marché de travail peu flexible, l’immigration a tendance à faire augmenter le chômage. Cette tendance peut également être encore plus accentuée par les changements continus dans la structure de production des pays industrialisés. Le passage à une production basée sur le savoir dans les domaines de haute technologie et les industries de service est accompagné d’une baisse du nombre d’emplois dans les vieilles industries en déclin grâce auxquelles les travailleurs immigrants en Europe pouvaient trouver un emploi : l’industrie, les mines et les industries lourdes.

e) Les femmes se déplacent également de plus en plus seules, en tant que migrants économiques, en provenance principalement et récemment de l’Asie, du Japon et de la Corée, mais aussi d’Amérique latine et de quelques pays d’Europe centrale et orientale.

f) Il existe un lien entre l’augmentation de la participation des femmes au marché du travail des pays plus développés et le nombre d’immigrantes économiques venant des pays moins développés. Durant les dernières années, la migration de main d’œuvre féminine a principalement été poussée par la demande croissante dans les activités dominées par les femmes comme les travaux domestiques, les aides familiales ou les travaux peu qualifiés dans les domaines des services, qui étaient auparavant effectués par les femmes du pays d’origine. Ces dernières ne veulent plus travailler dans le secteur domestique, et les services sociaux pour enfants et personnes âgées sont inadéquats dans de nombreux pays. Les femmes migrantes se ‘substituent’ donc aux femmes du pays d’origine dans les secteurs leur permettant de rester sur le marché du travail, souvent travaillant durant de longues heures et ne bénéficiant pas de flexibilité d’horaires. La réconciliation du travail et de la vie familiale des femmes des pays très développés peut devenir un fardeau pour les immigrantes et il est donc crucial que les services domestiques ne soient pas et ne deviennent pas un secteur où les droits élémentaires ne sont pas garantis et que les femmes de pays plus développés ne jouent pas un rôle d’exploitation vis à vis des femmes immigrantes.

 

2.3 La politique globale de cohésion

a) La réponse à la menace posée par les conflits culturels et la migration est une politique globale de cohésion, basée sur les valeurs de la démocratie et de l’égalité sociale.

b) Des mesures spécifiques comprennent:

  • renverser les tendances de l’économie mondiale : trouver des moyens d’amener les pays en développement sur le chemin de la haute croissance en leur permettant de s’intégrer dans l’économie mondiale dans des conditions qui leur sont favorables ; ouvrir les marchés des pays industrialisés aux produits industriels, au textile et aux produits miniers ;
  • réduire les niveaux élevés de subventions pour l’agriculture qui existent dans l’UE et aux Etats-Unis;
  • arrêter d’évincer la production agraire des pays en développement en exportant les produits agraires des pays industriels, hautement subventionnés ;
  • arrêter le démantèlement de l’appareil d’Etat et des systèmes de protection sociale ;
  • réguler et humaniser la migration, investir dans l’intégration des populations de migrants déjà existantes ;
  • limiter les inégalités socio-économiques à l’intérieur des sociétés ;
  • créer des incitations pour lutter contre la récupération de la ressource la plus précieuse et la plus rare qui existe dans une économie basée sur le savoir – l’intelligence humaine formée – au dépens des pays en développement;
  • trouver un nouveau dialogue entre les pays et les cultures hors de l’Europe, en acceptant la différence culturelle et en développant la volonté de la maintenir ;
  • soutenir le planning familial dans les pays en développement qui est profondément liée aux models culturels et à la négation des droits fondamentaux des femmes ;
  • soutenir la coopération régionale entre les Etats plus petits.
  • garantir les politiques d’égalité en matière d’opportunité pour les femmes migrantes, politiques dont l’objectif n’est pas des mesures de protections mais un droit à la citoyenneté ;
  • promouvoir les politiques qui donnent plus d’autonomie aux femmes migrantes, leur permettant d’être entendues et de se défendre contre le racisme, la discrimination et l’exploitation ;
  • développer une Chartre des droits à la citoyenneté des femmes migrantes qui embrasse le droit à aux services de santé, à des conseils, et à la formation, la reconnaissance des qualifications éducatives et le droit de travailler dans des conditions décentes ;
  • identifier et mettre en place des politiques de défense des droits humains de la femme dans la lutte contre le trafic et contre le crime transnational organisé.

 

3. L’intégration sociale par l’éducation

a) L’éducation est la clé du développement durable, de la démocratie et de la paix dans les pays et entre eux. C’est donc un moyen indispensable pour l’intégration et la participation sociale dans les sociétés et économies du XXIe siècle. L’éducation est un droit de la personne.

b) Afin de redresser la focalisation trop étroite sur la croissance des revenus par habitant comme indicateur central des politiques de développement, une nouvelle structure a émergé qui souligne la mesure dans laquelle les capacités des personnes ont été améliorées et leurs choix élargis afin de leur permettre de profiter des libertés qui donnent un sens à la vie. Dans ce contexte, l’éducation est importante pour trois raisons au moins. Tout d’abord, les compétences fournies par l’éducation de base, comme le fait de savoir lire et écrire, sont précieuses en elles-mêmes. Ensuite, l’éducation peut contribuer à faire disparaître les aspects négatifs de la vie. Par exemple, une éducation primaire gratuite et obligatoire réduit le travail des enfants. Enfin, l’éducation est un outil puissant pour responsabiliser ceux qui sont très défavorisés. Par exemple, les femmes qui ont bénéficié d’une éducation peuvent simplement survivre mieux et plus longtemps que celles qui n’ont pas eu cette chance. Une bonne éducation primaire a aussi un impact positif sur la diminution du taux de fertilité, l’amélioration de l’alimentation et le dépistage plus précoce et plus efficace des maladies. Le lien entre l’alphabétisation et l’espérance de vie est très fort. Les parents (tout particulièrement les femmes) plus éduqués ont des enfants en meilleure santé et qui vivent plus longtemps. Définie ainsi, une éducation universelle, à la portée de tous, quel que soit leur sexe et leur catégorie socio-économique, a un grand impact sur les obstacles sociaux et économiques au sein d’une société et joue un rôle essentiel dans la réalisation des libertés de la personne.

c) L’objectif de donner à tous les enfants, jeunes et adultes du monde une éducation de base était l’un des grands résultats de la Conférence mondiale sur l’éducation pour tous, qui s’est déroulée à Jomtien en 1990, et il a été re-confirmé au cours d’une série de sommets pendant les dix ans qui suivirent. Cet objectif a en effet été réaffirmé dans six grands objectifs du Forum mondial de l’éducation organisé à Dakar en 2000. Le Cadre d’action de Dakar déclarait que d’ici 2015 tous les enfants d’âge primaire suivraient une éducation gratuite de qualité acceptable et que les disparités entre les sexes au niveau de l’éducation seraient éliminées. Le niveau d’analphabétisme des adultes aurait diminué de moitié, l’accueil de la petite enfance et les opportunités d’éducation et de formation pour les jeunes et les adultes seraient beaucoup augmentés et tous les aspects de la qualité de l’éducation seraient améliorés. La même année, les Objectifs de développement du millénaire ont été définis. Deux d’entre eux (l’éducation primaire universelle et l’élimination des disparités entre les sexes dans l’éducation primaire et secondaire) ont été qualifiés de critiques pour l’élimination de la pauvreté extrême. La fourniture d’une éducation de base a donc été correctement reconnue comme centrale dans la stratégie mondiale pour réduire la pauvreté dans le monde en moins d’une génération.

d) Aujourd’hui, près d’un milliard de gens sont soit analphabètes ou n’ont que des bases élémentaires lorsqu’il s’agit de lire ou d’écrire. Les deux quarts d’entre eux sont des femmes, surtout dans le monde en développement. Un adulte sur cinq ne peut ni lire ni écrire. Les campagnes d’alphabétisation passées n’ont pas réussi à réduire le niveau d’analphabétisme. La ‘Décennie de l’alphabétisme de l’ONU 2003-2012’ donne la possibilité de s’attaquer à ce problème, car l’alphabétisme est la clé d’une meilleure qualité de vie et elle est essentielle pour atteindre certains des autres objectifs de l’Education pour tous. Il existe plus de 100 millions d’enfants âgés de six à onze ans qui ne vont pas à l’école. Et parmi ceux qui se rendent à l’école primaire, un quart ne termine pas le cycle. L’importance de ce thème mondial de l’éducation ne saurait être trop souligné. Il est étroitement lié à la capacité des personnes du monde en développement de trouver des emplois décent un fois atteint l’âge adulte. D’autre part, l’éducation est la force motrice de la démocratie, et il est donc d’autant plus important d’investir suffisamment. La communauté internationale doit intensifier ses efforts pour atteindre l’objectif fixé par Education pour Tous d’ici à 2015 et fournir plus de ressources. Ici aussi, il est essentiel d’avoir des stratégies qui garantissent un accès égal à l’éducation ainsi que l’élimination des disparités entre les sexes dans l’éducation, y compris dans la formation professionnelle, la science et la technologie, en tenant tout particulièrement compte des femmes et des jeunes filles vivant dans les zones rurales et défavorisées.

e) Une stratégie pour l’éducation basée sur les droits a gagné du terrain depuis quelques années. Elle forme la base de comparaisons entre les progrès nationaux et les engagements internationaux, y compris ceux qui ont été prix à Dakar. Donner le droit à l’éducation est une obligation des gouvernements, qui doivent traduire leurs engagements internationaux en des lois contre lesquelles leurs citoyens ont des recours légaux. Sans législation, il est difficile de surveiller et d’appliquer les obligations. La mobilisation des gouvernements pour qu’ils développent et modernisent la législation est un élément critique de la mise en œuvre du Cadre d’action de Dakar. Les besoins de base en matière scolaire peuvent et doivent être satisfaits de toute urgence.

f) Assurer l’éducation primaire pour tous devrait être la première étape. Cependant, beaucoup de jeunes gens dans le monde en développement, nécessitent plus besoin que l’éducation primaire pour acquérir les compétences nécessaires pour les emplois qu’une stratégie globale pour l’emploi doit créer. Les systèmes d’éducation post-primaires doivent être renforcée de façon significative. Ceci doit être pris en compte dans la conception de réduction de la pauvreté. Des moyens innovateurs pour assurer aux étudiants des pays en développement l’accès aux écoles des pays industrialisés, aux universités et aux centres de formation, à travers des projet d’apprentissage par Internet, devraient être développés en tant que route prometteuse sur le long terme. La coopération entre les écoles et les Universités du Nord et du Sud doit être stimulée pour construire plus et de meilleures installations scolaires dans le monde en développement.

g) L’Accord général sur le commerce des services (GATS) est un danger qui menace les systèmes d’éducation publique partout dans le monde. L’éducation est tellement cruciale pour le développement social, culturel et économique de la société qu’il ne faudrait pas la soumettre aux règles d’un traité international qui donne la priorité à la libéralisation commerciale par rapport à d’autres objectifs. Les gouvernements doivent s’accorder suffisamment de liberté au niveau de la définition des politiques pour faire en sorte de pouvoir répondre aux besoins éducatifs de leurs citoyens aujourd’hui et dans l’avenir. Les principales disciplines du GATS n’autorisent pas cette souplesse car les engagements de libéralisation pris aux termes du GATS engagent les parties et extrêmement difficiles à modifier. Nous réfutons l’argument comme quoi le GATS est nécessaire pour répondre à l’absence chronique de services d’éducation dans les pays en développement. La coopération internationale entre secteurs éducatifs va certainement devenir un outil de plus en plus précieux pour lutter contre ce manque de services d’éducation. Mais les secteurs d’éducation jeunes et/ou en expansion exigent une stratégie réglementaire particulièrement prudente, souple et favorable si l’on veut atteindre les objectifs de développement social et de développement. Il est crucial que les gouvernements ne perdent pas le droit d’intervention efficace sur le marché. L’érosion du droit de définition des politiques qu’entraîne le GATS représente des risques particulièrement aigus pour les secteurs de l’éducation des pays en développement. Les services publics doivent être spécifiquement exclus et les GATS ne peuvent pas forcer ces pays à privatiser leurs services contre leur gré.

h) Un savoir basé sur la stratégie de développement est valide pour un agenda politique en faveur des bénéfices de développement dans toute la société, transformation du savoir dans un développement économique durable et des politiques saines. La coopération dans les domaines scientifiques et technologiques a toujours été une composante des relations bilatérales et multilatérales. Cependant, une nouvelle modification du paradigme est maintenant nécessaire pour établir le savoir en tant qu’élément clé du progrès mondial. La stabilité et la croissance mondiales dépendent de l’exploitation de nouvelles ressources. La technologie et le capital humain en sont la clé, et le défi est de développer des stratégies qui exploitent ce potentiel.

Pour passer au développement durable, le monde doit augmenter le nombre de personnes qui réfléchissent aux conséquences environnementales et sociales de leurs actions, qui peuvent et veulent atteindre cet objectif et qui travaillent pour y parvenir. Pour renforcer ces efforts de changement social, les Nations Unies ont décidé de faire de 2005-2015 la décennie de l’éducation pour le développement durable. L’éducation pour le développement durable motive, équipe et fait participer les personnes et les groupes sociaux à une réflexion sur notre vie et notre travail actuels, à la prise de décisions informées et à la création de moyens de créer un monde plus viable. Il s’agit d’apprendre aux adultes autant qu’aux jeunes à changer.

 

3.1 Une nouvelle mappemonde

a) Depuis la fin de la guerre froide, les anciennes divisions idéologiques ont cessé d’exister. Pratiquement tous les pays proclament allégeance au marché mondial. Mais une division plus difficile à résoudre apparaît, fondée cette fois sur la création, la possession et l’utilisation de la technologie. Une petite partie du globe, qui représente quelque 15 pour cent de la population de la planète, crée pratiquement toutes les innovations technologiques du monde. Une seconde partie, qui représente peut-être la moitié de la population du monde, est en mesure d’adopter ces technologies, soit pour la production soit pour la consommation. Le reste du globe, soit un tiers environ de la population mondiale, est d’un point de vue technologique en marge, n’innovant pas en matière de technologie et n’adoptant pas les technologies venues de l’étranger.

b) L’existence en elle-même de différences technologiques importantes n’est pas nouvelle dans l’histoire de l’humanité, mais ces différences ont de nouvelles implications et conséquences dans un monde certes segmenté d’un point de vue technologique mais économiquement de plus en plus intégré. La production exigeant peu de qualifications et de moyens technologiques sera remplacée par des formes de production agricole ou industrielle plus rentables, basées sur la technologie de pointe des ´ technopôles ª de la planète. Cette fracture technologique a été sérieusement élargie par le développement de nouvelles technologies clés dans les trente dernières années et va encore se creuser avec l’émergence de nouvelles technologies importantes comme le génie génétique et la mise au point de nouveaux matériaux.

c) Le trafic Internet de tout le continent africain, à l’exception de l’Afrique du Sud, est inférieur à celui de Manhattan, sans parler de New York City dans sa totalité. Les pays en développement ne sont néanmoins pas les seuls à se laisser distancer dans la course numérique. Les anciennes régions industrielles ou semi-industrielles, surtout en Europe de l’est, sont elles aussi menacées par cette fracture numérique. Les avantages qu’entraîne l’utilisation des technologies introduisent une distinction marquée entre utilisateurs, comme c’est le cas dans la nouvelle économie pour les personnes qui utilisent l’Internet uniquement pour leurs loisirs.

d) Parallèlement, la fracture numérique ne tient pas compte des anciennes polarisations Nord/Sud et premier / tiers monde. Cependant, près de 98 pour cent de la population d’Asie, 98 pour cent de la population d’Amérique latine et 99,5 pour cent de la population d’Afrique n’est pas connectée à l’Internet, mais dans certains cas le marché de l’Internet se développe rapidement même si le pourcentage total d’utilisateurs de l’Internet reste relativement faible. Alors qu’en 1990, 86 pour cent des internautes étaient américains, aujourd’hui les Etats-Unis ne représentent environ qu’un tiers des internautes dans le monde. En 2005, la Chine aura plus d’internautes que les Etats-Unis. L’utilisation de l’Internet est plus répandue parmi les jeunes Coréens que parmi les Allemands du même âge. Et enfin, le boom industriel de l’Asie du Nord-est et de certaines régions en Asie du Sud-est, se fonde, dans une grande mesure, sur la microélectronique, une véritable révolution technologique qui transforme des pays comme la Corée ou Taiwan en innovateurs technologiques de premier ordre, et qui motive la transformation industrielle des régions côtières de la Chine et de certaines régions d’Inde, les deux pays les plus peuplés de la planète.

e) Une fois de plus, une révolution technologique change le paysage économique et social du monde. De nouvelles industries apparaissent, d’anciennes industries disparaissent. De nouvelles technologies permettent à de nouvelles formes de production industrielle d’apparaître, fondées sur une nouvelle division mondiale du travail. Les emplois ouvriers traditionnels du secteur secondaire des centres industriels occidentaux disparaissent ou ´ migrent ª dans les pays où la main d’œuvre est beaucoup moins chère, et où, dans certains cas, les normes minimum en matière de législation du travail ne sont pas respectées. Parallèlement, les formes de production basées sur les aptitudes remplacent les formes d’accumulation basées sur les ressources dans les anciens pays de l’OCDE. Ceci a des conséquences importantes pour la structure sociale des pays industriels et des pays qui réussissent à trouver leur place dans la nouvelle division internationale du travail.

 

3.2 Le facteur humain

a) L’écart numérique n’est pas seulement un phénomène international. Il se manifeste aussi au sein des sociétés et des Etats. Les ´ connectés ª et les ´ non-connectés ª existent à une échelle mondiale mais aussi dans chaque pays. Alors que de nouvelles technologies s’affirment, les politiciens responsables vis-à-vis de leur électorat et les partis politiques démocratiques doivent trouver des moyens de lutter contre les nouvelles exclusions et divisions créées par ces transformations.

b) La fracture entre les générations et les sexes est une autre dimension de l’écart numérique. Les nouvelles technologies sont utilisées principalement par les jeunes de 15 à 24 ans et très peu par les personnes de plus de 55 ans. Les hommes utilisent ces technologies plus fréquemment que les femmes. Ces deux facteurs pourraient contribuer aux inégalités sociales.

c) Une chose semble évidente : le passage de la production industrielle et de la création de valeur basées sur les ressources, à la production et la création basées sur les aptitudes, exige que l’on examine à nouveau le facteur humain. La créativité humaine, les connaissances humaines, l’intelligence humaine sont les forces productives clés pour l’avenir. Il faut donc faire de gros efforts au niveau de l’apprentissage et de la formation. Malheureusement, les statistiques montrent que les pays qui ne sont pas hautement industrialisés ne rattrapent pas leur retard à ce niveau. La situation économique de certains pays en développement ne leur permet pas de dépenser le même pourcentage de leur PIB sur l’éducation publique que la plupart des pays de l’OCDE. La même chose est vraie pour les investissements en recherche et développement, qui sont très concentrés dans les pays innovants. Ces derniers sont aussi ceux qui font un effort soutenu pour augmenter le pourcentage du PIB investi dans l’éducation.

d) L’insuffisance des investissements pour développer les ressources humaines n’est pas le seul problème à ce niveau. Il en existe d’autres, comme l’analphabétisme, la formation des enseignants, l’obsolescence des systèmes d’éducation, notamment au niveau de l’éducation primaire, où les méthodes doivent changer et où il faut assurer la continuité entre les divers niveaux d’éducation. Surmonter ces problèmes est une obligation commune à tous les Etats, selon leurs capacités économiques, et à la communauté internationale, notamment les institutions financières internationales. L’éducation doit être considérée comme un processus d’inclusion sociale qui accompagné par des politiques visant à encourager une culture d’apprentissage démocratique, fournira des éléments d’identité sociale et d’engagement. La culture de l’éducation et de l’apprentissage devrait non seulement commencer au plus jeune âge mais devrait aussi continuer tout au long de la vie. Ceci aiderait à assurer l’inclusion sociale à tous les stages de la vie et la dignité qui en découle.

 

3.3 Le rôle des Etats

a) Les Etats doivent s’investir activement pour combler la fracture numérique et créer des opportunités pour les acteurs privés (personnes ou entreprises). Il est intéressant d’examiner la politique du plus grand pays numérique du monde, les Etats-Unis, à ce niveau. Parallèlement, l’Europe et l’Extrême-Orient ont rattrapé leur retard. Les pays moins développés devraient étudier les erreurs de ces pays et les éviter.

b) Aux Etats-Unis, l’Etat a non seulement investi lourdement pour créer une infrastructure technique digne de l’âge de l’Internet (le programme Data Highway, lancé en 1993), mais il a également investi beaucoup plus que d’autres pays dans des programmes visant à combler la fracture numérique nationale entre les ´ utilisateurs ª et les ´ perdants ª. Désireux de faire disparaître la fracture numérique au sein des Etats-Unis, le gouvernement fédéral dépense à lui seul environ 5,5 milliards de dollars chaque année pour créer des infrastructures et l’accès Internet pour les institutions publiques. Pratiquement la même somme a été investie pour l’accès Internet des écoles. Un programme similaire est mis en œuvre dans l’Union européenne sous l’intitulé Plan d’action E-Europe pour la société de l’information.

c) A une époque de nouvelles technologies d’information et de communication, le rôle de l’éducation devient indispensable. Les enseignants doivent être considérés comme des chercheurs actifs qui adaptent l’information technologique à ce qu’ils enseignent. L’éducation est un processus d’inclusion sociale constamment perturbé par la discontinuité des volontés politiques auxquelles fait défaut, entre autres choses, une vision à l’échelle nationale.

d) Aux Etats-Unis, l’Etat a réduit le coût de l’utilisation des technologies de l’information et de la communication en encourageant la concurrence, pour laquelle la dérégulation et la privatisation ont fourni des pré-conditions adéquates. A ce niveau, les Etats-Unis pourraient servir d’exemple à d’autres Etats. Le financement public est absolument nécessaire, non seulement pour l’éducation de base, mais aussi pour faciliter l’accès aux technologies de l’information et de la communication. L’exemple des Etats-Unis montre qu’il est impossible de combler la fracture numérique nationale et internationale sans investissement public, soit à partir des budgets nationaux soit grâce à une assistance internationale.

e) La déréglementation et la privatisation ne sont pas suffisantes si les conditions d’une concurrence efficace n’existent pas. Pour cela, l’accès aux marchés depuis l’extérieur doit être libre, y compris l’infrastructure des télécommunications.

 

3.4 L’avenir

a) Les gouvernements doivent chercher à résoudre les problèmes du monde technologiquement divisé, au niveau national et international. Généralement, la politique doit accorder plus d’importance à l’éducation, à l’apprentissage et à la formation.

b) Dans les pays de l’OCDE, la solution semble relativement évidente : investir dans la recherche et le développement, l’éducation et la formation, dans la réorganisation et la modernisation du secteur de l’éducation et augmenter les efforts pour permettre aux groupes technologiquement désavantagés d’utiliser les nouvelles technologies

c) Dans la plupart des pays en développement, l’aspect le plus critique est une absence de développement et de gestion des talents créatifs dans les domaines de la science, de l’art et de la technologie.

Parallèlement, on relève peu de signes encourageants dans le domaine plus large du développement industriel en général dans ces pays. Certains pays ont réussi à développer des entreprises nationales concurrentielles au plan international, non seulement au niveau de la production mais aussi dans le domaine de l’innovation, de la recherche et du développement. Mais ces centres d’excellence technologique hors des pays industriels traditionnels sont rares. La plupart ont été créés grâce à une politique industrielle active de l’Etat. C’est le cas de la plupart des développements industriels réussis hors de l’Europe depuis la seconde Guerre mondiale. Dans une économie mondiale ouverte, une politique industrielle nationale devient de plus en plus difficile.

Dans ces conditions, les acteurs clés de la réussite du développement technologique - les sociétés privées concurrentielles - ont énormément de difficultés à apparaître dans les pays en développement.

d) Il reste cependant plusieurs voies à explorer pour aider les pays technologiquement marginalisés à combler la fracture technologique:

  • La coopération internationale, dans certains cas, devra être repensée : il faut donner une plus grande priorité à la création de formation et d’apprentissage de haute qualité. Les institutions d’élite comme les universités et les établissements de formation scientifique doivent être appréciés pour leur rôle vital dans le processus de développement.
  • Dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, le Contrat général de service a un impact considérable sur l’éducation : les projets actuels pour élargir l’application de ce contrat renforcent la privatisation de ce secteur. Ceci pourrait entraîner un regain d’intérêt pour l’éducation, et peut-être son financement privé, ce qui signifie que l’éducation devrait peut-être être une exception.
  • Les possibilités pour les pays en développement de développer des capacités technologiques de bon niveau doivent être améliorées. Ceci a spécialement des implications pour le système de l’OMC et les négociations commerciales futures sur les droits de propriété intellectuelle en rapport avec le commerce (TRIP). Certains pays devraient aussi peut-être avoir la possibilité de quitter, partiellement et sélectivement, le système OMC si cela semble nécessaire pour assurer la réussite de leur développement industriel. La société civile, y compris le secteur privé et les ONG, les syndicats et autres parties intéressées, doivent soutenir le projet de l’ONU et développer leurs propres programmes complémentaires.
  • Depuis le début de l’an 2000, les institutions internationales commencent à accorder plus d’importance à la fracture technologique. A l’initiative du Secrétaire Général de l’ONU, Kofi Annan, les Nations Unies ont mis en place un Groupe de travail sur les technologies de l’information et de la communication. Le Sommet des G8 à Okinawa en 2000 a adopté la ´ Charte d’Okinawa sur les Technologies d’information mondiales ª et a créé un Groupe de travail sur les opportunités numériques, chargé d’analyser les risques d’une fracture numérique mondiale et d’identifier comment la révolution numérique pourrait apporter des avantages à tous les peuples du monde, surtout aux groupes les plus pauvres et les plus marginalisés. En décembre 2003, le Sommet mondial de l’ONU sur la société de l’information se tiendra à Genève. Cette conférence doit absolument permettre de réaliser des progrès pour combler le fossé numérique international. L’Internationale Socialiste devrait suivre ces activités avec beaucoup d’intérêt et devrait évaluer les possibilités dont elle dispose pour accompagner et apporter sa propre contribution à l’effort mondial pour combler la fracture numérique.

 

CHAPITRE III. DEMOCRATIE

  1. La démocratie mondiale au début du 21ème siècle

a) Considérant la croissance interdépendante de nos société mondialisée et le processus écologique, économique et social de la mondialisation, la dépendance des citoyens vis à vis de ces processus interconnectés, il est temps de construire des structures démocratiques efficaces pour gouvernance mondiale.

La démocratie et la participation politique de tous les citoyens dans tous les coins du monde à la mise en forme du développement mondial sont extrêmement importantes. Mais il existe encore des entraves à la formulation de décisions démocratiques dans le domaine de la politique mondiale.

b) Les entraves sont les suivantes :

  • Au niveau étatique, l’exécutif tend à dominer dans les affaires internationales et mondiales et on relève une absence de participation des parlementaires et des partis démocratiques qui contribuent à légitimiser les gouvernements par l’intermédiaire de leurs fonctions dans les élections.
  • La position et l’influence des différents Etats au sein du développement mondial est extrêmement inégale. Le futur de la plupart des pays du monde, en particulier dans le monde en développement et les pays en transition, dépend en grande partie des décision de quelques pouvoirs régionaux et mondiaux.
  • Les Nations Unies et d’autres institutions et régimes multinationaux manquent toujours des ressources suffisantes pour remplir leurs tâches de façon efficace et d’un organe parlementaire de prise de décisions, sont dirigés par les gouvernements des Etats, qui agissent principalement dans leur propre intérêt et sans la participation suffisante des parlementaires.
  • La force économique et financière des sociétés transnationales représente un facteur politique croissant dans les relations mondiales. Dans une large mesure, ils l’emportent sur la position des gouvernements étatiques. La prérogative de la politique dans la prise de décision et tant que telle, est en danger.

c) Durant les deux dernières décennies, des développements sociaux et politiques peuvent être simultanément observés à travers le monde, qui sont conçus pour résoudre les problèmes régionaux et internationaux de manière civile et démocratique.

On trouve parmi ces problèmes :

  • Le nombre croissant d’organisations non-gouvernementales – des organisations nouvelles au plan historique, et des organisations traditionnelles comme les syndicats – et leurs réseaux d’une portée régionale et mondiale, jouent un rôle constructif en provoquant la transparence, en initiant des débats, en mobilisant l’opinion publique, en modelant les processus mondiaux et en influençant les politiciens. Etant donné l’importance de leur rôle, elles manquent cependant d’un mandat suffisamment démocratique pour représenter les citoyens, des ressources pour résoudre par elles-mêmes des problèmes et d’un lien constitutionnel par rapport à la législature. Les organisations de la société civile sont des associations volontaires de citoyens représentant une large variété d’intérêts sociaux, politiques, environnementaux et économiques. Elles se considèrent comme étant indépendantes des gouvernements, et c’est pourquoi elles s’appellent organisations non gouvernementales ou ONG. Etant donné qu’elles poursuivent des objectifs à buts non lucratifs, elles peuvent escompter dans certains cas, le soutien direct ou indirect des gouvernements. La révélation du soutien qui leur est donné est essentiel à la transparence et fournit une garantie de leur indépendance. Des intérêts économiques privés peuvent exercer une influence sur les organisations de la société civile. Ceux-ci doivent également être révélés. La structure des sociétés ayant une économie de marché signifie que les intérêts du secteur privé ont leurs propres organisations. La différence entre de telles organisations et les ONG à buts non lucratifs doit non seulement être reconnue mais aussi discernable. L’intégrité politique des organisations de la société est énormément accrue si les travaux qu’elles conduisent sont transparents et si la formulation interne de leurs demandes et objectifs est soumise à des réglementations et des règles démocratiques. En tant que socialistes, nous soulignons que les syndicats libres ont joué un rôle important pour bâtir une société civile, démocratique et juste au plan social depuis plus d’un siècle. Il est essentiel qu’ils continuent à exercer cette fonction dans une société mondiale.
  • Au fil des années, un nombre croissant d’assemblées et de réseaux parlementaires supranationaux – aux bases formelles et informelles et liés à des structures intergouvernementales correspondantes ou à des problèmes spécifiques – ont été établies afin de faire face aux questions mondiales. Il existe aussi des assemblées de parlementaires au niveau régional dans toutes les parties du monde. Tous ces corps accomplissent un travail important mais ne possèdent pas d’influence décisive en ce qui concerne les problèmes mondiaux.
  • Les systèmes parlementaires fonctionnent démocratiquement s’ils sont liés au système multipartite. Les partis sont les médiateurs entre la société et les gouvernements. Ils remplissent la fonction d’intégration politique.
  • Les partis politiques recrutent leurs membres et cherchent approbation lors des élections dans la société civile. Ils poursuivent de façon active des objectifs qui sont également les objectifs des organisations de la société civile. De nombreuses et différentes formes de coopération fonctionnelle entre les partis politiques et les organisations de la société civile sont possibles et nécessaires dans l’intérêt de la démocratie. L’Internationale Socialiste et ses partis membres cherchent donc à prendre contact et coopérer avec les organisations de la société civile sur des questions spécifiques. A long terme, les relations entre les deux parties ne peuvent apporter leurs fruits que si les organisations de la société civile concernées acceptent et souhaitent avoir la gouvernance démocratique mondiale comme cadre des activités civiles, politiques et institutionnelles.
  • Au niveau mondial, les syndicats, les employeurs et les chambres du commerce ont fusionné. Un dialogue social a ainsi débuté au niveau mondial et il s’agit d’un élément important dans la prise de décisions politiques. L’Internationale Socialiste souligne l’importance du dialogue social au niveau mondial. L’Internationale Socialiste et ses partis membres coopèrent étroitement avec les syndicats.

 

0.1 Une structure politique mondiale démocratique et efficace

a) Il faut mettre en place une structure politique globale efficace et démocratique, qui soit la meilleure possible pour tous les citoyens du monde.

b) Il existe un large consensus selon lequel la démocratisation du processus de prise de décision et de la coopération, au niveau mondial et régional, est sur l’agenda politique. La démocratisation requiert transparence et responsabilité en ce qui concerne les décisions prises au niveau étatique, régional et mondial. Ceci signifie une plus grande implication des parlements dans la formulation et le contrôle de la politique régionale et mondiale.

c) Le fondement de la démocratie est le citoyen : hommes et femmes. Cela implique que les parlementaires doivent avoir le soutient de leur électorat pour travailler pour le bien commun et pour que les groupes de la société civile puissent avoir un accès libre à l’information et la possibilité d’influencer la politique par des expertise et des débats ouverts sur des sujets internationaux. De plus, il est nécessaire de développer des liens systématiques entre les parlements et la société civile, produisant ainsi un effet démocratique synergique.

d) En appliquant également les principes de la démocratie aux problèmes mondiaux, il faut aussi considérer le fait que le processus de mondialisation et du progrès technologique provoquent de nouveaux défis en matière de mise en application de la démocratie. On trouve parmi ces défis :

  • une complexité croissante de phénomènes apparentés dans les domaines de l’économie, de la société, de l’écologie et de l’agriculture ;
  • la multiplication des données, de l’information et de la communication ;
  • la présence d’acteurs mondiaux additionnels à côté des Etats et des institutions multilatérales tels que les sociétés et les mass médias transnationaux qui sont capables de mobiliser des ressources importantes pour faire passer leurs intérêts ;
  • la prise en compte de cultures, de valeurs et de points de vue plus différenciés lorsqu’il s’agit de former des concepts de développement global démocratiques.

e) De nombreuses décisions sont prises au niveau international par des institutions multilatérale et des organisations régionales. La question sera de savoir comment les assemblées législatives et les groupes internationaux de la société civile pourront peut-être poser une base démocratique plus large en matière de décisions multilatérales.

f) Comme la mondialisation et les décisions au niveau mondial réduisent la marge laissée à la libre décisions des Etats et qu’en même temps le monde insiste sur la démocratie, il est nécessaire de repenser les concepts instrumentaux de la démocratie, lorsqu’on applique ses principes au niveau mondial. Un nouveau paradigme de démocratie mondiale est nécessaire. Parmi les étapes vers un nouveau paradigme, des succès pourraient être obtenus dans 2 domaines :

  • De nouvelles formes adéquates en matière de représentation des citoyens au nivaux supra-étatique – les formules : un vote par Etat ou un vote par personne ne se sont révélées être à la fois démocratiques et fonctionnelles.
  • De nouvelles formes adéquates en matière d’information sur des sujets mondiaux doivent être mises à la disposition des parlements et de la société civile pour encourager la transparence et la responsabilité – en utilisant pleinement les techniques modernes de l’information et de la communication.

 

0.2 La Déclaration du Millénaire de l’ONU

La base de tout effort pour obtenir la démocratie mondiale devrait être la Déclaration du millénaire des Nations Unies. Dans cette déclaration, les chefs d’Etat et de gouvernements sont se mis d’accord au sujet des droits de la personne, de la démocratie et de la bonne gouvernance pour faire tout leur possible pour promouvoir la démocratie et renforcer l’Etat de droit, ainsi que le respect de tous les droits de la personne et des libertés fondamentales reconnues à l’échelle internationale, y compris le droit au développement. Ils se sont résolus à :

  • respecter pleinement et soutenir la Déclaration universelle des droits de l’homme ;
  • lutter pour la protection totale et la promotion des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels pour tous et dans tous les pays ;
  • renforcer la capacité de tous les pays pour appliquer les principes et les pratiques de la démocratie et du respect des droits de la personne, y compris les droits des minorités ;
  • combattre toutes les formes de violence contre les femmes et mettre en œuvre la Convention  sur l’Elimination  de toutes les formes de discrimination contre les Femmes ;
  • prendre des mesures pour assurer le respect et la protection des droits des migrants, des travailleurs migrants et de leur famille, pour éliminer les actes croissants de racisme et de xénophobie dans de nombreuses sociétés et de promouvoir une plus grande harmonie et tolérance dans toutes les sociétés;
  • travailler collectivement pour des processus politiques plus inclusifs, permettant une véritable participation de tous les citoyens de tous les pays ;
  • assurer la liberté des médias pour qu’ils puissent leur rôle essentiel et le droit du public à avoir accès à l’information.
  • La bonne gouvernance

La gouvernance, à savoir celle qui répondra aux défis de la mondialisation doit être bonne, c’est à dire une gouvernance efficace, démocratique et sujette à la suprématie du droit, au niveau étatique, mondial, régional, sous-régional et local. Un nouvel ordre mondial est en jeu. L’agenda conservateur se déploie pour modeler le nouvel ordre mondial de façon à ce qu’il soit unilatéral et unipolaire. L’Internationale Socialiste devrait construire des alliances mondiales afin d’en faire un ordre multilatéral, multipolaire à plusieurs niveaux, capable d’améliorer les relations de partenariat entre les différentes parties prenantes. Elle lance un appel pour que les institutions multilatérales soient renforcées afin d’augmenter la coopération internationale. L’IS soutient la réforme de l’ONU sous la direction de son Secrétaire-Général.

 

1.1. Vers un système de gouvernance mondiale

a) Un système de gouvernance mondiale est nécessaire pour fournir aux citoyens la souveraineté que les Etats seuls ne peuvent plus fournir dans le contexte de la mondialisation. Dans un système de gouvernance mondiale, la gouvernance sur plusieurs niveaux complètera la souveraineté des Etats. Elle le complémentera avec des institutions et des réglementations supra étatiques là où c’est nécessaire et possible. Afin que ce système de gouvernance mondiale fasse face aux problèmes actuels, il devra contenir – au moins – les éléments ou composantes suivants :

b) Il devra renforcer le cadre légal des Etats en tant qu’acteurs dans le système international en renforçant les mécanismes de règlement et de résolution des conflits au sein d’un cadre de règles internationales : cela signifie un renforcement du système de l’ONU et d’institutions plus spécifiques comme la Cour internationale de justice, le Tribunal pénal international, le Centre international de la Banque mondiale pour le règlement des disputes en matière d’investissements.

c) Il devra renforcer l’influence politique des Nations Unies ; un des principaux éléments de cette volonté sera la réforme de la composition et des mécanismes du Conseil de sécurité ; il devrait être plus représentatif des régions, y compris celles en développement.

d) En plus d’un Conseil de sécurité réformé, il devra y avoir un nouveau Conseil pour le développement durable

e) Le principal défi de la gouvernement mondiale, dont la forme aura nouvellement été structurée, sera de centraliser d’un côté, les tâches traditionnelles de la sécurité mondiale au sein du Conseil de sécurité réformé, et d’un autre côté, les tâches du développement environnemental, économique et social mondial au sein du Conseil pour le développement durable. Les deux Conseils de sécurité ont les mêmes droits sur la base de la Charte des Nations Unies. Toutes les institutions mondiales qui sont formées par les Etats doivent être assignées par les deux Conseils de sécurité. Ce n’est qu’en les rassemblant que le soutien parlementaire et le contrôle deviendront possible. Cette structure pose des défis importants à la capacité coopérative des institutions mondiales qui jusqu’à présent étaient à l’extérieur du système des Nations Unies. Un thème d’importance est le nom. Un Conseil pour le développement durable reprend le concept internationalement apprécié de développement mondial qui a été formulé par la Commission Brundtland et mis en œuvre à Rio et à Johannesburg. Cependant, d’autres noms sont également concevables, telle que la proposition faite par le Parti des Socialistes Européens d’établir un Conseil pour la sécurité humaine et un Conseil pour le développement humain.

f) Il devra contenir des normes et des mécanismes efficaces pour protéger la biosphère mondiale et assurer que la participation dans le commerce mondial ne sera pas obtenue sur la base de la surexploitation de la nature. Ceci contient à l’évidence une dimension sociale forte : ce sont les personnes pauvres qui ont tendance à souffrir le plus de la pollution, des techniques de production nocives et de leurs effets sur l’environnement, la santé, la diminution des réserves du sol et d’eau.

g) Il doit créer un système d’institutions internationales aidant à stabiliser l’économie mondiale. Ceci embrasse une réforme du FMI, de la Banque mondiale et de l’OMC ainsi qu’une régulation efficace du système financier international. Le point central ici n’est pas de réformer seulement les aspects organisationnels de ces institutions mais de faire en sorte que es institutions changent leur caractère. Jusqu’à présent, elles servent essentiellement à enfermer une perspective essentiellement néo-libérale de l’ordre économique international, de maximiser la liberté des sociétés transnationales et de rendre illégal un grand nombre des instruments traditionnels des politiques des Etats dans les sphères économiques, sociales et de l’emploi. Les règles économiques internationales doivent incorporer des clauses de sortie. De tels arrangements permettent aux démocraties de réaffirmer leurs priorités quand celles-ci s’opposent aux obligations prévues par les institutions économiques internationales. Celles-ci doivent être considérées comme une part générique des arrangements économiques durables.

h) Il devra créer un système de normes sociales obligatoires, mitigeant les effets de la mondialisation économique et assurant que la compétition économique ne soit pas basée sur la surexploitation des femmes et des hommes ou de l’environnement. Les Standards fondamentaux en matière de travail et la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, qui lance un appel aux Etats membres de l’OIT de travailler activement en faveur des principaux droits en matière de travail, qu’ils aient ou non ratifié les conventions respectives de l’OIT, devraient servir comme blocs de construction fondamentaux de ce système obligatoire de standards sociaux minimums.

i) Il faut créer un tribunal international indépendant pour la résolution des problèmes de dette extérieure des pays en développement. Le FMI ne peut pas et ne devrait pas assumer de responsabilité dans ce domaine, étant l’un des principaux créditeurs des pays en développement criblés de dette. Un modèle pour un mécanisme de solution pourrait être le Traité de Londres de 1953 qui a résolu la dette historique de l’Allemagne – en des termes qui étaient bien plus favorables que tout ce que le monde occidental offrirait aujourd’hui à la plupart des économies en crise du tiers et du quart monde.

 

1.2. Au-dessous et au-dessus de l’Etat-nation : le rôle de l’intégration régionale et des communautés locales et sous-régionales au sein du système de gouvernance dans une société globalisée

a) La mondialisation signifie en premier lieu que les domaines économique, social, culturel, politique et l’interaction interpersonnelle ont tendance à dépasser encore plus les limites des Etats individuels ou les zones historiques d’interaction dense entre les régions.

b) Etant donné cette tendance, il existe un besoin évident de créer des institutions et des réglementations qui peuvent servir d’équivalents fonctionnels aux institutions qui ont été créées historiquement dans les limites de l’Etat moderne pour fournir et délivrer les ‘biens publics’ que nous considérons nécessaires pour le bien-être collectif et le fonctionnement ordonné des sociétés et des marchés.

c) Parallèlement, nous observons dans de nombreuses parties une tendance vers une ‘contraction’ des sphères de l’autorité, de la légitimité et de l’identité. Ceci ne s’oppose pas à la mondialisation mais constitue un processus parallèle qui reçoit son élan à partir des dynamiques ‘dénationalisantes’ de la mondialisation elle même. Ce processus peut être appelé ‘fragmentation’ - une combinaison à partir de la fragmentation en des unités plus petites et de l’intégration en entités mondiales ou continentales plus larges ou en sphères d’interaction. Cette ‘fragmentation’ s’est produite et se produit :

  • dans l’ancienne Union soviétique ;
  • en l’Europe occidentale, où les régions ré-émergent en tant que sphères importantes de l’identité au sein du contexte institutionnel de l’Union européenne.

d) Des formes encore plus pathologiques de ‘fragmentation’ peuvent être observées dans d’autres parties du monde, où les Etats issus de la décolonisation ont laissé place à une reconstruction anarchique des sphères politiques et économiques dans de nombreuses régions d’Afrique.

e) Des nouveaux arrangements institutionnels, qui répondent à ces tendances, sont nécessaires. Ces nouveaux arrangements institutionnels comportent quatre niveaux :

  • un niveau mondial, comprenant tous les Etats, consistant en des organisations internationales et des régimes correspondants aux défis qui ont un caractère mondial ;
  • un niveau régional reconstruisant les sphères de l’institutionnalité politique et économique à des niveaux correspondant aux sphères d’interaction transfrontalières dense entre Etats;
  • un niveau sous-régional, satisfaisant le besoin croissant en matière de d’identification et de participation à une époque où les capacités de l’Etat traditionnel à correspondre à ces besoins, ont tendance à se réduire.
  • un niveau local, préservant l’importance historique des villes, des cités et des villages comme base de la vie sociale et politique.

 

1.3 Réformer les institutions mondiales

1.3.1 Principes de réforme

Les institutions mondiales jouent un rôle de plus en plus important dans la politique internationale. Cependant, ces dernières années ont montré la nécessité de sérieuses réformes structurelles de ces institutions. Cinq éléments devront jouer un rôle majeur dans ces efforts :

  • une transparence et une responsabilité accrues des organisations par rapport aux Etats membres et au public en général ;
  • un nouvel équilibre politique entre les différentes agences, en définissant des procédures plus claires en matière de résolution des conflits d’intérêts ;
  • la coordination de ces agences internationales ;
  • une démocratisation profonde des institutions, en renforçant le rôle des parlementaires, des partis et de la société civile ;
  • les pays en développement doivent exercer une influence importante en particulier sur les questions qui leur sont d’importance cruciale.

La capacité de notre planète à construire un système de gouvernance à plusieurs niveaux, semble être en jeu et ceci engendre plusieurs préoccupations :

  • tirer le meilleur parti de chaque niveau, local, sous-régional, national, régional et mondial, selon de principe de subsidiarité ;
  • améliorer l’interaction et la collaboration entre ces différents niveaux ;
  • améliorer le niveau mondial et multilatéral, qui semble très clairement être le niveau le plus faible, contrastant avec les problèmes qu’il devrait aborder.

 

1.3.2 l’action à court terme 

a) En parallèle, des mesures plus pragmatiques devraient aussi être prises à très court terme, sur le processus à organiser, afin d’atteindre les objectifs concrets déjà adoptés, impliquant les différents actionnaires. Les réseaux sur les thèmes mondiaux représentent un modèle concret ; ils seraient composés par une série d’acteurs diversifiés, en provenance d’administrations publiques et de la société civile, et engagés à améliorer les pratiques et les normes relatives à une question mondiale spécifique, comme les déficits en eau, la fracture numérique ou la lutte contre la pauvreté. Un autre modèle consiste en des tables rondes sur les questions mondiales, traitant de compromis difficiles tels que le commerce contre l’emploi, ou le commerce contre l’environnement. La méthode ouverte de coordination, utilisée au sein de l’Union européenne pourrait également être un outil utile.

b) L’opinion semble être plus divisée en ce qui concerne la solution concrète qui pourrait être adoptée afin d’améliorer la coordination des différentes agences. La cadre actuel, comme rappelé dans le Plan de mise en œuvre adopté lors du Sommet de Johannesburg, est composé par l’Assemblée générale, le Conseil économique et social, (ECOSOC) et le Conseil d’administration des directeurs généraux présidé par le Secrétaire général de l’ONU. La faiblesse de ce cadre institutionnel contraste avec le Conseil de sécurité de l’ONU et est partiellement compensée par la structure informelle du G7/8 ou, plus récemment, le G20 pour certaines raisons financières. Le besoin de créer un organisme de coordination horizontale plus légitime, même si le G7/8 continue d’exister, a récemment mené à plusieurs propositions telles que :

  • un Conseil composé de représentants des principaux blocs régionaux ;
  • un Groupe de gouvernance mondiale (3G), composé par des chefs d’Etats, plus précisément ceux qui ont des directeurs au sein du conseil du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, ainsi que du Secrétaire général de l’ONU et des directeurs généraux de l’OMC, de l’OIT et de l’OME ;
  • un Conseil de sécurité économique composé par des membres permanents et élus, ayant pour objectif une meilleure représentation de la communauté internationale des nations.

c) La principale proposition de l’Internationale Socialiste est d’établir un nouveau Conseil de sécurité des Nations Unies sur les questions économiques, sociales et environnementales – un Conseil pour le développement durable.

 

1.4. Les régions en tant que niveau intermédiaire de la gouvernance et de l’intégration économique

a) Les régions assument un rôle croissant dans les domaines de l’interaction économique, sociale, migratoire et culturelle. Face à cela, plusieurs régions du globe ont réagi en créant des mécanismes d’intégration régionale. En premier lieu, ces projets d’intégration répondent aux intérêts et aux dimensions économiques ; mais un nombre croissant de projets d’intégration régionale ont tendance à intégrer d’autres dimensions, purement commerciales et économiques – en premier, évidemment, l’Union européenne.

b) Les régions créent des niveaux intermédiaires ou des cadres institutionnels dans au moins trois dimensions.

  • Sur le plan économique, elles créent des niveaux intermédiaires de commerce international, permettant une spécialisation, des processus d’apprentissage, l’entretien de nouvelles industries et technologies ainsi que des profits, en préparant ainsi les entreprises des pays les moins développés à la compétition du marché mondial ;
  • Elles créent des cadres internationaux pour trouver une solution aux problèmes trans-étatiques et aux interactions qui ne sont plus étatiques mais qui n’ont pas de dimension mondiale ; et elles établissent des zones de cohésion sociale basées sur la solidarité ;
  • Elles établissent des cadres internationaux pour le besoin croissant en matière d’actions de stabilisation dans le contexte de conflits internes et internationaux croissants – qui est un résultat direct du stress ‘désintégrateur’ exercé par les processus de mondialisation sur les sociétés nationales et les Etats. Comme beaucoup de ces processus ont des implications et des d’intérêts régionaux, et non pas globaux, ni les Etats-Unis, ni l’OTAN, ni le système de l’ONU ne veulent assumer les coûts financiers et politiques impliqués par la paix ou le maintien de la paix, ni même les interventions préventives avant qu’un conflit à plus grande échelle n’éclate. Les institutions régionales, dirigées par des pouvoirs régionaux ‘intermédiaires’, sont actuellement les seuls acteurs possible pour ce type d’actions en faveur du maintien de la paix dans les domaines périphériques du système international.

 

1.5 L’Etat, ses institutions et ses instruments de politique publique

a) Deux concepts concernant la réforme de l’Etat sont mis de côté ou rejetés. L’un se limitait à la logique administrative, donnant lieu à la grande réforme d’un Etat omniprésent. L’autre, de nature minimaliste, l’héritier des processus de stabilisation et d’ajustement, se dirigeait vers une réduction statique des fonctions et de la taille de l’Etat, une telle réduction étant considérée comme un objectif socialement optimal et immuable.

b) Aujourd’hui, par contre, une conviction concernant l’importance de l’Etat et du rôle qu’il doit jouer dans les sociétés actuelles, se renouvelle. La réforme de l’Etat est nécessaire afin de revitaliser la vie publique face au défi de recherche de la croissance accompagnée par l’équité. Ceci requerra un Etat renouvelé, actif et puissant, ni plus grand ni plus coûteux que l’Etat présent, mais un Etat qui aura certainement une relation plus étroite avec ses citoyens. En ce sens, les processus de changement et de rénovation qui ont émergé durant les dernières années ont une tendance commune, le besoin d’améliorer la façon dont les ressources publiques sont utilisées et d’augmenter la qualité de l’action entreprise par l’Etat, que ce soit en terme de mécanismes de prise de décisions, de qualité des services fournis ou de transparence de ses actions.

c) La réforme de l’Etat est comme un processus énorme et difficile en vue d’affermir les valeurs des citoyens. Les actions requises nécessitent de se centrer sur la satisfaction des utilisateurs finaux, sur l’encouragement du contrôle social et sur la transparence en ce qui concerne le coût et l’utilisation des ressources et la qualité des services publics. Il faut éviter que l’administration devienne un domaine fermé au public et ne s’occupant que d’elle-même. De plus, l’administration doit devenir plus compréhensible, plus claire, plus accessible. L’opposé complet d’un Etat autiste et absent.

d) Ce processus, long et complexe, s’accompagne de concepts de flexibilité. Ceci s’applique à la relation entre l’Etat, ses fonctionnaires et ses employés. Cela concerne également l’innovation continuelle dans les mécanismes de prise de décisions, et dans la façon dont les services publics sont produits. Il faut également tenter d’augmenter la productivité dans la fourniture des services publics. Mais il existe des différences entre les biens et services vendus sur le marché et les services publics.

e) Dans de tels Etats réformés, c’est dans les villes que la politique a plus que jamais un sens. Après tout, ce sont dans les domaines social et territorial des sous-régions et des municipalités que le rapport de l’Etat à ses citoyens et les relations qu’ils ont entre eux, qui créent les conditions de base pour l’action politique. La façon dont les affaires publiques sont traitées dans les villes et les sous-régions a commencé à jouer un rôle important à cet égard.

 

1.6 Le niveau sous régional

a) Dans le processus de mondialisation, le rôle de l’Etat se transforme. Partout dans le monde, les gens ont tendance à réagir face à ces développements par une ‘redécouverte’ d’entités politiques et sociales plus limitées et plus paroissiales, basées sur des éléments culturels communs tels ‘l’histoire’, la religion, la langue et les coutumes. Cette redécouverte de l’identité culturelle va de paire avec l’importance croissante des unités territoriales régionales / sous-nationales dans de nombreuses parties du monde. Les États doivent adapter leur constitution afin de tenir compte de ces tentatives pour obtenir la décentralisation.

b) Le principe de subsidiarité doit être considéré de façon sérieuse : dans la nouvelle répartition des responsabilités entre les niveaux supranationaux (globaux), régionaux, étatiques et sous-régionaux, le niveau sous-régional doit conserver autant de compétences que possible. Il est évident que cela constitue une opposition diamétrale aux dynamiques du système international néo-libéral, dans sa forme actuelle – discriminant toute forme non commerciale d’organisation de l’interaction sociale. De nombreux points des négociations actuelles de l’OMC, sujets à controverse, ont des implications directes sur les capacités des communautés régionales ou locales à maintenir des politiques et des services orientés vers le public, notamment commerce des services, droits des investisseurs, acquisitions gouvernementales.

c) Tandis que la ‘substance’ démocratique s’estompe au niveau étatique, des décisions et préférences démocratiques se diluent de plus en plus dans des formules de compromis des politiques internationales, les niveaux sous-régionaux et locaux prennent de l’importance en tant que zones où la participation démocratique des citoyens peut s’exercer et s’intensifier. Cela signifie qu’au niveau régional et local des formes de participation des citoyens, nouvelles et participatives, peuvent être appliquées et renforcées.

 

2. Transparence

La transparence des décisions démocratiques et des processus sont un préalable de la démocratie. Ceci s’applique à tous les niveaux politiques. Plus le niveau est haut, plus les gens sont touchés par les décisions, plus la zone couverte par les décisions est large et plus le préalable de la démocratie devient nécessaire et exigeant. La transparence au niveau mondial est nécessaire.

Les citoyens, en tant qu’individus et groupes, peuvent soutenir la cause de la transparence en faisant tout leur possible pour obtenir l’information et la faire passer, en particulier dans les organisations de la société civile. La transparence est donc une demande nécessaire que les sociétés font aux gouvernements.

La transparence requiert aussi des médias libres et indépendants. Les médias collectent les informations et les modèlent. Cette médiation entre la gouvernance à tous les niveaux, et les sociétés, est une fonction hautement responsable.

 

2.1. Le rôle de la société civile

a) La transparence des politiques et de la politique mondiale est un besoin nécessaire pour une société civile démocratique. Les organisations de la société civile jouent un rôle crucial dans l’augmentation de la transparence des processus de prise de décisions au niveau mondial. En participant aux conférences internationales et aux réunion intergouvernementales aux Nations Unies et dans d’autres organisations internationales, ils rendent les positions communes et les confits d’intérêts des gouvernements plus visibles pour le public mondial. Les organisations de la société civile aident donc à réduire l’écart en matière d’information qui existe entre le niveau global et le niveau étatique ou local.

b) De plus, les organisations de la société civile contribuent de façons variées à la mise en œuvre des décisions intergouvernementales, en particulier les résultats des conférences mondiales des Nations Unies lors des dernière décennies. Elles aident l’opinion publique à prendre de plus en plus conscience des problèmes environnementaux, sociaux et économiques mondiaux et à propager les informations concernant les engagements internationaux, les normes et objectifs acceptés par les gouvernements, tels que les Objectifs de développement de l’ONU pour le Millénaire et les principes fondamentaux du travail de l’OMT. Elle promeuvent donc la mise en œuvre de ces objectifs et principes universels et contribuent à la reconnaissance grandissante du besoin urgent pour une politique multilatérale et des structures de gouvernance mondiale démocratiques.

c) Cependant, tandis que de plus en plus d’institutions internationales – en particulier au sein du système des Nations Unies – accroissent leur transparence et légitimité au travers de la participation de la société civile, il existe toujours de nombreuses organisations sans mécanismes adéquats de participation ou d’information du public.

d) Des mécanismes formels et complets pour la participation de la société civile et pour accéder à l’information doivent donc être établis dans toutes les organisations internationales, y compris l’OMC, le FMI et la Banque mondiale. Ils constituent des conditions nécessaires à la démocratisation de ces institutions et sont indispensables à un dialogue détaillé entre les organisations internationales et la société civile, un dialogue civil dans lequel toute organisation ou personne peut participer.

 

2.2. Le rôle des mass médias dans la démocratie contemporaine et dans le contexte de la mondialisation

Le droit à la liberté d’expression, ainsi que la liberté de la presse, comme corollaire de ce droit, représentent les valeurs fondamentale de la démocratie. Sans ces droits, de nombreux progrès réalisés dans le monde contemporain ne pourraient pas être imaginés. C’est pourquoi tous ces droits doivent être défendus.

 

2.2.1. Le rôle positif des mass médias dans le développement de la démocratie

La liberté de la presse, ainsi que la liberté d’expression, sont essentielles à la défense et au développement de la démocratie. L’expérience des dix dernières années, dans l’Europe post-communiste et dans certains Etats d’Amérique latine et du Moyen-Orient, montre que les mass médias ont servi de façon décisive à la construction de la transparence et de la société civile, ainsi qu’à lutter contre les tendances autoritaires de certains politiciens ou partis. Ils corrigent également et continuent de corriger les excès, les négligences et les erreurs de gestion dans les pays ayant une démocratie consolidée. Sans la liberté d’expression, et donc sans la liberté des mass médias, une démocratie n’est pas concevable. La liberté de la presse rend parfois la vie du gouvernement démocratique ou des personnalités publiques, difficile ; mais elle rend toujours impossible la dictature.

 

2.2.2. Les problèmes de la démocratie contemporaine

a) Il faut cependant noter que la démocratie passe à présent par une crise de croissance et d’adaptation aux nouvelles réalités mondiales contemporaines. Les causes de cette crise sont les suivantes :

  • l’insuffisance des mécanismes de la démocratie par rapport aux conditions de la mondialisation ;
  • l’apparition, dans le contexte de la mondialisation émergente, de communautés sociales qui, craignant de ne pas pouvoir s’adapter aux nouvelles conditions, sont sensibles au message populiste et national populiste ;
  • l’affaiblissement de la crédibilité et même le manque d’efficacité des mécanismes classiques démocratiques, dû au manque de transparence, ‘d’électoralisation’ et de commercialisation de l’action politique.

b) En ce qui concerne la troisième cause, il faut souligner que l’utilisation des méthodes du marketing commercial dans l’exercice de la démocratie a ouvert un fossé entre la société et le domaine politique et entre le pouvoir et la vérité. Ce fait est exprimé par la faible participation électorale, la non implication civique et les vues cyniques des acteurs sociaux. Vis à vis de ces trois causes, les mass média ont une immense responsabilité et un rôle essentiel à jouer.

 

2.2.3. Les problèmes et les abus des mass médias

a) Une démocratie avec une économie de marché et la propriété privée a permis aux médias libres de devenir un véritable pouvoir. Par conséquence, il est indispensable que les médias se comportent d’une façon transparente et responsable. Selon les principes démocratiques, il n’existe aucun pouvoir qui ne puisse être reconnu comme légitime sans être responsable. Sans limites, un tel pouvoir peut commettre des abus, comme tout autre pouvoir. La liberté des médias ne signifie pas que les marchés des médias doivent rester sans réglementations. En même temps, la régulation des marchés des médias ne doit pas entraîner une censure déguisée.

b) Les mass média ont une responsabilité tant que le développement démocratique et les déficits démocratiques sont concernés. L’exigence d’un engagement déontologique clair est aujourd’hui l’une des conditions de base de la démocratie et du respect des droits de la personne. La gouvernance démocratique doit donc affirmer que la liberté de presse n’est pas réduite à être indépendante vis à vis du pouvoir public mais doit aussi être indépendante vis à vis des intérêts privés. Les standards mondiaux pour la régulation des médias doivent donc être élaborés par l’ONU en coopération avec les organisations régionales comme l’Union européenne.

c) D’un autre côté, l’émergence de monopoles médiatiques crée les prémisses d’une réduction du nombre d’options disponibles pour les citoyens et la possibilité de les manipuler subtilement. La qualité de l’information diminue et le danger de désorientation des citoyens augmente, car les lois de la concurrence de l’économie de marché ne protègent plus le consommateur de la presse. Cela signifie aussi que la qualité de la démocratie diminue.

 

2.2.4 Responsabilités communes aux mass médias et à la bonne gouvernance pour faire progresser le développement de la démocratie

a) Tous ces phénomènes négatifs - d’autant plus sérieux que la mondialisation avance et que la presse fait part d’évènements qui se déroulent loin et qui ne peuvent pas être vérifiés directement - devraient mener à la reconnaissance, en plus du droit à la liberté d’information, de la liberté d’expression et de la liberté de la presse, ainsi que du droit des citoyens à une information exacte. Aux vues de ce droit, il faut soutenir :

  • La reconnaissance du fait que l’activité de la presse est une activité d’intérêt public et donc qu’elle doit être effectuée en accord avec des normes professionnelles et dans un cadre démocratique légal. Les institutions politiques qui font partie du système gouvernemental ou parlementaire ne doivent cependant pas exercer de contrôle. Seuls les tribunaux judiciaires et la société civile le peuvent;
  • La reconnaissance du droit individuel d’avoir recours à une juridiction compétente pour chaque personne ayant un intérêt légitime à une information correcte ;
  • L’adoption de réglementations spéciales concernant la lutte contre le confit d’intérêt dans le domaine des mass médias. Selon ces réglementations, la propriété ou la co-propriété, ainsi que la participation, dans l’administration de certains instruments médiatiques, de ceux qui sont actifs dans la vie politique ou de ceux qui sont les propriétaires ou les actionnaires majoritaires de sociétés commerciales d’un autre profil, entre autres, devraient être bannies ;
  • L’adoption de lois spéciales anti-trust pour les institutions médiatiques. En cette fin, les trusts médiatiques possédant une télévision ou une station de radio jouissant d’une audience nationale ne pourraient pas posséder leur propre journal national, ou vice versa. De plus, toute entente commerciale et toute entente en matière de politique éditoriale ou de cartel conclues entre plusieurs institutions médiatiques doivent être interdites. Les conventions selon lesquelles les institutions médiatiques ne doivent pas critiquer la position ou ne pas dénoncer les erreurs d’une autre institution, en matière d’information, seront considérées comme nulles ;
  • L’organisation d’institutions professionnelles de journalistes et l’adoption de codes de déontologie des mass médias. Le manquement au devoir professionnel établi par de tels code devrait être sanctionné par des tribunaux spéciaux pour la presse, formés par les journalistes eux-mêmes, qui, lorsque les personnes concernées leur présentent l’affaire, pourraient appliquer des sanctions morales, pécuniaires ou professionnelles, selon chaque cas ;
  • L’établissement au niveau international et par les institutions et forums internationaux, de standards professionnels et déontologiques internationaux dans ce domaine, afin d’éviter la subjectivité qui émerge toujours de la compétition politique interne.

b) En adoptant de telles mesures, et en même temps des mesures ayant pour objet de défendre la liberté de la presse, les mass média contribueraient au processus essentiel de la démocratisation de la démocratie, un processus qui est nécessaire dans le contexte de la mondialisation et de la crise faisant face aux mécanismes démocratiques traditionnels.

 

3. Participation

  1. Citoyens – organisations de la société civile

a) La participation de la société civile dans la gouvernance mondiale s’est accrue dramatiquement durant la dernière décennie. En raison de leur grand engagement et de leur expertise, les syndicats et autres partenaires sociaux d’une part, et les ONG d’autre part, on joué un rôle clé dans le cycle des conférences mondiales des années 1990 et se sont vu attribuer des tâches importantes dans les processus de suivi. Elles ont contribué à diriger l’attention international sur l’importance du développement durable, l’élimination de la pauvreté et la protection des droits de la personne. Certaines étapes importantes dans les prises de décisions mondiales n’auraient pas pu être possibles sans l’engagement et le soutien actif de la société civile, tel que l’interdiction internationale des mines anti-personnelles et l’établissement du Tribunal pénal international.

b) Le statut consultatif des ONG à l’ONU – qui est en train d’être réexaminé par le Panel de personnalités éminentes auprès du Secrétaire-Général de l’ONU sur les relations entre les Nations Unies et la société civile ne doit pas être restreint. Les relations formelles consultatives entres les ONG à but non lucratif et les Nations Unies doivent au contraire être renforcées et élargies à toutes les institutions du système des Nations Unies, y compris l’Assemblée général de l’ONU et toutes ses agences spécialisées.

c) Cependant, les ONG ne devraient pas être surchargées par des attentes excessives. Elles influencent les prises de décisions mondiales par leur expérience, leur analyse et leur plaidoyer mais elles ne sont pas des décideurs. Seuls les parlements et les gouvernements démocratiquement élus sont les acteurs qui sont légitimés pour établir les règles et normes mondiales et pour prendre des décisions à l’échelle mondiale. Ils sont responsables vis à vis de leur électorat et ne devraient pas être autorisés à privatiser leur devoirs en transférant leurs responsabilités mondiales aux ONG et autres acteurs privés. La participation de la société civile doit compléter et non pas se substituer au rôle des parlements. La démocratie participative va de main avec la démocratie représentative.

d) Les Etats et les institutions mondiales ne peuvent pas seuls financer les besoins en développement des pays en développement. Une coopération plus intensive entre le secteur privé pour inciter l’investissement privé est nécessaire. Les sociétés mondiales ont des responsabilités, formulées dans le Compact mondial de l’ONU. Cependant, les partenariats publics-privés qui comprennent des sociétés transnationales, des associations d’entreprises ou des associations privées de riches individus au sein d’organes de décision, peuvent être problématiques car ils permettent à des représentants d’intérêts commerciaux privés de prendre part à des décisions politiques concernant des politiques publiques et des dépenses, du moins partielles, touchant aux fonds publics. Cette pratique peut ébranler la crédibilité des gouvernements et des efforts pour établir des structures de gouvernance mondiale au niveau global. Les gouvernements et les organes intergouvernementaux doivent donc établir des politiques institutionnelles claires, des estimations d’impact et des sauvegardes publiques efficaces pour assurer que les intérêts publics soient de façon non équivoque au centre de leurs interactions avec le secteur privé, le milieu des affaires et les organisations de la société civile.

  1.  

    a) Le développement de la démocratie au cours des deux derniers siècles a été déterminé par le développement des partis politiques. La compétition entre partis permet aux citoyens de choisir entre des alternatives politiques accumulant des valeurs différentes, des théories et des projets.

    b) Les partis sont les médiateurs entre la société et les gouvernements. Ils remplissent la fonction d’intégration politique.

    c) Dans les systèmes politiques totalitaires et autoritaires, le système communiste d’un côté et le système fasciste d’un autre côté ont fait un usage impropre des partis. Les systèmes à parti unique ont évolué d’une façon totalement opposée au concept que les partis démocratiques élus en compétition avec d’autres ont d’eux-mêmes.

    d) C’est surtout au sein d’une Europe démocratique que l’alternance de base entre partis de la gauche démocratique et de la droite démocratique s’est développée. Dès le début, les concepts de la gauche et de la droite ont déterminés la structure de base des institutions démocratiques . ceci a d’abord été appliqué au parlement élu après la Révolution française, et s’applique toujours aux parlement dans la plupart des démocraties, aux partis et également aux groupes proches de la politique.

    e) La distinction matérielle entre la droite et la gauche réside dans l’accès fondamentalement divergeant à la relation entre la liberté et l’égalité. La liberté s’acquiert individuellement – et aussi par héritage ou privilège ethnique – mais elle doit être défendue indépendamment de son acquisition. C’est le principe de la droite.

    f) Selon le principe de la gauche, il faut se battre pour la liberté et ce pour le compte du plus grand nombre de gens possible, et surtout ceux qui ont peu de chance de l’obtenir à leur naissance. L’association de la liberté avec la possession privilégiée et la nation est la position de base des personnes de droite. L’association de la liberté avec l’équité dans la distribution et l’internationalisme d’autre part constitue le principe de base des personnes de la gauche démocratique.

    g) La distinction est autant d’actualité aujourd’hui qu’il y a deux cents années. Même le débat entre la ‘droite républicaine’ et la ‘gauche démocrate’ aux Etats-Unis reflète cela. Les républicains défendent la propriété de la haute bourgeoisie contre l’Etat social et l’Etat écologique, les démocrates défendent l’Etat social et l’Etat écologique. Sur le plan international, les républicains représentent l’intérêt national hégémonique de leur pays tandis que les démocrates acceptent les mécanismes multilatéraux sous-jacent au droit international.

    h) Les positions politiques mondiales des parties aux Etats-Unis montrent que les partis sont déjà actifs et nécessaires, non seulement au niveau national mais également au niveau mondial et régional.

    i) Les partis de la gauche démocratique se sont joints à l’échelle mondiale : l’Internationale Socialiste existe depuis 1951. Au commencement, c’était une union de partis essentiellement européens. Dans les années 1970 et 1980, le président de l’IS Willy Brandt a encouragé l’admission de partis d’Amérique latine, d’Afrique, d’Etats arabes et d’Asie. L’IS est ainsi devenue une organisation mondiale de partis démocratiques de gauche ayant des cultures démocratiques différentes de par leur histoire et leur situation géopolitique.

    j) Les partis de la droite démocratique ont également joint leurs forces. L’Union démocratique internationale existe depuis 1983.

    k) La mondialisation exige que les larges communautés mondiales de partis intensifient leurs travaux et promeuvent de plus en plus des intérêts de communautés stratégiques et conceptuels. Elles peuvent alors se considérer comme des alternatives démocratiques au niveau mondial – tout comme leurs partis membres constituent ces alternatives au niveau étatique.

    l) Entre les Etats et le niveau mondial, elles devraient construire et intensifier les liens régionaux. La coopération entre les communautés de partis peut être renforcée au niveau étatique et décentralisée au niveau mondial.

    m) L’intégration de gens de droite démocratiques et de gens de gauche démocratiques dans l’Union européenne a progressé de façon significative. Le Parti du peuple européen et le Parti Social-Démocrate d’Europe se considèrent comme les principales alternatives et sont efficaces au travers de leurs membres au sein du Parlement européen.

    1. Les partis
    2. Les parlementaires

a) Les partis démocratiques sont impliqués dans les décisions politiques au travers de leur participation aux élections et le travail de leur représentants au sein du parlement. les parlements élisent et surveillent les gouvernements. ceci s’applique au niveau national et doit également s’appliquer au niveau mondial.

b) L’Internationale Socialiste est convaincue que des élections libres et justes doivent être la source fondamentale de la légitimité des parlementaires. Cependant, en ce qui concerne les entités parlementaires élues et appointées, l’ouverture d’esprit, la transparence et la responsabilité sont des conditions cruciales à un exercice démocratique réel capable de faire en sorte que les personnes demeurent impliquées dans le processus de prise de décisions.

c) Les parlements et les gouvernements démocratiquement élus sont les acteurs qui sont légitimés pour établir les règles et normes mondiales et pour prendre des décisions à l’échelle mondiale. Ils sont responsables vis à vis de leur électorat et ne devraient pas être autorisés à privatiser leur devoirs en transférant leurs responsabilités mondiales aux ONG et autres acteurs privés. La participation de la société civile doit compléter et non pas se substituer au rôle des parlements. La démocratie participative va de main avec la démocratie représentative.

d) Parlementariser le système politique mondial doit être l’objectif de l’IS – avec la représentation de partis politiques offrant des alternatives de valeurs politiques mondiales, de théories et de projets.

e) Une responsabilité et un contrôle démocratique mieux structuré sont nécessaires pour que le déficit démocratique mondial soit sérieusement abordé. A un certain moment, la contemplation d’une Assemblée parlementaire des Nations Unies sera nécessaire. Un tel développement devrait être soutenu par l’émergence graduelle d’une citoyenneté véritablement mondiale, étayée par des droits dérivés de la déclaration des droits de l’homme de 1948 et de la convention de 1966 sur les droits civils, politiques, économiques et sociaux.

f) L’idée est débattue et souvent écartée comme étant utopique. Avant de la rejeter, il faudrait examiner de près l’expérience européenne, qui à une plus petite échelle il est vrai, montre que la démocratie internationale est possible et politiquement nécessaire.

g) Une telle assemblée devrait devenir plus qu’une simple institution des Nations Unies. Elle devrait devenir un élément de base d’un nouvel ordre mondial démocratiquement légitime. Loin d’être utopiques, de récents développements et tendances sont en train d’ouvrir la voie. L’Union interparlementaire prend vie. L’ONU organise déjà un Forum parlementaire dans le cadre de conférences internationales majeures.

h) Afin d’atteindre l’objectif de l’Assemblée parlementaire de l’ONU, les larges communautés de partis doivent faire tous les efforts possibles, et elles doivent renforcer leur coopération. Le point de départ principal pourrait se trouver au sein des assemblées de l’Union interparlementaire (UIP).

i) Les larges communautés de partis devront également chercher à créer des liens avec les partis qui ne leur appartiennent pas. Ceci est particulièrement nécessaire dans les pays fortement peuplés comme la Chine, l’Inde, l’Indonésie, les Etats-Unis, et la Russie. Il sera encore plus difficile de représenter les alternatives politiques et démocratiques mondiales sans la participation représentative des parlementaires de ces Etats.

j) L’alternative entre la gauche et la droite est aussi valide au niveau mondial. Les principes sociaux-démocrates – le développement durable, les droits de la personne et une démocratie complète – s’opposent à l’idéologie de marché néo-libérale, à l’agenda conservateur et à l’approche unilatérale. Les principes de la gauche doivent répondre aux intérêts des pays en développement, les principes de la droite répondent aux intérêts des pays industrialisés.