Réunion du Comité de l’Internationale Socialiste pour l'Amérique latine et les Caraïbes, La Romana, République Dominicaine

3-4 Juin 2022

Le Comité de l’Internationale Socialiste pour l’Amérique latine et les Caraïbes s’est réuni à La Romana, en République dominicaine, les 3 et 4 juin 2022.

À l’ouverture de la rencontre, le leader du parti hôte (PRD), président du Comité et vice-président de l’IS, Miguel Vargas, s’est adressé aux participants pour les remercier de leur présence, dire sa satisfaction face à la reprise des activités en personne après plus de deux années de restrictions imposées par la pandémie, et souligner les efforts déployés en continu par le secrétariat de l’IS pour maintenir les rencontres sur une base régulière grâce aux moyens télématiques, ceci afin de répondre efficacement aux enjeux de cette période biennale. La famille sociale-démocrate, poursuit-il, doit se pencher sur ses priorités pour la phase de normalisation de l’après-pandémie. Les thèmes proposés pour cette réunion, à savoir l’économie, la migration et la sécurité citoyenne, sont sans aucun doute les principaux défis que la région doit relever. La Covid-19 a révélé la fragilité des progrès engrangés ces dernières années dans la région, qui se trouvent désormais en butte au repli social et économique, à la hausse de la pauvreté et à de plus fortes inégalités. Ces réalités sont autant de menaces pour nos démocraties, dont plusieurs sont en proie à des soulèvements sociaux et à une montée des propositions populistes et autoritaires. M. Vargas rappelle que l’engagement de notre famille politique doit toujours trouver sans ancrage dans la démocratie et la lutte contre l’absence de perspectives d’avenir et l’exclusion de larges pans de nos populations. Il insiste sur la mise en place de processus de relance de l’emploi et de l’économie qui coordonnent les initiatives publiques et privées et mettent l’accent sur la justice sociale en tant qu’impératif pérenne de notre mouvement. En conclusion de ses remarques liminaires, M. Vargas lance un appel à l’unité et à la solidarité entre les différentes forces sociales-démocrates de la région.

Le Secrétaire général de l’IS, Luis Ayala, exprime sa gratitude pour l’accueil et le soutien constant du PRD à l’Internationale. Il se souvient que c’est précisément en République dominicaine, il y a des années, que ce Comité a vu le jour, sous l’impulsion et la volonté déterminante de son leader d’alors, José Francisco Peña Gómez, rappelant son engagement infaillible pour la démocratie, la liberté et la solidarité des forces politiques progressistes de la région. Il constate que l’héritage de M. Peña est toujours palpable aujourd’hui et s’exprime avec force en la personne de Miguel Vargas Maldonado, dont l’engagement en faveur de l’IS est salué de même que sa précieuse contribution à la vie politique dominicaine. M. Ayala se dit convaincu que le PRD et son président se feront toujours la voix des forces progressistes du paysage politique national avant de lui assurer le soutien de l’ensemble de la famille sociale-démocrate. Luis Ayala ajoute qu’en dépit des difficultés actuelles liées à la pandémie et aux conséquences du conflit en Ukraine pour l’économie mondiale, l’IS reste dynamique et mobilisée pour proposer des solutions à une multitude d’enjeux. Et de revenir, à titre d’exemple, sur certaines mesures récemment prises par l’IS, notamment ses sanctions imposées au parti Russie juste pour ne pas s’être fermement engagé en faveur de la paix ; ses appels à la défense des droits humains lorsque ceux-ci sont bafoués ; sa condamnation des coups d’État dans divers pays d’Afrique comme au Burkina Faso, en Guinée ou au Mali. Dans ce contexte, le mouvement et ses membres ont réaffirmé leur engagement en faveur des valeurs sociales-démocrates et des enjeux internationaux, et ne cesseront de le faire. À l’occasion du Conseil mondial de l’IS qui se tiendra à Genève dans un peu plus d’un mois, nous examinerons les demandes d’adhésion de plus de 45 partis à travers le monde qui nous sont parvenues au cours des dernières années. Il n’est pas de meilleure preuve de reconnaissance et d’appréciation des efforts déployés quotidiennement par nos forces politiques à l’échelle internationale, conclut le Secrétaire général de l’IS avant de souhaiter à nouveau la bienvenue à tous les délégués présents et d’appeler de ses vœux des débats fructueux pour les deux jours de réunion. 

Une fois les discours liminaires prononcés et la conférence de presse achevée, à laquelle ont participé le Secrétaire général et les vice-présidents de l’IS présents à la réunion du Comité, à savoir Miguel Vargas (PRD, République dominicaine), Kattia Rivera (PLN, Costa Rica), Víctor Benoit (RSD, Haïti) et Rafael Michelini (NE, Uruguay), les délégués ont commencé l’examen de l’ordre du jour proposé : Priorités du nouveau scénario de l’après-pandémie – enjeux et propositions pour la région ; œuvrer au renforcement de la démocratie et à la fin du populisme et de l’autoritarisme en Amérique latine et dans les Caraïbes ; pour une politique migratoire juste, régulière et humaine dans le continent ; vers la construction d’un modèle de sécurité citoyenne fondée sur notre vision sociale-démocrate pour contrer la hausse de la criminalité en Amérique latine.

Au gré de leurs interventions, les délégués ont abordé les différents thèmes contenus dans l’ordre du jour avec une perspective régionale et en faisant des liens avec les récents événements politiques dans leurs pays respectifs.

Les délégués du Chili, Marco Antonio Núñez, Claudio Vásquez (PPD) et Ricardo Navarrete (PR), ont fait rapport au Comité des avancées du processus constitutionnel en cours dans le pays et du bilan des trois premiers mois du gouvernement du président Boric, qui a élargi sa base de soutien avec les partis membres de l'IS. Le vice-président de l’IS et leader du parti Nouvel espace en Uruguay, Rafael Michelini, a détaillé les mesures prises par le Front ample uruguayen, désormais dans l’opposition, pour asseoir sa présence dans la société uruguayenne et aborder avec une confiance renouvelée les prochains scrutins prévus dans deux ans. Les délégués du PNP en Jamaïque, Horace Dalley et Janice Allen, ont dit leur joie de retrouver les membres régionaux de cette famille politique qu’ils n’avaient pas vus depuis le Comité de Montego Bay fin 2019, avant de confier que leur parti tente d’apporter une réponse à la crise économique et sociale provoquée par la pandémie en des termes progressistes ; et de rappeler que dans les années 1970, les agressions et le mépris ciblaient déjà la démocratie sur quasiment tout le continent avant que celle-ci ne puisse se déployer à nouveau, il y a donc lieu d’espérer que face aux nouveaux assauts du populisme et de l’autoritarisme, la sociale démocratie fera à nouveau front et la renforcera avec vigueur, déclare M. Dalley avant d’ajouter que l’insécurité est l’un des principaux défis à l’échelle régionale. José Inés Castillo (UNE, Guatemala) intervient également en ce sens et insiste sur le travail sans relâche au service des plus démunis dans la région, avant d’informer le Comité que la leader de son parti et vice-présidente de l’IS, Sandra Torres, est en bonne position dans les intentions de vote des Guatémaltèques pour le scrutin de 2023, en espérant que cette fois-ci, sa candidature ne soit pas entravée par des freins juridiques ou administratifs illégitimes.

José Murat (PRI, Mexique) s’est fait l’écho des salutations du leader de son parti et vice-président de l’IS, Alejandro Moreno, et a contribué au débat en précisant que les dérives populistes et autoritaires ainsi que la migration et l’insécurité s’expliquent dans une large mesure par la détérioration de la situation économique et des conditions de vie dans les pays de la région. Pour les délégués José Castillo et Sandra Noriega (PRD, Panama), face aux situations de conflits comme celui qui frappe l’Ukraine, il convient de réaffirmer l’engagement des forces sociales-démocrates en faveur de la paix, du multilatéralisme et du règlement pacifique des différends ; pour ce qui trait aux questions migratoires, leur pays, à l’instar d’autres dans la région, n’est ni un pays d’origine ni un pays de destination, mais en substance un pays de transit, il s’agit dès lors d’opérer un distinguo entre ces trois catégories aux fins d’éclairer le débat, de même qu’il convient d’aborder les délits liés à la migration avec une approche régionale et infrarégionale, comme le fait le Panama par la voie du PARLACEN ; et enfin, le Comité a été informé que le PRD se prépare avec énergie à obtenir le meilleur résultat électoral possible en 2024. Le délégué du PRD dominicain, Juan Carlos Guerra, a partagé ses réflexions sur le phénomène migratoire, notamment l’importance du partage des responsabilités entre pays d’origine, de transit et de destination, et le phénomène de la migration internationale en plein essor depuis 2010.

Les représentants des deux partis membres en Haïti, Chantal Ociel (RSD) et Mozart Clerisson (Fusion des sociaux-démocrates), ont affirmé que leur pays fait toujours face avec énergie au phénomène migratoire et à la détérioration des conditions de vie de sa population. Le leader du parti RSD et vice-président de l’Internationale Socialiste, Victor Benoit, est revenu sur la fragilité persistante des institutions haïtiennes et a dit son inquiétude face à la grave recrudescence de l’insécurité et de la criminalité dans le pays où certaines bandes hautement organisées, armées et agissant souvent avec la complicité des autorités contrôlent de vastes régions et diverses zones stratégiques pour l’unité territoriale du pays. Marcelo García (UCR, Argentine) déplore que dans son pays également les conditions de vie se soient considérablement détériorées ; les exportations ont beau avoir crû de 45 % ces deux dernières années, les ressources engrangées ont été largement dépensées par le gouvernement dans le versement de subventions ; le parti UCR, désormais dans l’opposition, s’engage à maintenir un gouvernement  démocratique, la séparation des pouvoirs et le renforcement des mécanismes fiscaux et de contrôle de gestion ; en parallèle, le parti autour de la Fondation Alem progresse dans son processus de réflexion et de relance dans le but de récupérer des provinces de Santa Fe aux prochaines élections régionales.

La leader du PLN au Costa Rica et vice-présidente de l’IS, Kattia Rivera, a articulé sa réflexion autour de quatre priorités pour les partis sociaux-démocrates dans la région : restaurer la confiance de la population par la transparence et la redevabilité ; miser sur un État plus efficient et efficace qui favorise les synergies entre le secteur public et le secteur privé lorsque requis ; stimuler la relance économique sur fond d’équité sociale et avec une approche axée sur le genre ; œuvrer pour des systèmes éducatifs robustes, inclusifs et qui jouent leur rôle de maillon essentiel pour le développement humain en défendant, entre autres, la consécration de la connectivité comme droit humain fondamental pour combler les fossés et réduire les inégalités ; de même que le respect de l’environnement. Les délégués du Venezuela, Mauricio Poler (AD) et Carlos Valero (UNT), ont rappelé que plus de 6 millions de Vénézuéliens vivent désormais hors des frontières, ce qui fait de la migration l’un des principaux enjeux du pays ; ont fait état de la dollarisation de l’économie vénézuélienne ce qui est, selon eux, loin de produire les effets escomptés de relance économique annoncés par le régime de Nicolás Maduro pour n’être qu’une amélioration très marginale dans un pays qui a vu l’effondrement de 75% de son PIB; ont expliqué les difficultés traversées par certains partis politiques de l’opposition victimes d’une tentative de prise de contrôle par les autorités, plaidant pour l’adoption d’une déclaration à cet égard par le Comité ; et enfin, ont dit leur optimisme face au processus de négociation lancé au Mexique sous les auspices de la Norvège, une initiative à soutenir pour avancer vers une sortie de crise dans le pays.

Miguelina Vecchio (PDT, Brésil) s’est exprimée sur le thème de la démocratie, insistant sur son délitement rapide face à l’irruption de dirigeants populistes à l’instar de Jair Bolsonaro dans son pays ; rappelant que le gouvernement de Lula avait, certes, permis de grandes avancées en sortant plus de 45 millions de personnes de la pauvreté, mais avait aussi creusé la dette dans des domaines clés tels que celui de la réforme agraire ; avant de conclure en précisant que le scrutin présidentiel au Brésil est caractérisé par le clivage entre Bolsonaro et Lula, ce qui n’entame pas la confiance du PDT dans l’expérience et la proposition de son candidat, Ciro Gomes. Miguel Ángel Sánchez (PLC, Colombie) a informé le Comité de la décision du PLC de ne pas apporter son soutien au candidat Gustavo Petro au second tour des élections présidentielles prévues dans deux semaines, et a remercié le Comité pour sa disposition à comprendre la situation et à s’informer en profondeur sur la politique intérieure de son pays avec la tolérance et le respect qui caractérisent le socialisme démocratique.

Les interventions de Luis Ernesto Camilo et de Janet Camilo (PRD, République dominicaine) ont conclu la première journée de travail avec, pour le premier, un appel au renforcement des institutions face à la prolifération dans la région des symptômes de ce qu’il qualifie de démocraties inorganiques avec, entre autres, des modifications à la carte de la Constitution, l’augmentation de la dette publique, le recours au pouvoir judiciaire, aux juges constitutionnels et aux organes de contrôle par les autorités, et le contrôle des moyens de communication ; et pour Janet Camilo, un rappel de la nécessité de renforcer nos partis politiques et de veiller à restaurer activement la confiance et renouer avec l’électorat afin de permettre aux forces sociales-démocrates d’accéder aux gouvernements de la région.

La seconde journée de travail a été marquée par les interventions de Fernando Martin (PIP, Porto Rico), priant les délégués d’apporter leur soutien à la déclaration en faveur de l’autodétermination et de l’indépendance de son pays ; et de la présidente du parti UN en Bolivie, Rita Elizabeth Reyes, invitant les délégués à adopter une décision en faveur de l’indépendance judiciaire et de la sauvegarde légitime de la liberté en politique exempte de menace et de sanction judiciaire ou administrative à des fins de persécution politique, comme c’est le cas au Guatemala, entre autres pays de la région.

Après avoir passé en revue l’ordre du jour et débattu des thématiques propres aux situations politiques des différents pays de la région, le Comité a conclu ses travaux par l’adoption de six résolutions : la Déclaration de La Romana, la Déclaration relative à l’indépendance judiciaire, la Déclaration relative au Venezuela, la Déclaration relative à Haïti, la Déclaration relative à l’Uruguay et la Déclaration relative à Porto Rico.

Le Comité a en outre alloué du temps, en sus de l’examen des points de l’ordre du jour, de ses interactions et débats, pour entendre la présidente du PLN au Costa Rica et le président du NE en Uruguay, Kattia Rivera et Rafael Michelini respectivement, deux vice-présidents de l’IS, rendre hommage et dire leur admiration et leur affection pour feu Bernal Jiménez, figure publique costaricaine, leader du parti PLN et vice-président très actif et apprécié de l’IS, qui nous a récemment quittés. Les membres du Comité ont observé une minute de silence en sa mémoire.

Avant la clôture de la réunion, le président du Comité, Miguel Vargas, et le Secrétaire général de l’IS, Luis Ayala, ont redit leur satisfaction quant à la participation des délégués, la qualité des débats et les résolutions adoptées lors de la réunion et se sont dits confiants que la région d’Amérique latine et des Caraïbes jouira d’une large représentation de partis et d’une position claire et actualisée sur les grands enjeux de la région lors du prochain Conseil mondial de l’IS qui se tiendra à Genève les 7 et 8 juillet prochains.

 


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